De retour de Turquie, après le premier tour de l’élection présidentielle
Par Maryvonne Mathéoud
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Aurélien et Isabelle, deux membres de la délégation iséroise.
Les élections du 14 ont eu lieu en présence d’observateurs internationaux, à l’invitation du parti HDP. Parmi ces derniers, trois Isérois étaient du voyage.
En Turquie le dimanche 14 mai se sont tenues des élections présidentielles et parlementaires. Ces élections se sont déroulées dans un contexte politique extrêmement répressif et polarisant, accompagné d’une crise économique qui s’aggrave de jour en jour, sans compter les conséquences dévastatrices des récents tremblements de terre qui ont frappé dix provinces du pays. Depuis les élections législatives de juin 2015, et surtout après le coup d’État avorté de juillet 2016, le parti au pouvoir (AKP) et ses alliés ultranationalistes ont anéanti les institutions démocratiques déjà faibles de Turquie en vue d’instaurer un régime autoritaire. Le président Erdoğan s’est assuré le contrôle de la plupart des médias. 90 % des médias sont au service d’Erdogan. Le gouvernement a modifié la loi électorale, légalisant diverses irrégularités et fraudes électorales. De fait personne ne s’attendait à des élections justes et libres. L’alliance AKP-MHP contrôle entièrement le Conseil suprême des élections. C’est dans ce contexte que le HDP a invité des délégations à se rendre en Turquie pour observer les élections.Un bureau de vote dans un village kurde, près de Malatya. Photos Marius Jouanny
Pour Aiak, trois délégués ont fait le déplacement. Isabelle et Chantal, membres d’Aiak ; et Aurélien, membre de l’UCL. Le 19 mai, Isabelle et Aurélien donnaient une conférence de presse et un premier compte rendu de leur voyage pour les adhérents d’Aiak. En premier lieu, les délégués ont tenu à souligner qu’ils avaient reçu un très bon accueil de la part des militants du HDP. Pourtant, 10 000 cadres et militants du HDP sont actuellement en prison. « Nous nous demandons comment ils font pour continuer la lutte avec la menace constante d’être arrêté et emprisonné comme leurs camarades », souligne Isabelle Métral. « Le HDP a accueilli 150 délégués étrangers ce qui représente un lourde charge pour les militants qui en plus devaient mener la campagne sans le support des médias », ajoute Aurélien. La délégation devait aller à Muş, mais finalement elle s’est rendue à Siverek, moins dangereux. « On nous expliqué que la route était barrée par l’armée », précise Isabelle. La délégation d’Aiak était accompagnée de Koçali, le conducteur, et de Mélike, la guide, parlant anglais.Trois Kurdes et un militant YSL/HDP qui viennent de voter.
« Nous avons visité cinq bureaux de vote où nous avons reçu un très bon accueil. Tout paraissait en règle. Dans la première école visité nous avons constaté un très grand nombre de votants, une impression de flot humain. Une certaine agitation et des pressions furent perçues par Méliké dans les files d’attentes. Elle nous a dit qu’elle avait entendue des incitations à voter AKP. L’un de nous a remarqué la présence de plusieurs policiers dans chaque école. Nous avons constaté la présence d’un véhicule blindé de la police a l’entrée de l’école Minar Sinan Ortaokull, gênant l’entrée.La police en arme était présente dans les bureaux de votes. » La délégation, pour des raisons de sécurité, n’a pas pu se rendre dans certains bureaux de vote. « Nous n’avons pas pu entrer dans quatre salles, mais nous n’avons pas eu d’explication, nous n’avons pas pu assister au dépouillement. En résumé, nous n’avons pas constaté d’irrégularités visibles », indiquent les délégués.Sa maison a été détruite par le séisme. Elle a attendu un mois avant que l’État ne lui envoie une tente dans lequel elle vit toujours.
Les résultats de ces élections dont dépend la vie démocratique et l’avenir politique du pays sont bien décevants, mais les amis kurdes s’accrochent à un espoir. Pour l’élection présidentielle, un second tour aura lieu le 28 mai. Beaucoup s’accordent à dire qu’il s’agit des élections les plus importantes de l’histoire démocratique de la République de Turquie. « Selahattin Demirtaş, ancien vice président du HDP, en prison depuis 2016, (sans jugement) déclarait avant les élections que le pays observerait une pause dans le dépouillement des élections, pour que les autorités puissent ‘’arranger’’ les résultats qui leur seraient défavorables », rappellait Ali, co-président d’Aiak, lors du compte rendu devant la presse du voyage des observateurs isérois. Effectivement, dès 23h15, le décompte officiel des résultats a été arrêté pendant plusieurs heures, le HDP qui comptabilisait les chiffres remontant des bureaux a estimé à 51% les voix recueillies par Kemal Kiliçdaroglu. Les chiffres officiels ont finalement crédité Erdogan de 49,4% des voix et Kiliçdaroglu de 44,9% . L’AKP, parti d’Erdogan, a fait recompter parfois à onze reprises les bulletins dans les bureaux où il contestait un résultat le donnant battu. Des assesseurs de l’opposition ont parfois été arrêtés lorsqu’ils contestaient des fraudes.Le parti de la gauche verte en campagne.
A Urfa, la contestation a permis de passer de quatre à cinq députés du YSP élus ; le YSP, « parti de la gauche verte » étant celui qui a permis aux candidats HDP de se présenter, ce parti étant menacé de dissolution à la veille des élections. Le YSP a recueilli 61 députés, ayant dépassé la barre fatidique de 10% (10,6%). « A Lyon, au bureau de vote nous avons observé des irrégularités qui hélas n’ont pas suffisamment dénoncées par les assesseurs du CHP (parti du candidat d’opposition unie ) », dénonce Ali. L’amertume est grande en France et en Turquie à l’énoncé des résultats officiels des législatives et du premier tour de l’élection présidentielle.Le CHK, qui regroupait l’opposition dans son ensemble, a conduit une campagne active face aux médias contrôlés par Erdogan.
Le HDP donnait accès, pour la délégation iséroise, à des communiqués tout au long de la journée qui faisaient état de fraudes et d’incidents. Trois observateurs français ont été refoulés de Turquie dès leur arrivée. Il s’agit de Sandra Revol députée EELV, et deux personnes de solidarité et liberté dont la responsable Annick Samouelian. 18h50 : la délégation autrichienne observe des tensions fortes dans les bureaux de vote avec la présence militaire 19h30 : deux observateurs espagnols sont arrêtés 19h40 la délégation allemande (die Linke) note des incidents, etc.