Jardins de la Buisserate, symbole de la criminalisation des luttes
Par Edouard Schoene
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A Saint-Martin-le-Vinoux, les jardins de la Buisserate ont été détruits le 2 novembre. Il fallait faire place nette à la construction de logements. Dans la nuit du 4 septembre, sept opposants avaient été interpellés. Les autorités avait cru voir en cette présence les prémices d’une ZAD. 60 heures de garde à vue, une mise en examen assortie d’un contrôle judiciaire. Une tribune de soutien aux sept mis en examen a rendue publique et fait l’objet d’une conférence de presse à proximité du palais de justice, ce vendredi 11 décembre.
Une banderole : « Soutien aux sept mis en examen des jardins de la Buisserate ». Le ton était donné. Élise, au nom du collectif Avenir des terres, racontait l’histoire. « Dans la nuit du 4 septembre dernier, des personnes ont été interpellées à Saint-Martin-le-Vinoux sur les jardins de la Buisserate, qui étaient menacés par un projet immobilier. Après 60h de garde-à-vue, cinq perquisitions et des prises d’ADN parfois forcées, elles ont été mises en examen pour association de malfaiteurs, groupement en vue de commettre des dégradations, et intrusion sur un terrain privé en vue d’y habiter. Depuis, elles subissent un contrôle judiciaire extrêmement strict. Le 2 novembre 2020, les jardins de la Buisserate ont été détruits par des engins de chantier, dans les premiers jours du confinement ».
Trente cinq associations, syndicats sont d’ores et déjà signataires de cet appel de soutien, « Solidarité face à la criminalisation des luttes », où l’on peut lire : « Nous, associations, syndicats, collectifs et organisations politiques, nous indignons de ces procédés, et souhaitons témoigner notre inquiétude sur l’avenir des mobilisations écologiques quand la justice réprime celles et ceux qui mettent leur vie en jeu pour l’avenir du monde qu’ils et elles habitent. Nous souhaitons témoigner notre soutien aux 7 personnes mises en examen, ainsi qu’à toutes les autres qui se battent pour la justice climatique. »
Ce vendredi, le collectif 38 antirépression, France Nature Environnement et l’association des riverains habitant ce quartier bas de Saint-Martin-le-Vinoux ont pris la parole. Deux des sept prévenus étaient là, également, pour témoigner, discrètement. L’émotion profonde d’une des deux témoins qui témoignait était nette. Elle ne comprenait pas avoir été retenue si longtemps en garde à vue pour un acte militant. Aujourd’hui, son contrôle judiciaire lui interdit de rencontrer ses camarades et amis militants. « De ne plus pouvoir parler à des amis proches, leur téléphoner, c’est dur. » Assignée à résidence de 20h à 7 h du matin, dans un désarroi face à l’incertitude judiciaire, la jeune femme poursuit : « J’étais très déboussolée, d’être accusée de participer à une association de malfaiteurs. Le procureur de la République est venu nous voir. Il nous a dit avoir contacté le parquet antiterroriste. Je croyais que c’était fini en sortant du palais de justice. Non j’ai pris conscience que cela serait long. » Le deuxième prévenu précisait que la police pensait avoir enfin mis la main sur les auteurs des incendies de caserne de gendarmerie, de sabotages de pylônes… dans la région grenobloise, actes revendiqués par la mouvance libertaire. Non, en fait.
Pierre Janot, l’un des avocats des militants mis en examen, a lui aussi donné son sentiment sur ce dossier. « Il y a eu un temps de la sidération avec la brutalité des moyens policiers mis en œuvre, la garde à vue de 60h », dit-il. C’est que la police et les autorités de l’Etat pensaient instruire un dossier qui les conduiraient au cœur de l’ultra gauche. « Nous demandons la nullité des mises en accusation. Les infractions relèvent de criminels (organisation de malfaiteurs en vue de dégradation de biens).Il n’y a rien dans le dossier ! Il n’y a eu aucun trouble à l’ordre public. La durée de garde à vue n’a rien à voir avec la réalité des faits mais concerne le terrorisme. Les faits incriminés sont un non événement pour rechercher un mouvement autonomiste qui n’a rien à voir, et qu’ils ne parviennent pas à repérer », constatait-il. L’avocat remarquait que « nombre de tribunaux correctionnels reconnaissent le droit de nécessité pour des actions militantes pour lesquels l’état veut sanctionner. On a pris un bazooka pour abattre une mouche ». Il s’étonnait de l’ampleur des moyens déployés, en l’absence de trouble à l’ordre public, pour quelques militants qui défendaient des jardins. « Ces militants n’attaquent pas les logements, ils défendent la végétalisation , un lien social, et s’opposent à une forme d’urbanisme trop dense. Cette action ne fait que rappeler l’intérêt des engagements pris dans le cadre de documents d’urbanisme comme le plan local d’urbanisme ou plus largement le plan climat-air-énergie territorial adoptés par l’ensemble des élus. »
Les avocats des mis en cause vont demander la nullité des mises en accusation et la levée des restrictions des libertés de circuler des prévenus pour les fêtes de Noël.
Voir également le Travailleur alpin n°305 de décembre 2020, p.8