Le cinéma, après deux ans de pandémie

Par Travailleur Alpin

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Jean-Luc Monard a ouvert les débats.

Depuis plus de 30 ans, Savatou, association de tourisme social à but non lucratif, rassemble autour de valeurs et d’actions solidaires des adhérents collectifs (CSE notamment) et individuels. Elle a pour objectif de permettre au plus grand nombre d’accéder aux loisirs, aux sports, à la culture, aux vacances. Ce jeudi 10 février, elle organisait à la bourse du travail de Grenoble une matinée sur “l’économie du cinéma”. Sujet d’actualité après les mois de fermeture de salles ou de jauges restreintes, et l’explosion des plateformes numériques.

Jean-Luc Monard, vice-pré­sident de l’association Sava­tou pour l’Isère, a intro­duit cette ren­contre en pré­ci­sant que les quelques deux cents col­lec­ti­vi­tés liées à Sava­tou ont une grosse acti­vi­té ciné­ma et qu’en Isère qua­rante-quatre ciné­mas sont par­te­naires de Sava­tou. Avant la crise sani­taire, c’est à dire en 2019, un mil­lion d’euros de tickets ciné­ma ont été ain­si ven­dus, dont 60% dans des salles de grands groupes, 30% dans des ciné­ma pri­vés locaux et 10% dans des ciné­mas asso­cia­tifs et muni­ci­paux.

Un modèle fra­gi­li­sé par la crise sani­taire

Laurent Blois, délé­gué géné­ral du Syn­di­cat CGT des ouvriers, tech­ni­ciens et per­son­nels admi­nis­tra­tifs du ciné­ma et de l’au­dio­vi­suel (SPIAC-CGT), a ensuite pré­sen­té en détail la situa­tion, plu­tôt alar­mante, du monde de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique : ras­sem­blant quelques 40 000 pro­fes­sion­nels, ce sec­teur béné­fi­cie, depuis la mise en place, en 1946, du Centre natio­nal du ciné­ma et de l’i­mage ani­mée (CNC) de finan­ce­ments issus d’un “pot com­mun », ali­men­té par une taxe de 10% pré­le­vée sur chaque ticket de ciné­ma ven­du et ver­sée au CNC, y com­pris pour les films pro­duits ailleurs qu’en France. Les chaînes de télé­vi­sion publiques ont aus­si obli­ga­tion, diver­se­ment res­pec­tée, d’investir dans la pro­duc­tion de films pour le ciné­ma. La France est ain­si le plus gros pro­duc­teur de films en Europe (jusqu’à 240 par an en 2019) mais avec une dis­pa­ri­té consi­dé­rable (d’un fac­teur cinq à dix) entre les bud­gets de réa­li­sa­tion des films, les plus modestes attei­gnant à peine un mil­lion d’euros, ce qui pose notam­ment ques­tion sur le niveau de rému­né­ra­tion des pro­fes­sion­nels.

S’ajoutent aux dif­fi­cul­tés intrin­sèques à ce sys­tème de pro­duc­tion les consé­quences de la pan­dé­mie, qui a vu explo­ser le nombre de films, d’ailleurs sou­vent de grande qua­li­té, pro­duits par les pla­te­formes numé­riques.

En conclu­sion de cette pré­sen­ta­tion, Laurent Blois a sou­li­gné la grande incer­ti­tude qui pèse sur l’avenir de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique.

Les échanges four­nis avec la salle ont ensuite por­té sur l’économie du court-métrage, les finan­ce­ments de films par les régions, le rôle (néfaste ou pas) des pla­te­formes ; il a d’ailleurs été men­tion­né à ce sujet que la CGT pro­pose la mise en place d’une pla­te­forme publique.

Un com­merce, mais pas seule­ment

Jacques Richer, pré­sident de l’Association des ciné­mas de recherche indé­pen­dants de la région alpine (ACRIRA) a ani­mé la deuxième par­tie de cette mati­née en nous pré­sen­tant le pano­ra­ma des salles de ciné­ma en France. Le tis­su en est remar­qua­ble­ment dense, avec quelques deux mille ciné­mas tota­li­sant six mille écrans ; presque toutes les villes de 10 000 habi­tants ou plus ont au moins une salle de ciné­ma et la moi­tié d’entre elles est clas­sée Art et essai.

Il nous a ensuite pré­sen­té sa vision du rôle des salles : un ciné­ma, c’est un com­merce dans sa fonc­tion prin­ci­pale mais il repré­sente un enjeu socié­tal : aller au ciné­ma est un temps col­lec­tif pour se décou­vrir et décou­vrir les autres. Il est d’ailleurs signi­fi­ca­tif que les tickets de ciné­ma ven­dus en France concernent pour 50% le ciné­ma amé­ri­cain et pour 40% le ciné­ma fran­çais ; alors qu’aux Etats-Unis, les spec­ta­teurs vont voir 95% de films amé­ri­cains !

Concer­nant l’économie des salles, le concept de mul­ti­plex, le plus sou­vent dans des grands centres com­mer­ciaux à l’extérieur des villes (il y en a 226 aujourd’hui en France) doit nous inter­ro­ger. Les 10% pré­le­vés par le CNC ne suf­fisent pas à faire vivre les petites salles ; l’aide de l’Etat est indis­pen­sable aux salles Art et essai et la vente des tickets via les comi­tés d’entreprise est aus­si très impor­tante.

La dis­cus­sion a ensuite por­té sur les moyens d’inciter les publics à retour­ner au ciné­ma, peut-être en asso­ciant aux films d’autres acti­vi­tés. Il a éga­le­ment été sou­li­gné qu’il faut réflé­chir au rôle inci­ta­tif des CSE, qui pour­raient peut-être pro­po­ser des tickets dif­fé­rents pour les petites salles et pour les mul­ti­plex et ne pas s’engager dans les abon­ne­ments aux pla­te­formes.

L’ensemble des pré­sen­ta­tions et des dis­cus­sions de cette mati­née sur l’économie du ciné­ma a été fil­mé par Michel Szem­pruch, réa­li­sa­teur de l’association Le fil Rouge ; l’enregistrement est acces­sible en ligne ici.

Clau­dine Kahane

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