Métropole grenobloise. La ZFE qui coince

Par Luc Renaud

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Une présentation fort documentée par les responsables de l'union de quartier Chorier Berriat.
La zone à faibles émissions concernera les particuliers à partir de juillet prochain. Selon des modalités que la métropole va définir avec prudence. En attendant, la contestation s’organise. L’union de quartier Chorier Berriat a organisé le 2 décembre une réunion publique pour dire tout le mal qu’elle en pense. Elus de la ville et de la métropole avaient été invités.

« Nous ne sommes pas un club d’automobilistes en colère, si nous sommes en colère, c’est face à l’aberration de la ZFE Crit’air. » Le décor était plan­té. Pour Jean-Phi­lippe Mou­tarde, qui pré­sen­tait la soi­rée, pas ques­tion de mini­mi­ser l’impact de la pol­lu­tion sur la san­té publique, non plus que de regret­ter le tout voi­ture en ville. « Ce que nous contes­tons, c’est l’efficacité de la ZFE du point de vue de l’environnement et l’injustice sociale qu’elle repré­sente. »

Où l’on rap­pelle que la majo­ri­té des par­ti­cules fines est émise par les chauf­fages au bois non conforme et que ce sont les par­ti­cules fines qui sont à l’origine de la majo­ri­té des décès pré­ma­tu­rés impu­tables à la pol­lu­tion. Où l’on se sou­vient éga­le­ment que les par­ti­cules fines émises par la cir­cu­la­tion rou­tière le sont certes par les moteurs anciens, mais aus­si par le rou­le­ment des pneus et les pla­quettes de frein, quelle que soit la moto­ri­sa­tion du véhi­cule qui les uti­lise.

Mieux vaut être riche et bien portant

L’injustice fait l’objet d’un autre volet de la contes­ta­tion. Avec une image qui résume la situa­tion : le cadre pos­ses­seur d’un gros véhi­cule hybride Crit’air 1 qui roule 40 000 km par an pour­ra rou­ler en ville là où l’aide soi­gnante qui roule 15 000 km dans sa voi­ture Crit’air 3 sera inter­dite d’agglomération à par­tir de juillet 2025 (juillet 2023 concerne les Crit’air 5 et sans Crit’air). Ce qui concerne, selon les esti­ma­tions, de 40 000 à 80 000 véhi­cules en 2025.

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Vincent Fris­tot, éco­lo­giste, adjoint au maire de Gre­noble.

A l’issue de cette pré­sen­ta­tion, les prises de posi­tion des élus étaient très atten­dues.

Pour Vincent Fris­tot, adjoint au maire de Gre­noble char­gé des finances et de la tran­si­tion éner­gé­tique, les choses sont claires : les pro­blèmes de san­té publique sont tels qu’il faut y aller. Et de rele­ver l’épidémie en cours de bron­chio­lite ou le fonc­tion­ne­ment de ZFE dans d’autres métro­poles euro­péennes, tout en sou­li­gnant que le chauf­fage au bois n’est res­pon­sable que des deux tiers de la pol­lu­tion aux par­ti­cules fines, le tiers res­tant étant impu­table à la cir­cu­la­tion auto­mo­bile. Ce qui rap­pelle la posi­tion du pré­sident éco­lo­giste de la métro­pole lyon­naise : les Crit’air 2, c’est-à-dire tous les Die­sel, seront ban­nis de l’agglomération lyon­naise à comp­ter de 2026. Et la vidéo­ver­ba­li­sa­tion sera mise en place à Lyon dès que pos­sible.

Un volon­ta­risme qui ne répond guère aux cri­tiques sur l’efficacité limi­tée de la ZFE contre la pol­lu­tion.

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Bru­no Mal­le­val, DGA à la métro­pole, et Pierre Ver­ri, vice-pré­sident de Gre­noble Alpes métro­pole.

Toute autre est l’approche de Pierre Ver­ri, maire de Gières et vice-pré­sident de Gre­noble Alpes métro­pole, char­gé de l’air et du cli­mat. Face aux habi­tants du quar­tier qui l’invitait, « concer­ta­tion » est res­té le maître mot de son dis­cours. Il insis­tait sur le fait que les zones à faibles émis­sions sont une obli­ga­tion légale. Mais la loi pré­voit de nom­breuses pos­si­bi­li­tés d’adaptation. ZFE per­ma­nente jour et nuit – un véhi­cule en sta­tion­ne­ment dépour­vu de la bonne vignette serait pas­sible d’amende – ou ZFE tem­po­raire, par exemple de 8h à 18h ? Quelles rues et ave­nues dans la ZFE, quelles autres non concer­nées ? « Nous pour­rions déci­der de lais­ser l’accès aux par­king relais à tous les véhi­cules », indi­quait Pierre Ver­ri pour illus­trer son pro­pos.

ZFE à géométrie variable

Il est même pos­sible d’envisager une ZFE en fonc­tion des pro­fes­sions ou des niveaux de reve­nus. Bref, de quoi com­prendre les pré­oc­cu­pa­tions de Bru­no Mal­le­val, direc­teur géné­ral adjoint de la métro­pole : « ce n’est pas le dos­sier le plus facile que j’aie à gérer », glis­sait-il.

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Laurent Ter­rier, l’un des res­pon­sables du col­lec­tif pour la gra­tui­té des trans­ports.

Cela sans comp­ter le volet social de l’affaire. Car les métro­poles, à Gre­noble comme ailleurs, pré­voient d’ores et déjà des aides sur cri­tères sociaux. De quoi per­mettre l’achat d’un véhi­cule à la moto­ri­sa­tion moins pol­luante. « Pas for­cé­ment neuf, insis­tait Pierre Ver­ri, nous réflé­chis­sons à une aide aux achats d’occasion, aux chan­ge­ments de moto­ri­sa­tion sur des véhi­cules anciens… » Mais, là encore, quel est le niveau de l’aide qui per­met­tra à un sala­rié au Smic de chan­ger de voi­ture ? Les chiffres de quelques mil­liers d’euros qui com­mencent à cir­cu­ler sont loin du compte. D’autant que la ZFE métro­po­li­taine concerne bien au-delà de la métro­pole.

La ques­tion des alter­na­tives étaient bien évi­dem­ment au centre des débats. Avec un accord una­nime sur le déve­lop­pe­ment du vélo ou de la marche à pied chaque fois que c’est pos­sible.

Le vélo ne fait pas tout

Ce qui ne résout pas tout. Laurent Ter­rier et Michel Szem­pruch par­ti­ci­paient à la réunion au titre du col­lec­tif pour la gra­tui­té des trans­ports. Et c’est fort logi­que­ment qu’ils inter­ve­naient en faveur d’un déve­lop­pe­ment des trans­ports col­lec­tifs et d’une poli­tique tari­faire allant vers la gra­tui­té. « C’est une solu­tion qui marche pour que le report modal soit effec­tif et que la voi­ture soit moins uti­li­sée. » Ce qui sup­pose des inves­tis­se­ments. La des­serte caden­cée de l’étoile fer­ro­viaire gre­no­bloise, le « RER gre­no­blois », ver­ra le jour moyen­nant plus d’un mil­liard d’euros. Et, aujourd’hui, l’offre de trans­ports en com­mun dans la région gre­no­bloise demeure infé­rieure à ce qu’elle était avant la crise sani­taire. De l’État jusqu’au syn­di­cat des mobi­li­tés de l’agglomération – le SMMAG – en pas­sant par la région, com­pé­tente pour le che­min de fer, un authen­tique choc de la déci­sion poli­tique est indis­pen­sable pour que le réseau de trans­ports s’adapte aux néces­si­tés éco­lo­giques et sociales.

La phase publique de concer­ta­tion ini­tiée par la métro­pole se pour­suit jusqu’au 9 décembre. Des déci­sions seront prises au prin­temps pour défi­nir les contours de la ZFE à la sauce gre­no­bloise. ZFE dont le prin­cipe et l’efficacité pour l’amélioration de la qua­li­té de l’air sont vive­ment contes­tés.

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Cent trente per­sonnes avaient répon­du à l’in­vi­ta­tion de l’u­nion de quar­tier.

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  • Le pro­blème de ces assem­blées, c’est qu’elles sont fina­le­ment peu repré­sen­ta­tives de la diver­si­té des habi­tants. Dans les faits, beau­coup d’ha­bi­tants ne croient plus à ces pro­ces­sus. L’ex­pé­rience pas­sée nous a mon­tré par­fois qu’elles ser­vaient de tri­bune et de point d’ap­pui à des car­rières poli­tiques. La poli­tique, qu’elle soit locale ou natio­nale, a du mal à réel­le­ment prendre le temps de la construc­tion de pro­jets où l’on s’ap­puie­rait vrai­ment sur l’ex­per­tise réelle des habi­tants à pro­pos de leurs pro­blèmes. Le peu d’ha­bi­tants qui y vont, en pro­por­tion de la popu­la­tion, sont vrai­ment admi­rables. Je res­pecte sin­cè­re­ment leur déter­mi­na­tion à ne pas lâcher le ter­rain poli­tique. Mais leur laisse-t-on vrai­ment la pos­si­bi­li­té de construire et de s’ex­pri­mer dans un cadre fait pour ça ? La réa­li­té, c’est que de petites célé­bri­tés locales y trouvent une tri­bune et que les poli­tiques en place peuvent cocher la case « démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive ». Au final, c’est une ronde : des per­sonnes du même pro­fil s’é­changent les stra­pon­tins et les micros du pou­voir, même au niveau local. Ça fait de belles pho­tos, ça joue sur l’espoir sin­cère d’habitants de voir les choses chan­ger. Mais, au final, c’est déses­pé­rant.

    Les pro­chaines élec­tions muni­ci­pales à Gre­noble, c’est en mars. Et déjà, ils collent, affinent leur stra­té­gie d’accession au pou­voir pour rem­pla­cer le roi ou la reine local qu’on espère déchu. Mais, au final, c’est tou­jours la même tac­tique : on s’appuie sur les cli­vages, on insiste sur sa dif­fé­rence, ce n’est pas grave, ça marche, ça fera un beau bureau. Tant pis si les vraies gens paient.

    La der­nière muni­ci­pa­li­té de Gre­noble, ce fut son erreur : mal­gré un réel appui popu­laire, elle a sno­bé les com­mer­çants, pas dans son camp élec­to­ral. Résul­tat, il faut par­fois mar­cher 15 minutes pour trou­ver une quin­caille­rie, même les bars his­to­riques du centre-ville com­mencent à bais­ser le rideau. Pour­quoi ? Parce qu’on s’appuie sur des camps, des idéo­lo­gies, des viviers élec­to­raux. Un maire, par exemple, c’est le maire de tous les habi­tants, tous sans excep­tion. L’intérêt des adver­saires poli­tiques devrait comp­ter aus­si, puisque c’est l’intérêt de tous les habi­tants.

    Bra­vo les vélos, moi je fai­sais déjà des vélo­ru­tions il y a quinze ans. Mais cette poli­tique du tout-vélo contre les voi­tures, c’est absurde. Plus aucun arti­san de la péri­phé­rie ne veut entrer dans Gre­noble, va trou­ver un plom­bier dans ces condi­tions. Voi­ron a un vrai centre-ville dyna­mique parce qu’il y a des par­kings. Gre­noble, à part boire et man­ger, plus rien, sauf quelques héros du com­merce comme un ou deux hor­lo­gers qui résistent. Et puis les ran­cœurs montent, et ce sont encore les habi­tants qu’on met face à face.

    Je viens d’une ville de 15 000 habi­tants en Lor­raine, le maire était de droite mais on ne s’en ren­dait même pas compte dans les quar­tiers, tant il y avait une vraie poli­tique sociale, de vraies acti­vi­tés pour tous, une pis­cine super classe, des trans­ports et tut­ti quan­ti. Tout le monde était écou­té à la mai­rie, du plus humble au plus notable. Bien sûr, ça par­lait haut et fort par­fois, c’est un pays de la mine, le bas­sin houiller, mais il n’y avait aucune ten­sion. Aux fêtes des voi­sins, tout le monde y allait et le bal du same­di en été, c’était une vraie com­mu­nion. Il aurait pu être de gauche, le maire, ça n’aurait rien chan­gé. Parce que c’était de la vraie poli­tique. Elle vit encore par­fois dans les villes moyennes, mais c’est plus rare.

    Aujourd’hui, dans une ville comme Gre­noble, pra­ti­que­ment aucun poli­tique n’a d’idée à s’en ins­pi­rer, non, c’est par­ti pour la bagarre. Dans 280 jours à peu près, les élec­tions, ils sont tous prêts à en découdre, pleins d’Iznogouds au sou­rire ultra-brite, l’œil bra­qué déjà sur les son­dages et les viviers poli­tiques nais­sants. Mais l’intérêt des gens, il est où ? C’est déses­pé­rant. Bra­vo, mes­sieurs, quelles sont belles ces pho­tos, cou­rage, plus que 280 jours !