Le Vercors, nouvel eldorado de Tony Parker

Par Travailleur Alpin

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Les communistes ont conduit cet hiver une action de solidarité avec les saisonniers du plateau du Vercors.

Les projets immobiliers de l’ancien champion de basket, reconverti dans les affaires, suscitent l’inquiétude sur le plateau.

A Vil­lard-de-Lans et Cor­ren­çon, deux nou­veaux ensembles immo­bi­liers pour­raient pro­chai­ne­ment sor­tir de terre, à l’initiative du cham­pion de bas­ket, Tony Par­ker. A son retour des Etats-Unis, où il s’est dis­tin­gué pen­dant plu­sieurs années dans le cham­pion­nat NBA – cham­pion­nat de bas­ket pro­fes­sion­nel très lucra­tif pour les joueurs – l’ex-star des San Anto­nio Spurs a choi­si d’investir ses gains à tra­vers deux opé­ra­tions finan­cières : le rachat de l’ASVEL, l’un des clubs his­to­riques du bas­ket fran­çais, fon­dé à Vil­leur­banne ; et l’acquisition de la Socié­té d’équipements de Vil­lard-de-Lans/­Cor­ren­çon (SEVLC), sur le pla­teau du Ver­cors. Cette der­nière exploite les remon­tées méca­niques : télé­ca­bine, télé­sièges et télé­skis de la Cote 2000. Mais elle dis­pose éga­le­ment de ter­rains deve­nus construc­tibles depuis la modi­fi­ca­tion du plan d’urbanisme inter­com­mu­nal des Quatre Mon­tagnes. C’est ici que Tony Par­ker compte réa­li­ser son opé­ra­tion la plus juteuse, avec le sou­tien des muni­ci­pa­li­tés de Vil­lard et de Cor­ren­çon : la construc­tion d’un hôtel et d’un ensemble d’appartements. Tony Par­ker a créé pour cela une socié­té d’aménagement, Infi­ni­ty Nine Moun­tain, dont il est le pré­sident, et qui assu­re­ra la maî­trise d’ouvrage. Sur l’actuel par­king, situé au pied du domaine skiable et du télé­ca­bine condui­sant à la Cote 2000, Tony Par­ker sou­haite édi­fier à Vil­lard un com­plexe hôte­lier 4 étoiles, des­ti­né à une clien­tèle for­tu­née, d’une capa­ci­té de 900 lits. Cet hôtel de luxe com­pren­dra une gale­rie mar­chande sur une super­fi­cie de 2450 mètres car­rés, un par­king sou­ter­rain, et un centre d’activités spor­tives en inté­rieur, avec un mur d’escalade et un cir­cuit de planches à rou­lettes.
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Au pied des pistes de la Cote 2000, à Vil­lard-de-Lans, le site de l’im­plan­ta­tion pré­vue d’un hôtel au pied des pistes.

Le deuxième ensemble immo­bi­lier, d’une capa­ci­té de 600 lits, sera construit au Clos de la Balme sur la com­mune de Cor­ren­çon, là encore au pied des pistes. Une par­tie de ces appar­te­ments pour­rait accueillir des spor­tifs de haut niveau et des clubs qui vien­draient en stage. C’est cet aspect spor­tif que Tony Par­ker a mis en avant il y a quatre ans, lorsqu’il a rache­té aux frères Huillier, figures de la Résis­tance du Ver­cors et créa­teurs de la sta­tion de ski de Vil­lard-de-Lans, l’entreprise de remon­tées méca­niques dont ils étaient pro­prié­taires.

Déjà 7300 « lits froids » à Vil­lard

Lorsqu’il est arri­vé sur le Ver­cors en 2019, Tony Par­ker a vou­lu ras­su­rer les élus et la popu­la­tion : il a affir­mé, d’une part, sa volon­té de recru­ter en prio­ri­té les jeunes du pla­teau ; d’autre part, son sou­ci de pré­ser­ver les équi­libres natu­rels. Mais au-delà de ces décla­ra­tions d’intention et de l’espoir qu’elles ont sus­ci­té, des ques­tions fon­da­men­tales ont été esqui­vées.
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Le Clos de la Balme, à Cor­ren­çon.

Sur le plan éco­no­mique tout d’abord, com­ment peut-on jus­ti­fier la créa­tion de 1500 lits sup­plé­men­taires, alors que Vil­lard-de-Lans compte déjà, avec son parc actuel de rési­dences secon­daires, 7300 lits « froids », des lits occu­pés seule­ment quelques semaines par an ? Com­ment peut-on jus­ti­fier éga­le­ment, pour finan­cer les futurs tra­vaux d’assainissement, de ponc­tion­ner les res­sources des six vil­lages des Quatre Mon­tagnes, déjà pris à la gorge du fait de la réduc­tion des dota­tions de l’Etat aux com­munes, et contraints de réduire de façon dras­tique les ser­vices publics de proxi­mi­té ?

Des sai­son­niers sans loge­ment, ni eau potable

Sur le plan social, ces pro­jets risquent de pro­vo­quer une nou­velle flam­bée des prix de l’immobilier, ain­si que des impôts locaux, et de rendre encore plus dif­fi­cile la satis­fac­tion des besoins prio­ri­taires des habi­tants du pla­teau. A com­men­cer par les tra­vailleurs, et notam­ment les jeunes actifs, qui ne trouvent plus à se loger à des prix modé­rés. Cer­tains ont déjà com­men­cé à quit­ter Vil­lard-de-Lans et à s’installer dans le Ver­cors drô­mois pour trou­ver un toit et un régime d’imposition plus com­pa­tibles avec leurs reve­nus. Quitte à faire plu­sieurs dizaines de kilo­mètres sup­plé­men­taires chaque jour pour se rendre au tra­vail.
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Her­bouilly, à l’i­mage d’une nature à pré­ser­ver.

De son côté, l’Association d’aide à domi­cile en milieu rural (ADMR) peine à recru­ter du per­son­nel pour venir en aide aux per­sonnes âgées dépen­dantes. En par­ti­cu­lier celles qui habitent dans les fermes iso­lées du pla­teau. Le mon­tant des loyers exi­gés pour se loger sur place et l’augmentation du prix de l’essence ont un effet dis­sua­sif. Le niveau actuel des salaires des aides à domi­cile ne leur per­met pas de faire face aux dépenses liées au loge­ment et au trans­port. Sans par­ler des sai­son­niers de Lans-en-Ver­cors, recru­tés l’hiver der­nier pour la sai­son de ski, obli­gés de cou­cher dans leurs cara­vanes au pied des pistes de l’Aigle, faute de loge­ments abor­dables en nombre suf­fi­sant sur la com­mune, et pri­vés d’un accès à l’eau potable. Les enjeux cli­ma­tiques occul­tés Alors que nous venons de connaître un été par­ti­cu­liè­re­ment chaud et sec, y com­pris sur le pla­teau du Ver­cors, un été mar­qué par des res­tric­tions dans la consom­ma­tion d’eau, la réponse aux enjeux cli­ma­tiques fait par­tie des aspects occul­tés de ces nou­veaux pro­jets immo­bi­liers. A ce jour, leur impact sur l’environnement n’a pas encore été éva­lué. Un comble, alors que les nou­velles construc­tions envi­sa­gées sont situées sur le ter­ri­toire du Parc natu­rel régio­nal, et de sur­croît, à l’entrée de la réserve des Hauts-Pla­teaux du Ver­cors, qui béné­fi­cie du plus haut degré de pro­tec­tion de la nature pré­vu par la légis­la­tion euro­péenne ! Les seules infor­ma­tions, très incom­plètes, dont nous dis­po­sons aujourd’hui, émanent de la mis­sion régio­nale d’autorité envi­ron­ne­men­tale qui pré­dit, comme on pou­vait s’y attendre, une aug­men­ta­tion des émis­sions de gaz à effet de serre et des pré­lè­ve­ments en eau potable. Mais une véri­table étude envi­ron­ne­men­tale reste à faire, dont les résul­tats sont très atten­dus par la popu­la­tion, atta­chée à juste titre au patri­moine natu­rel excep­tion­nel que repré­sente le Ver­cors.

Lors d’une pre­mière réunion publique qui s’est dérou­lée le 12 août der­nier, des habi­tants de Cor­ren­çon ont com­men­cé à mani­fes­ter leur inquié­tude à ce sujet. D’autres réunions publiques sont annon­cées afin d’informer et de recueillir le sen­ti­ment de la popu­la­tion.

Fran­çois Simon

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  • ceux qui cou­chaient dans leur cara­vane c’é­tait leur choix et mode de vie.
    La com­mune leur a don­ner accès aux douches com­mu­nales, et ils avaient accès aus­si à l’eau.
    L’une des per­sonnes est même domi­ci­liée au CCAS de Lans en Ver­cors et tra­vaille en iti­né­rance sur la pla­teau le reste de la sai­son en vivant dans son cam­ping car.
    La seule chose que ces gens n’a­vaient pas c’est l’eau GRATUITE, mais ils avaient accès gra­tui­te­ment aux douches et sani­taires de la com­mune, pour rem­plir l’eau du cam­ping car, il y avait juste à coté la borne cam­ping car qui fonc­tionne hiver comme été.
    détour­ner la réa­li­té à ce point pour en faire un fond de com­merce…
    Les com­mu­nistes ne sont pas venu appor­ter leur sou­tien mais trac­ter pour leur can­di­dat à l’é­lec­tion pré­si­den­tielle, c’est une grosse nuance!!