Il revenait à Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF Isère d’ouvrir la soirée du 9 décembre, 104e anniversaire de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat, organisée par le PCF à St martin le Vinoux.
« En ce temps de « triangulation politique », pratique consistant à s’emparer des mots des autres pour les redéfinir à sa sauce, la laïcité a rarement été autant sujette à débat et à instrumentalisation politicienne. Le flou sémantique se place dans un contexte de libéralisation anglo saxonne. Se redonner des points de repères pour armer la lutte politique. Nous avons voulu organiser ce moment avec les associations engagées sur la laïcité ».
Puis Eric Favey, président de la ligue de l’enseignement 38 est intervenu pour resituer historiquement l’événement de 1905. Il souligne que ses interventions dans la région lui font apparaître la méconnaissance de la loi de 1905. Il souligne avec humour que la « bataille pour la laïcité fut un « chemin de croix ». »
L’article 10 de la déclaration des droits de l’homme en 1789 stipule : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » La loi de 1792 laïcise l’état civil. La première loi de séparation de l’église et de l’Etat remonte à 1795.
« Puis il y eut un long tunnel » jusqu’à la loi de 1905, avec des assauts réactionnaires. La loi de 1905 fut une loi de libertés, contrairement à de fausses descriptions qui la présentent comme une loi d’interdits.
Denis Fabre, de la Ligue des droits de l’homme énonce les termes juridiques de la laïcité qu’il définit comme « une méthode d’organisation de la société, des institutions, sur le principe de la liberté, de l’égalité. Il énonce les articles 1 et 10 de la déclaration des droits de l’homme » (cf https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789)
Puis sont énoncés les deux premiers articles de la loi de 1905 :
Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
…
Avant de conclure est énoncée une phrase célèbre de Victor Hugo :
« « La formule républicaine a su admirablement ce qu’elle disait et ce qu’elle faisait; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là…« »
Pascal Costarella, pour la Libre pensée aborde ensuite l’actualité de la loi de 1905.
Les individus, tous, selon la loi, sont des citoyens ayant les mêmes droits et devoirs. Ils ne sont pas définis comme appartenant à telle ou telle communauté, pour pouvoir s’affranchir de certaines lois. Il souligne que tout est fait, actuellement pour que les gens s’affrontent. Ainsi les gens au pouvoir dénoncent les citoyens musulmans comme des terroristes potentiels. Sont citées la théorie des faisceaux énoncée par le ministre Castaner à l’assemblée nationale et l’intervention du ministre Blanquer pour dénoncer une affiche de la FCPE.
Pascal Costarella revient sur l’affaire du burkini, cet été à Grenoble pour énoncer un communiqué des trois associations présentes à la tribune.
Ce débat sur la « police du vêtement » n’est pas nouveau. A l’assemblé Nationale en 1905, dans le débat sur la laïcité, un député, M. Allard, a défendu un amendement pour demander l’interdiction du port de la soutane. Les arguments étaient curieusement voisins de ceux qui veulent interdire certaines tenues aujourd’hui. (cf un document relatant le débat : http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com/archive/2009/11/25/1905-et-les-tenues-religieuses.html.
Le président de la Libre pensée conclue en dévoilant le texte publié ce jour anniversaire par les trois associations présentes à la tribune, soutenu par des dizaines d’associations, syndicats, partis : https://www.fnlp.fr/news/747/23/Appel-aux-laiques-et-au-Mouvement-laique/d,lp_detail.html
A l’issue de la rencontre, Jérémie Giono s’est félicité de l’échange en présence de près d’une cinquantaine de personnes d’horizons divers.
« La discussion révèle l’importance de reposer calmement des repères autour de ces questions, en revenant aux fondements de ce pilier du vivre-ensemble qu’est la laïcité. Le camp laïque doit se faire entendre, nous devons donner de la voix, y compris pour ne pas laisser le terme en lui même être récupéré et vidé de son contenu. Les discours racistes/xénophobes d’un côté & libéraux/communautaires/concordataires de l’autre sont bien deux faces d’une même pièce, une partition de division et de relégation qui nie le respect de la liberté de conscience, puisque dans tous les cas nous assistons à une assignation religieuse identitaire où l’individu est renvoyé à une prétendu « communauté », faisant par la même fit du commun réel, que ce commun soit vu à l’échelle d’une Nation ou à l’échelle d’une classe sociale.
Car c’est bien là l’enjeu véritable de cette musique à plusieurs voix : fonder une « nouvelle paix sociale », au profit de la minorité financière qui exploite votre travail, notre travail à tous, ce quelque soit notre couleur de peau ou nos croyances (ou non-croyance) !
Pour illustrer ce fait, nous avons un cas pas très loin, d’un candidat de Droite-extrême sur le retour dans une grande ville à quelques arrêts de tram d’ici, qui d’un côté s’est répandu en propos xénophobes cet été lors de la polémique des piscines, et dont dans le même temps un des garde du corps se revendique ouvertement comme proche des Frères musulmans, tout laissant à penser qu’un accord souterrain est à l’œuvre avec ces réseaux fascisants…
Il faut mesurer l’ampleur de la bataille, car les discours néfastes ne viennent pas seulement des divers courants de l’Extrême-droite ou de la Droite avec d’un côté le RN & une partie des LR voir de la majorité, et de l’autre le pôle libéral au sein des centristes et de la majorité présidentielle.
Non, ces discours ont trouvés des relais jusque dans le camp de la gauche, lorsque certains cèdent aux sirènes libérales ou « indigénistes » (encore que si on trouve toujours un idiot utile pour expliquer que « l’excision est un particularisme culturel », ce courant n’a pas l’envergure disproportionnée que lui donne certains médias pour stigmatiser toute une partie de la gauche), ou de l’autre côté qu’un Laurent Bouvet – fondateur du si mal nommé « Printemps Républicain » – fricote ouvertement avec Eric Zemmour et la fachosphère. Ces gens là sont à combattre philosophiquement tout autant que leurs « maisons mères » intellectuelles !
Pour le parti communiste, il est donc impératif de tenir sur tous les fronts. D’un côté, refuser la fragmentation en cours de la société française, consistant il faut bien le dire principalement dans la construction largement artificielle d’une psychose contre une partie de la population, stigmatisée en vertu de sa foi réelle ou supposée. Le « supposé » est important, car derrière l’assignation forcée à une identité religieuse, ce qui est à l’œuvre c’est bel-et-bien le rhabillage du vieux racisme colonial contre « l’arabe ».
Et démonter cette réalité ne doit en aucun cas conduire à justifier les discriminations contre les croyants, tout républicain conséquent se doit de refuser toute forme de recul sur le terrain de la Liberté de conscience ! Si la gauche laïque ne défend pas la liberté de conscience, qui la défendra ? Et comment avancer vers une société émancipée sans garantir fermement la liberté de conscience ?
De l’autre, replacer encore et toujours la question sociale au centre, unifier autour de cette question sociale, ce précisément que la minorité financière redoute le plus, car comme le disait un vieux barbu « la lutte des classes est le moteur de l’Histoire ». Et l’Histoire l’a démontré à de multiples reprises, c’est lorsque la lutte des classes est menée par les exploités rassemblés que les curseurs bougent dans le bon sens pour toute la société !
Bref, les défenseurs de la laïcité peuvent compter sur le parti communiste, hier, aujourd’hui comme demain, y compris pour porter des propositions rationnelles à même d’apaiser le débat telle que la création d’un observatoire local de la laïcité. »