« Résistons à ce climat de méfiance »

Par Edouard Schoene

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Le 11 novembre a été com­mé­mo­ré à Fon­taine l’armistice de la guerre 14–18 et un hom­mage aux vic­times de la répres­sion du 11 novembre 1943 à Gre­noble a été ren­du.
Anto­nine Ron­seaux, repré­sen­tante des Amis de la fon­da­tion pour la mémoire de la dépor­ta­tion (A.F.M.D) a pris la parole.

Les repré­sen­tants de l’AFMD pen­dant le dis­cours de Mme Anto­nine Ron­seaux.

« Il y a main­te­nant 74 ans.
Par tract éma­nant de la Résis­tance, la popu­la­tion dau­phi­noise est appe­lée à mani­fes­ter lors de la com­mé­mo­ra­tion de l’armistice du 11 novembre 1918. Mani­fes­ta­tion inter­dite. Le monu­ment aux morts de la porte de France est inabor­dable ; pré­sence de gardes mobiles.
1500 mani­fes­tants se rendent au monu­ment des Diables bleus, parc Paul Mis­tral. Ici les forces alle­mandes les encerclent. 600 per­sonnes seront arrê­tées, 369 seront dépor­tées et 102 en revien­dront.
Ce 11 novembre 1943 s’inscrit dans la Résis­tance.
Depuis 1940, au len­de­main de la demande d’armistice par le maré­chal Pétain, le refus de la capi­tu­la­tion existe. Spon­ta­né­ment, des per­sonnes, appar­te­nant à dif­fé­rents milieux sociaux, sans rela­tions entre elles, entrent en résis­tance et s’organisent pro­gres­si­ve­ment.

Le 1er jan­vier 1942 jean Mou­lin devient le repré­sen­tant du géné­ral de Gaulle afin d’unifier l’ensemble des mou­ve­ments de Résis­tance. En décembre 1942 le maquis du Ver­cors s’installe. Le 27 mai 43 à Paris se tient la 1re réunion du CNR. Le 8 juillet 1943 jean Mou­lin meurt pen­dant son trans­fert en Alle­magne. Dénon­cé, cap­tu­ré, tor­tu­ré, il ne par­le­ra pas et sau­ve­ra le CNR.
Sep­tembre 1943, les armées alle­mandes rem­placent les troupes ita­liennes dans la zone Sud. C’est dans ce contexte d’actions intenses de la Résis­tance que se situe le 11 novembre 43.
Puis Gre­noble connaî­tra une période dou­lou­reuse : col­la­bo­ra­tion, dénon­cia­tions, arres­ta­tions, assas­si­nats, empri­son­ne­ments, dépor­ta­tion entre le 25 et le 30 novembre. Ce fut la St Bar­thé­lé­my gre­no­bloise.
Com­ment en est on arri­vé là ? De renon­ce­ment en tra­hi­son,
De lâche­té en déla­tion.

Devant le monu­ment éri­gé en la mémoire des mani­fes­tants du 11 novembre 1943.

Aujourd’hui, à l’aube de mes 81 ans, je suis rem­plie d’une pro­fonde tris­tesse. A quoi auront ser­vi ces vies fau­chées ? A quoi aura ser­vi cette réflexion géné­reuse, ce regard altruiste por­té sur la socié­té, ce regard sur les gens que nous sommes aujourd’hui grâce au pro­gramme por­té par le CNR ?
C’est une peine pro­fonde mais aus­si une grande inquié­tude, face à ce cli­mat délé­tère, le racisme, la xéno­pho­bie, l’intolérance sous toutes ses formes, relayés par les médias.
Allons nous vivre, pou­vons nous vivre dans un cli­mat de peur de sus­pi­cion ? Allons nous épier notre voi­sin, ses habi­tudes, son mode de vie, ses cou­tumes ? Allons nous obser­ver notre col­lègue de tra­vail, ses vête­ments, ses loi­sirs ? Allons nous véri­fier ce que mange ou ne mange pas mon cama­rade de classe ou mon col­lègue à la can­tine ?
Et encore, fou­lard, pas fou­lard, cha­peau, pas cha­peau, che­veux longs, tresses, barbe, mous­tache, jupe, pan­ta­lons, hété­ro, homo, séden­taire, nomade, gilets jaunes, gilets roses,…
La liste pour­rait s’allonger.
Est-ce vrai­ment ce qui nous pré­oc­cupe actuel­le­ment ? Quelle réponse sera appor­tée au grand défi du 21è siècle ? Où allons nous ?
Si les êtres humains vivent mieux, la terre vivra mieux. En sau­vant l’homme, on sau­ve­ra la pla­nète. Aujourd’hui, le nombre de res­ca­pés de la dépor­ta­tion s’amenuise.
Nous, les enfants, petits enfants, les frères et sœurs de dépor­tés, nous ne pou­vons témoi­gner pour nos parents, mais nous savons que la dépor­ta­tion a mar­qué leur vie et la nôtre dura­ble­ment.
Vous voi­là témoins de notre his­toire fami­liale, mais qui est votre his­toire aus­si. Vous savez. Résis­tons à ce cli­mat de méfiance.
Les dis­cours hai­neux favo­risent le pas­sage à l’acte !
Mes­dames, Mes­sieurs, chers amis, je vous remer­cie » .

La délé­ga­tion de la muni­ci­pa­li­té de Fon­taine après le dépôt d’une gerbe.
Le monu­ment aux morts de la guerre de 14–18.

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