Les enjeux de la culture scientifique et technique, dans le monde en crise

Par Edouard Schoene

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Laurent Jadeau, professeur des écoles et membre de l’exécutif départemental du PCF.

La crise sanitaire du COVID et les angoisses qu’elle a engendrées ont révélé la montée des croyances, des peurs, de l’irrationnel. Les débats sont vifs au sein même des familles, des organisations syndicales et politiques, sur la vaccination, la médecine, les perspectives énergétiques, le devenir de la planète.

Il y a des faits, attes­tés scien­ti­fi­que­ment, comme l’efficacité de la vac­ci­na­tion face au COVID, l’inefficacité totale de cer­tains médi­ca­ments, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, par exemple. Et il y a des indi­vi­dus, par­fois bar­dés de diplômes, qui contestent les faits attes­tés, comme les cli­ma­to-scep­tiques.

Le Tra­vailleur alpin a ren­con­tré Laurent Jadeau, pro­fes­seur des écoles, membre de l’exécutif dépar­te­men­tal du PCF. Laurent Jadeau a été long­temps un mili­tant de l’éducation popu­laire, très atta­ché à la culture scien­ti­fique et tech­nique, notam­ment lorsqu’il était adjoint à la ville de Fon­taine, pour des actions dans le cadre péri­sco­laire.

Qu’observe-t-on dans l’enseignement pri­maire ?

« L’enseignement des sciences et des tech­niques devient acces­soire, l’effort des pro­grammes étant cen­tré sur « lire, écrire, comp­ter ». La for­ma­tion conti­nue des ensei­gnants est une cala­mi­té depuis quinze ans.
Il n’y a plus jamais rien sur l’apprentissage des sciences, ce qui est d’autant plus pré­oc­cu­pant que très peu d’enseignants viennent des filières scien­ti­fiques. Le pro­fes­seur Char­pak avait ini­tié une prise de conscience de la démarche scien­ti­fique dans l’éducation natio­nale avec « la main à la pâte ». Un enfant pou­vait ain­si s’approprier «  le ques­tion­ne­ment, l’hypothèse, l’expérimentation », une démarche essen­tielle pour l’émancipation de l’individu, la démo­cra­tie. »


Pour­quoi la culture scien­ti­fique et tech­nique devrait-elle être déve­lop­pée ?

« Cela fait long­temps que cette ques­tion me semble impor­tante. Cela a explo­sé avec la pan­dé­mie. La culture au sens large est un outil de liber­té démo­cra­tique. La culture scien­ti­fique et tech­nique est une ouver­ture à l’esprit cri­tique, à la ratio­na­li­té. On a vu hélas sous cou­vert d’esprit cri­tique des reven­di­ca­tions du droit à dire n’importe quoi. Le fait de ne pas hié­rar­chi­ser les choses mène par­fois aux pires obs­cu­ran­tismes.
La science pro­duit de la connais­sance ; elle a des règles très strictes pour éta­blir ces connais­sances, notam­ment par la publi­ca­tion qui per­met aux cher­cheurs de repro­duire les expé­riences et de confir­mer ou d’infirmer les théo­ries en cours de construc­tion.

Les scien­ti­fiques n’ont pas à déci­der de ce que l’on fait des décou­vertes scien­ti­fiques et tech­niques. Cela relève de la poli­tique, de la démo­cra­tie. Les sou­tiens poli­tiques du pro­fes­seur Raoult rele­vaient pour cer­tains d’une grande naï­ve­té (totale inca­pa­ci­té à ana­ly­ser des résul­tats contes­tés par l’extrême majo­ri­té de la com­mu­nau­té scien­ti­fique), pour d’autres d’objectifs poli­tiques. On évoque par­fois à tort Gali­lée, car c’est le pou­voir reli­gieux et poli­tique qui a vou­lu faire taire un scien­ti­fique à une époque où il n’y avait qu’une petite com­mu­nau­té scien­ti­fique.

La connais­sance scien­ti­fique ne relève pas d’un débat d’opinion. Elle est le fruit d’une démarche expé­ri­men­tale. Il est signi­fi­ca­tif, pour reprendre l’exemple du Pr Raoult, que celui-ci n’a que très rare­ment, du temps de sa pré­sence mas­sive dans les médias, été confron­té à d’autres scien­ti­fiques, contes­tant ses affir­ma­tions.
Nous avons éga­le­ment obser­vé une cor­ré­la­tion entre la défiance, en France du pou­voir, du « poli­tique » et la défiance vis-à-vis des ins­ti­tu­tions (de san­té, médi­cales, uni­ver­si­taires) assi­mi­lées au pou­voir. C’est assez spé­ci­fique à la crise poli­tique en France. »

Que faire poli­ti­que­ment pour faire recu­ler l’obscurantisme ?

Il est regret­table qu’il y ait si peu de scien­ti­fiques au gou­ver­ne­ment. On a vu au minis­tère de la culture, sous Macron, une ministre, Fran­çoise Nys­sen qui véhi­cu­lait des théo­ries mys­tiques (anthro­po­so­phie). L’institution publique de recherche sur les sectes, la Mivi­ludes est détruite par le pou­voir en place !

Il fau­drait déve­lop­per l’éducation scien­ti­fique et tech­nique du plus bas âge à l’université ; mul­ti­plier les bonnes émis­sions scien­ti­fiques à la télé­vi­sion et à la radio publique, notam­ment ; favo­ri­ser la pro­duc­tion d’articles de qua­li­té dans la presse, par la for­ma­tion de jour­na­listes spé­cia­li­sés ; déve­lop­per les ini­tia­tives cultu­relles telles celles pro­duites par l’Hexagone, le CCSTI de Gre­noble, bien­tôt le centre de sciences métro­po­li­taine qui ouvri­ra un pla­né­ta­rium au Pont-de-Claix »

Com­ment résis­ter aux infox, aux cou­rants obs­cu­ran­tistes ?

« Le PCF, pour sa part à des outils, une tra­di­tion, une his­toire. Très tôt le PCF a eu de grandes figures scien­ti­fiques dans ses rangs avec Paul Lan­ge­vin, Joliot Curie et plus récem­ment Jean-Pierre Kahane.
La revue Pro­gres­sistes, pro­duit une série d’articles de grande qua­li­té.
En France nous dis­po­sons d’outils d’informations pré­cieux comme la revue de l’AFIS, des sites inter­net (Cor­tecs, « La tronche en Biais ») des for­ma­tions uni­ver­si­taires à la pen­sée cri­tique (Richard Mon­voi­sin à Gre­noble), des asso­cia­tions (obser­va­toire de zété­tique),…

Les urgences liées au COVID, les récentes échéances élec­to­rales ne nous ont pas per­mis de mettre en œuvre des actions que nous sou­hai­tons mener en Isère avec le PCF, par­mi les quelles des soi­rées édu­ca­tives et de débat avec la revue Pro­gres­sistes.

Le Tra­vailleur alpin, contri­bue, avec sa page écrite par Syl­vestre Huet, à aigui­ser l’esprit cri­tique et infor­mer. »

terre

Le mythe de la terre plate.

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