Qualité de l’air, CRIT’AIR et critères
Par Travailleur Alpin
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Ainsi, Grenoble a été désignée capitale verte européenne 2022 par la Commission européenne. Il y a lieu de s’en réjouir sans pour autant cesser de s’interroger, en particulier sur les critères retenus pour l’attribution de cette distinction et les moyens mis en œuvre pour y répondre. Parmi ces critères, la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 23% entre 2005 et 2018 avec l’objectif de ‑50% en 2030. Également la baisse des grands polluants atmosphériques depuis 10 ans. C’est sur ce terrain que de la qualité de l’air que Grenoble fait son moins bon score et peut encore beaucoup progresser.
L’un des dispositifs qui a été mis en place dans le but d’améliorer cette qualité est la vignette CRIT’AIR qui a été rendue obligatoire depuis le 1er juillet 2017 dans les 44 communes de la métropole grenobloise. Le numéro, et la couleur associée, de la vignette est fonction de deux paramètres : essence ou diesel et âge du véhicule. Avec cette vignette (payante), le Préfet de l’Isère peut, lors de certains pics de pollution de l’air, décréter une circulation différenciée des véhicules automobiles. Autrement dit, interdire la circulation des véhicules désignés comme les plus polluants par leur vignette. Il y aurait beaucoup à dire sur l’instauration de cet amendement local au code de la route mais arrêtons- nous sur deux questions qu’il pose.
Quel que soit son carburant, qu’est-ce qui permet d’affirmer que le véhicule le plus polluant est le plus âgé ? Cela dépend de sa cylindrée, de son niveau de consommation, de ses équipements antipollution, du nombre de kilomètres parcourus, de son entretien régulier… Les opérateurs des centres de contrôle technique vous diront que des véhicules récents peuvent être plus polluants que d’autres plus anciens. Et puisque le contrôle technique est obligatoire, pourquoi la vignette n’est-elle pas attribuée en fonction du résultat de ce contrôle ?
La deuxième interrogation découle de la première : la vignette CRIT’AIR a été créée par le gouvernement dans une période, qui se prolonge, de grandes difficultés pour l’industrie automobile. Le message subliminal n’est-il pas celui-ci : débarrassez-vous de votre vieille voiture et achetez en une neuve, électrique, hybride, essence ou même diesel, peu importe… ou même une voiture récente d’occasion…? On vous donnera des primes pour ça. Un message abondamment relayé par les publicités envahissantes des constructeurs.
Et pourtant, le mieux à faire, en matière d’écologie, c’est de garder sa voiture le plus longtemps possible avec un bon entretien. Malheureusement, à Grenoble comme ailleurs, les faux remèdes continuent d’être prescrits pour masquer les vrais problèmes : aménagement du territoire, politique du logement, des transports… Le classement de Grenoble comme capitale verte la situe à la première place des villes où il fait bon travailler et se loger. A condition de pouvoir s’y loger quand on y travaille. A quel prix ? Combien de personnes franchissent chaque matin et chaque soir le péage de Voreppe pour aller travailler à Grenoble ou dans le Haut Grésivaudan parce qu’il est moins coûteux de se loger au nord, au delà de Voiron ?
Promouvoir la « mobilité vertueuse » c’est bien, mais la plus vertueuse des mobilités, c’est l’immobilité. Et sans aller jusque-là, une grande partie du remède aux pollutions générées par les déplacements réside dans l’accès au logement près de son lieu de travail pour ceux qui le souhaitent, dans la répartition raisonnée des entreprises, établissements scolaires, professions de santé, services publics, commerces… qui permette de limiter les déplacements qui sont cause aussi de temps perdu, de fatigue, d’accidents…
Jean-Claude Lamarche