Financement des universités : Pierre Labriet interpelle la ministre

Par Travailleur Alpin

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Pierre Labriet, conseiller de Grenoble Alpes métropole et adjoint au maire d’Echirolles.

Alors que la mobilisation prend racine à l’UGA (Université Grenoble Alpes) face à un nouveau plan dénoncé comme austéritaire par les syndicats, le conseiller métropolitain délégué à l’Enseignement supérieur et à la recherche interpelle le ministère.

Depuis plus de quinze ans, les réformes d’inspiration libé­rales se suc­cèdent à l’université : loi de pro­gram­ma­tion de la recherche en 2020, loi ORE en 2018, loi Fio­ra­so en 2013, jusqu’à la LRU de 2007 qui intro­dui­sait le pro­ces­sus, avec « l’autonomie des uni­ver­si­tés ». Toutes ces réformes visaient expli­ci­te­ment à « redres­ser » l’université fran­çaise, avec un fil conduc­teur : de la concur­rence entre éta­blis­se­ments devait émer­ger des pôles d’excellence bien posi­tion­nés sur les clas­se­ments mon­diaux, et notam­ment le célèbre clas­se­ment de Shan­ghai.



Las, force est de consta­ter que le bilan est amer. Confron­tés à une stag­na­tion des dota­tions gou­ver­ne­men­tales alors que les effec­tifs d’étudiants s’accroissent et que le dérou­le­ment nor­mal des car­rières des ensei­gnants et per­son­nels aug­mentent méca­ni­que­ment le volume des salaires chaque année, les éta­blis­se­ments sont à la peine.

D’un côté, des moyens impor­tants sont alloués sur des pro­jets « d’excellence » – sou­vent en lien avec des objec­tifs fixés par le monde éco­no­mique –, et de l’autre, le cœur de métier des uni­ver­si­tés est impac­té par des plans d’austérités régu­liers. Ain­si, à peine sor­tie d’un pre­mier « plan de retour à l’équilibre » de quatre ans qui s’est ache­vé à l’été 2021, un second est en cours de mise en place. Au menu : sup­pres­sions de postes et réduc­tions des bud­gets allouées aux maquettes de for­ma­tions. Les consé­quences : des ensei­gnants-cher­cheurs qui sont contraint de cumu­ler les heures sup­plé­men­taires au détri­ment de leurs tra­vaux de recherche, des amphis bon­dés, des groupes de tra­vaux diri­gés sur­char­gés…

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L’intersyndicale FSU/CGT/Sud/syndicats étu­diants dénonce éga­le­ment une pré­ca­ri­sa­tion accrue des per­son­nels, le taux pré­vi­sion­nel de contrac­tuels bon­dis­sant de 2021 à 2028 de 18% à 22,4% pour les ensei­gnants-cher­cheurs, et de 29,6% à 34,3% pour les per­son­nels admi­nis­tra­tifs et tech­niques. Un ras­sem­ble­ment se tenait devant le bâti­ment prin­ci­pal de l’université, ce jeu­di 16 décembre.

C’est dans ce contexte que Pierre Labriet, élu conseiller délé­gué de la métro­pole en charge de l’enseignement supé­rieur et de la recherche* à l’automne 2020, a déci­dé d’interpeller la ministre, Mme Fré­dé­rique Vidal.

Quand des orga­nismes offi­ciels tirent la son­nette d’alarme

Le cour­rier reprend le constat posé par deux ins­ti­tu­tions majeures, dif­fi­ci­le­ment soup­çon­nables de biais idéo­lo­giques. D’un côté, la Com­mis­sion natio­nale consul­ta­tive des droits de l’homme (CNCDH), qui va jusqu’à poser le fait que « le manque géné­ra­li­sé de moyens accor­dés à l’enseignement supé­rieur remet en ques­tion le res­pect des droits fon­da­men­taux » dans son rap­port en date du 27 mai der­nier. De l’autre, le Conseil d’analyse éco­no­mique (CAE), orga­nisme pour­tant proche de Mati­gnon, chiffre le manque de finan­ce­ment entre 5,4 et 7,6 mil­liards d’euros, soit une hausse com­prise entre 20% et 30% par rap­port au bud­get actuel.

« La seule auto­no­mie dont dis­pose l’établissement dans les faits consiste à choi­sir quels postes sup­pri­mer »

Le conseiller délé­gué com­mu­niste, tout en res­tant cour­tois, n’y va pas par quatre che­mins. Il rap­pelle dans son cour­rier que « alors que l’UGA a fait par­tie des uni­ver­si­tés « pilotes » en ce qui concerne les restruc­tu­ra­tions prô­nées par les réformes suc­ces­sives – pre­mière fusion en 2016, seconde fusion au sein d’un éta­blis­se­ment expé­ri­men­tal en 2020 –, sa situa­tion finan­cière et donc péda­go­gique est pro­blé­ma­tique ». Manière de rap­pe­ler que les carottes agi­tées pour accé­lé­rer la libé­ra­li­sa­tion n’étaient en réa­li­té qu’un miroir aux alouettes. Ain­si, Pierre Labriet pointe qu’il man­que­rait « entre 600 et 1000 postes d’enseignantes-chercheuses et d’enseignants-chercheurs à l’UGA » pour mettre fin à l’engrenage des heures com­plé­men­taires et per­mettre aux équipes de dis­po­ser plei­ne­ment de leur temps de recherche. Pour rap­pel, l’UGA accueille 55000 étu­diants.

Une « révo­lu­tion coper­ni­cienne » pour l’enseignement supé­rieur

Pierre Labriet conclut sa mis­sive par l’appel à un chan­ge­ment de cap en termes de poli­tique glo­bale de l’enseignement supé­rieur et de la recherche, n’hésitant pas à affir­mer que « face aux crises éco­lo­giques, sociales, démo­cra­tiques, notre espèce fera face et dépas­se­ra les dif­fi­cul­tés par un vaste effort de déve­lop­pe­ment des connais­sances et des tech­niques au ser­vice des besoins humains, c’est le sens de l’Histoire ».

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Pour le conseiller délé­gué, cette « révo­lu­tion coper­ni­cienne » doit s’appuyer sur trois piliers.

Un finan­ce­ment pérenne d’abord, avec la piste que l’Etat reprenne en ges­tion la masse sala­riale, pour redon­ner de l’oxygène aux uni­ver­si­tés et leur per­mettre de se consa­crer plei­ne­ment à leurs mis­sions fon­da­men­tales.

Une vaste poli­tique sociale ensuite, à des­ti­na­tion des étu­diantes et étu­diants modestes.

Une inver­sion des logiques à l’œuvre enfin, « en sub­sti­tuant équi­libre entre recherche fon­da­men­tale et recherche tech­no­lo­gique à l’actuelle recherche du pro­fit à court terme, en sub­sti­tuant des logiques de coopé­ra­tions aux logiques de concur­rence actuelles ».

Une chose est sûre, le débat est lan­cé, et l’année 2022 ne pour­ra pas pas­ser sous silence les enjeux liées à la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire.

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