Echirolles. Salah Hamouri demande le respect des droits humains des Palestiniens

Par Luc Renaud

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Salle pleine, mardi 30 janvier, à l’invitation de l’Association France Palestine solidarité.

Six cents personnes ont assisté à la conférence organisée par l’AFPS avec la participation de Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, et Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique. Pour les intervenants, l’issue d’un conflit de plusieurs décennies passe par l’égalité des droits. Et un cessez-le-feu immédiat à Gaza.

La confé­rence a bien eu lieu. Mal­gré l’arrêté pré­fec­to­ral d’interdiction signi­fié quelques minutes avant les pre­mières inter­ven­tions, alors que la salle des fêtes d’Echirolles com­men­çait à faire le plein. Salah Hamou­ri, avo­cat de natio­na­li­té fran­co-pales­ti­nienne long­temps empri­son­né en Israël sous le régime de la déten­tion admi­nis­tra­tive, et Alain Gresh, jour­na­liste, ancien rédac­teur en chef du Monde diplo­ma­tique, ont tour à tour pris la parole.

Salah-Hamouri/

Salah Hamou­ri.

Salah Hamou­ri a cen­tré son inter­ven­tion autour d’une idée : il y a en Israël une popu­la­tion dont les ter­ri­toires sont occu­pés, les Pales­ti­niens, et une puis­sance occu­pante, l’État d’Israël. Avec les consé­quence dra­ma­tiques que l’on connaît aujourd’hui, les dizaines de mil­liers de morts, hommes, femmes et enfants, dans la bande de Gaza, mais aus­si dans les ter­ri­toires occu­pés de Cis­jor­da­nie. « 382 morts assas­si­nés par l’armée israé­lienne, 4300 bles­sés et 6305 arres­ta­tions en Cis­jor­da­nie », a comp­ta­bi­li­sé Salah Hamou­ri qui rap­pelle que 14000 Pales­ti­niens sont aujourd’hui empri­son­nés.

Salah Hamou­ri, puis après lui Alain Gresh, évoquent les récentes mises en cause des finan­ce­ments de l’Office de secours et de tra­vaux des Nations unies pour les réfu­giés de Pales­tine dans le Proche-Orient (l’UNRWA). « Selon une infor­ma­tion israé­lienne, douze employés de l’agence sont soup­çon­nés d’implication dans l’attaque du Hamas le 7 octobre, douze sur les treize mille qui tra­vaillent à Gaza, explique Alain Gresh, et les Etats-unis, des pays euro­péens dont la France, sus­pendent leurs finan­ce­ments. » Cette agence orga­nise l’aide huma­ni­taire dans les camps de réfu­giés pales­ti­niens de tous les pays du Proche-Orient, camps qui regroupent six mil­lions de per­sonnes. « Les buts de guerre de l’armée israé­lienne n’ont pas été atteints, ils uti­lisent aujourd’hui l’arme de la famine avec la com­pli­ci­té des Etats-unis et de l’Europe », com­mente Salah Hamou­ri.

Au delà de l’actualité dra­ma­tique, Salah Hamou­ri situe les réa­li­tés actuelles dans le temps long. « Il ne s’agit pas d’une guerre de reli­gion entre juifs et musul­mans, insiste-t-il, mais d’un Etat qui colo­nise la ter­ri­toire d’un peuple et qui uti­lise toutes les armes de répres­sion pos­sible pour que les Pales­ti­niens quittent leur terre. » Salah Hamou­ri cite un chiffre : « un tiers de la popu­la­tion pales­ti­nienne a connu la pri­son au cours de sa vie », indique-t-il.

Alain-Gresh/

Alain Gresh.

Alain Gresh reprend la ques­tion sous l’angle du droit inter­na­tio­nal. « La Cour inter­na­tio­nale de jus­tice vient de prendre une posi­tion  qui a valeur de sym­bole en exi­geant de l’État d’Israël qu’il prenne toutes les mesures néces­saires à empê­cher la com­mis­sion d’un géno­cide dans la bande de Gaza », relève-t-il. Une déci­sion prise à la demande de l’Afrique-du-Sud, par la plus haute ins­tance de jus­tice inter­na­tio­nale, une cour com­po­sée de quinze magis­trats et dont la pré­si­dente, Joan E. Donog­hue, est amé­ri­caine.  L’arrêt a été adop­té à l’unanimité – y com­pris le juge fran­çais, Ron­ny Abra­ham –, à l’exception du juge israé­lien, et de la juge ougan­daise. Alain Gresh insiste sur l’égalité de trai­te­ment entre toutes les atro­ci­tés : « il faut par­ler de la Shoah comme d’un géno­cide, d’un crime contre l’humanité, pro­duit par les théo­ries racistes qui ont vu le jour en Europe, et sou­li­gner que la conven­tion pour la pré­ven­tion et la répres­sion du crime de géno­cide de 1948 doit être res­pec­tée par­tout dans le monde ».

Alain Gresh évoque ensuite l’évolution de la posi­tion fran­çaise depuis une ving­taine d’années. « L’État fran­çais, dans les années 70, tenait compte de ce qui se pas­sait dans les ter­ri­toires occu­pés dans le cadre de ses rela­tions avec Israël ; insen­si­ble­ment, les choses ont évo­lué, la France et l’Europe déve­loppent aujourd’hui leurs rela­tions avec Israël dans tous les domaines, comme si tout était nor­mal en Israël et qu’il ne se pas­sait rien de spé­cial en Cis­jor­da­nie et à Gaza ; la prise de posi­tion offi­cielle sur les deux États qui devraient coexis­ter en Pales­tine n’est plus qu’une pos­ture vide de sens. »

Anne-Tuaillon/

Anne Tuaillon, pré­si­dente de l’As­so­cia­tion France Pales­tine soli­da­ri­té.

Deux États ? Salah Hamou­ri n’y croit plus. « Depuis les années 90, la popu­la­tion des colons israé­liens en ter­ri­toire pales­ti­nien est pas­sé de 100000 à 800 000 ; des murs ont été construits, des Pales­ti­niens expul­sés… », constate-t-il. L’intervenant consi­dère donc que la solu­tion, qui appa­raît aujourd’hui loin­taine, serait un État où l’égalité des droits serait assu­rée. Il prend l’exemple de l’Afrique du sud. « Nous ne vou­lons pas jeter les Israé­liens à la mer, dit-il, la fin de l’apartheid en Afrique-du-Sud, ce n’était pas de jeter les Afri­ka­ners à la mer ; mais il faut assu­rer l’égalité des droits entre Pales­ti­niens et Israé­liens ». Loin des réa­li­tés actuelles en Israël qua­li­fiées par de nom­breuses orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales comme rele­vant d’un régime d’apartheid.

Et dans l’immédiat ? Salah Hamou­ri et Alain Gresh sou­lignent l’importance de la soli­da­ri­té inter­na­tio­nale. « Il est très signi­fi­ca­tif de voir l’évolution de l’opinion aux Etats-Unis, note Alain Gresh, ce que nous pou­vons faire en Europe et dans le monde est une aide concrète au réta­blis­se­ment des droits des Pales­ti­niens qui vivent sous occu­pa­tion. »

Une soi­rée aux anti­podes du « risque de trouble à l’ordre public » cité par le pré­fet ou des « appels à la haine » que le pré­sident du Crif Dau­phi­né vou­drait asso­cier à l’Association France Pales­tine soli­da­ri­té.

Signature/

Les deux inter­ve­nants ont lon­gue­ment dédi­ca­cé leurs ouvrages.

Extrait d’un courrier adressé par Edouard Schoene au président du Crif Grenoble Dauphiné

Je vous écris car il y a quelques mois vous avez condam­né l’a­gres­sion anti­sé­mite, anti­com­mu­niste dont j’ai été vic­time… et qui a été clas­sée sans suite par le pro­cu­reur. (…)

Cette ren­contre, inter­dite un quart d’heure avant sa tenue, s’est dérou­lée sans le moindre inci­dent.

J’y étais, consi­dé­rant que le mili­tant paci­fiste juif que je suis se devait de mar­quer, une fois de plus, son sou­tien aux actions pour obte­nir un ces­sez-le-feu immé­diat à Gaza, le res­pect du droit inter­na­tio­nal, pour dénon­cer les mas­sacres odieux per­pé­trés par déci­sion du gou­ver­ne­ment d’Is­raël à Gaza .

Le cli­mat, ce soir à Echi­rolles, contrai­re­ment à ce que vous annon­ciez au Dau­phi­né libé­ré, n’é­tait pas à la haine.

Je n’ai enten­du aucun inter­ve­nant, contes­ter, comme vous l’a­vez décla­ré, le droit à Israël d’exis­ter.

Ce qui tout au long de la soi­rée a été dit et sou­te­nu par la salle, c’est que le droit inter­na­tio­nal doit être res­pec­té.

Vous êtes avo­cat et vous devriez être sen­sible au juge­ment de la Cour inter­na­tio­nale de jus­tice qui a deman­dé à Israël de « prendre toutes les mesures en son pou­voir pour pré­ve­nir la com­mis­sion de tous les actes entrant dans le champ d’application de l’article 2 » de la conven­tion sur le géno­cide (15 vote pour et 2 contre) ; assu­rer l’accès de l’aide huma­ni­taire et aux ser­vices de base dans la bande de Gaza (16 votes pour et 1 contre). »

Vous avez assez scan­da­leu­se­ment condam­né la maire d’E­chi­rolles, Mme Aman­dine Demore, pour n’a­voir « pas eu le cou­rage d’in­ter­dire la confé­rence ».

C’est l’hon­neur d’é­lus de la répu­blique de per­mettre que la liber­té ne soit pas un mot qui soit jour après jour bafoué, notam­ment par notre pré­fet qui a été condam­né par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif lors­qu’il a inter­dit une mani­fes­ta­tion pour récla­mer le ces­sez le feu à Gaza.

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