Vaccins, l’indignation des soignants montrés du doigt

Par Luc Renaud

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Damien Bagnis, secrétaire de l’union syndicale CGT santé Isère.

Des soignants montrés du doigt parce qu’ils en se vaccinent pas ? De quoi faire monter l’indignation de Damien Bagnis. Une pierre de plus pour construire la défiance voire le rejet des soignants vis-à-vis du gouvernement et des directions des établissements de santé.

Des soi­gnants qui refusent le vac­cin ? « Il faut remettre les choses à leur place, insiste Damien Bagnis, secré­taire de la CGT san­té Isère, le pro­blème c’est d’abord qu’il n’y a pas assez de doses pour faire face aux besoins, dans les éta­blis­se­ments de san­té comme ailleurs ». Et le nombre de soi­gnants vac­ci­nés pro­gres­se­ra à mesure de la dis­po­ni­bi­li­té des vac­cins.

Il n’en reste pas moins vrai que ce n’est pas l’enthousiasme.

Des effets secon­daires qui ne sont pas mar­gi­naux

Pour cer­taines per­sonnes et dans cer­tains cas, les effets secon­daires de la vac­ci­na­tion ne sont pas négli­geables. « Si la vac­ci­na­tion marque le pas, explique Damien Bagnis, c’est que les direc­tions l’organisent pro­gres­si­ve­ment : au début, nous avons eu des exemples de ser­vices en grande dif­fi­cul­té pen­dant quelques jours ; tous les per­son­nels avaient été vac­ci­nés et nombre d’entre eux ont dû res­ter chez eux le temps de sur­mon­ter les effets indé­si­rables de l’injection ». Ce qui a ren­du pru­dent les orga­ni­sa­teurs de la vac­ci­na­tion hos­pi­ta­lière. Et les per­son­nels soi­gnants.

Rup­ture de confiance

Mais le fond du pro­blème est ailleurs. « L’épidémie a consom­mé la rup­ture de confiance entre le gou­ver­ne­ment, tout ce qui repré­sente l’institution, et les per­son­nels soi­gnants », sou­ligne Damien Bagnis. Un exemple : en avril 2020, le CHU de Gre­noble a mis en ligne un patron de cou­ture pour per­mettre aux per­son­nels de confec­tion­ner aux-mêmes leur masque en tis­su. A l’époque – après avoir dit que les masques ne ser­vaient à rien – il fal­lait faire face à la pénu­rie de masque. Aujourd’hui, le masque mai­son, c’est inter­dit, pas assez fil­trant.

Aux soi­gnants, on a dit qu’ils devaient venir tra­vailler, y com­pris s’ils étaient infec­tés par la Covid. Sans comp­ter les heures, les congés repor­tés, les absences de rem­pla­ce­ment…

Ce qui vient d’en haut

« Tout « ce qui vient d’en haut » fait au mini­mum l’objet d’une défiance et est le plus sou­vent reje­té pure­ment et sim­ple­ment, relève Damien Bagnis, on ne traite pas impu­né­ment les gens comme ça ». Et aujourd’­hui dési­gner les per­son­nels hos­pi­ta­liers comme pro­pa­ga­teurs de l’épidémie n’arrange pas les choses. De même que bran­dir la menace de l’obligation pour faire oublier que le pro­blème est l’insuffisance actuelle du nombre de doses dis­po­nibles.

Insuf­fi­sance vécue par tous les pro­fes­sion­nels de san­té. Le 11 mars, un Gre­no­blois rece­vait un coup de fil de son méde­cin : « déso­lé, il faut annu­ler votre ren­dez-vous, nous n’aurons pas les vac­cins pré­vus, les auto­ri­tés ont chan­gé d’avis, les doses que nous devions rece­voir seront livrées aux phar­ma­ciens ». Un méde­cin très en colère : tout le tra­vail de pro­gram­ma­tion des ren­dez-vous s’avérait inutile.

La désor­ga­ni­sa­tion, ce qui appa­raît comme de l’amateurisme… voi­là qui n’aide pas à la confiance. Chez les per­son­nels hos­pi­ta­liers comme dans toute la popu­la­tion.

Vac­cins, la cruau­té des chiffres

Au 6 mars 2021. France : 5, 34 %, Maroc : 10,63 %, Ser­bie : 14,72 %, Etats-Unis 17,47 %, Grande-Bre­tagne : 32,7 %. Deuxième chiffre, celui du « record » fran­çais : 250 000 per­sonnes vac­ci­nées la jour­née du 5 mars.

En met­tant ce chiffre en regard de l’ob­jec­tif du gou­ver­ne­ment de vac­ci­ner trente mil­lions de per­sonnes d’i­ci le mois de mai, il fau­drait vac­ci­ner sept jours sur sept au moins 600 000 per­sonnes par jour.

Pour la CGT, les décla­ra­tions sur l’accélération de la vac­ci­na­tion relèvent d’une « accé­lé­ra­tion de la com­mu­ni­ca­tion ». Et le syn­di­cat pro­pose : « au lieu de subir la loi de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, la France et l’Eu­rope feraient bien d’u­ti­li­ser rapi­de­ment les méca­nismes de la licence d’of­fice (sup­pres­sion des bre­vets) et de la réqui­si­tion des usines afin de pro­duire mas­si­ve­ment et rapi­de­ment des vac­cins. »

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