Plan déchets. La Métro s’attaque à ses poubelles

Par Luc Renaud

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238,5 millions d’euros, diviser par deux le volume des poubelles grises, recycler… le plan déchets de la Métro grenobloise affiche des objectifs ambitieux pour 2030. Un plan qui cible la responsabilité de l’usager citoyen, laissant de côté les moyens de son information et l’origine de la production des déchets. Reste que des investissements lourds sont programmés et que l’amaigrissement des poubelles est devenue urgente.

A Gre­noble, on ne trie pas mieux ses pou­belles en 2017 qu’en 1998. Ce qui en fait l’une des agglo­mé­ra­tions de même taille les moins ver­tueuses de France. A Gre­noble, une salade sur deux finit à la pou­belle, une baguette sur trois… De quoi sérieu­se­ment écor­ner l’i­mage éco­lo de la capi­tale des Alpes. De quoi se dire aus­si que les salades ven­dues en grande sur­face ne sur­vivent pas long­temps dans le fri­go, que la pro­duc­tion des embal­lages est davan­tage le fait des dis­tri­bu­teurs que des consom­ma­teurs, ou que connaître le bon usage de la pou­belle de tri relève d’une véri­table science : ce ne sont pas les indi­ca­tions absentes sur les points de col­lecte qui aident à cet appren­tis­sage.

Mais bon, au total, ça ne va pas. Chris­tophe Fer­ra­ri, pré­sident de la Métro, en fait l’af­faire « de cette fin de man­dat et même du sui­vant ». Il s’a­git pour lui « d’un nou­veau modèle à construire », pas moins, et d’être « pion­nier en France » pour la mise en œuvre d’un plan de réduc­tion des déchets qui va cou­rir jus­qu’en 2030.

Pas évident de savoir ce qu’il faut mettre ici ou là…

Le constat est assez simple : 70% des déchets actuel­le­ment col­lec­tés dans les pou­belles grises pour­raient être valo­ri­sés. Autant dire que les conte­neurs à verre et les pou­belles vertes (celle qui recueillent les embal­lages et non pas l’herbe) ne sont pas assez fré­quen­tées.

Les mesures qui vont être prises ? Une palan­quée. D’a­bord, pour réduire les volumes. Des alter­na­tives à la pou­belle vont être pro­mues : recy­cle­ries, amé­lio­ra­tions des déchè­te­ries, com­pos­tage à domi­cile, dif­fu­sion des auto­col­lants « stop pub »… et même l’u­ti­li­sa­tion des couches lavables dans les crèches et mater­ni­tés. Tou­jours au même cha­pitre, une col­lecte sup­plé­men­taire va être ins­ti­tuée : celle des déchets ali­men­taires qui devront désor­mais être jetés dans des bacs mar­rons et non plus dans la pou­belle grise.

Autre série de mesures, celles qui concernent la pro­mo­tion du tri. Car il y a du bou­lot : plus d’un tiers de ce que l’on trouve dans les pou­belles vertes n’a rien à y faire ; le retri des pou­belles du tri a un coût. Du pain sur la planche pour les ambas­sa­deurs de tri, les cam­pagnes de com­mu­ni­ca­tion… Cela passe aus­si par des équi­pe­ments sup­plé­men­taires. Pour le verre, 250 conte­neurs sup­plé­men­taires vont être ins­tal­lés ; ils seront 350 de plus pour les tex­tiles.

Et le plan compte éga­le­ment son cha­pitre répres­sif. Une police de l’en­vi­ron­ne­ment et une bri­gade de pro­pre­té vont être créés par la Métro. Il s’a­gi­ra de ver­ba­li­ser les dépôts sau­vages, autant que faire se peut, et de dres­ser des pro­cès-ver­baux lorsque les abords des conte­neurs seront encom­brés… d’en­com­brants ou de sacs pou­belles. Le conte­nu des pou­belles vertes sera lui aus­si aus­cul­té, pou­vant don­ner lieu à sanc­tion finan­cière : chaque pou­belle sera en effet dotée d’une puce élec­tro­nique qui per­met­tra d’i­den­ti­fier son ou ses uti­li­sa­teurs, puisque la pou­belle ne s’ou­vri­ra qu’a­vec un badge spé­ci­fique.

On aura com­pris que l’heure de la mobi­li­sa­tion géné­rale avait son­né.

Luc Renaud

 

Taxe incitative, l’autre usine à gaz

L’une des nou­veau­tés de ce plan déchets hori­zon 2030, c’est la Teo­mi, com­pre­nez taxe d’en­lè­ve­ment des ordures ména­gères inci­ta­tive. L’i­dée paraît simple : plus on jette, moins on tire et plus on paie. Sédui­sant. Georges Oud­jaou­di, vice-pré­sident de la Métro, l’an­nonce pour 2019.

Concrè­te­ment, les pou­belles seront équi­pées de puces élec­tro­niques. Il fau­dra avoir son badge pour les ouvrir. Elles seront pesées, ce qui per­met­tra de connaître le poids de la pro­duc­tion d’une mai­son ou d’un immeuble… ou d’un groupe d’im­meuble. Pre­mière dif­fi­cul­té : impos­sible de savoir si le loca­taire du cin­quième jette plus que celui du troi­sième de l’im­meuble d’en face, s’ils uti­lisent le même conte­neur.

Ces pou­belles seront éga­le­ment contrô­lées. Si le tri n’est pas réa­li­sé cor­rec­te­ment, un « malus » sera appli­qué, là encore indis­tinc­te­ment, sauf pour les rési­dences indi­vi­duelles.

Et puis il va s’a­gir de fac­tu­rer sur la feuille d’im­po­si­tion. Et là…

Aujourd’­hui, la Teom est une taxe que l’on paie avec ses impôts locaux. Les élus en ont fixé le taux : 8,30% de la valeur loca­tive payés sur la taxe fon­cière par les pro­prié­taires et réper­cu­tés sur les charges pour les loca­taires. Simple. Le pro­jet de la Teo­mi, c’est de créer une part variable pour cette taxe : 80% fixes (sur les bases de cal­cul d’au­jourd’­hui) et 20% variables en fonc­tion du poids et de la qua­li­té du tri.

Ce qui sup­pose que les ser­vices de la Métro vont devoir trans­mettre aux ser­vices de l’E­tat, tous les ans, des don­nées par point de col­lecte, indi­vi­duels ou col­lec­tifs. Il fau­dra alors que le Tré­sor public intègre ces don­nées pour cal­cu­ler chaque feuille d’im­po­si­tion de taxe fon­cière, autant de tra­vail en plus. Le tout pour 20% du total de la taxe, ce qui repré­sente 20 à 30 euros par an pour la plu­part des contri­buables, dont il fau­dra cal­cu­ler la varia­tion… On n’est pas ren­du.

En ce qui concerne la Teo­mi, on parle d’ex­pé­ri­men­ta­tion, dans un pre­mier temps. Cela semble effec­ti­ve­ment pru­dent. Reste à se creu­ser les méninges pour inci­ter à réduire et à trier ses déchets. Ce qui demeure une néces­si­té.

Gaz, l’usine

Autre nou­veau­té, la créa­tion d’une troi­sième pou­belle, des­ti­née aux déchets ali­men­taires. Aujourd’­hui, ceux-ci repré­sentent 36% des ordures ména­gères, col­lec­tées dans les pou­belles grises. Une pou­belle mar­ron, réser­vées aux éplu­chures, restes ali­men­taires de toute nature… va être ins­tal­lée aux côtés des pou­belles grises (ordures ména­gères) et vertes (embal­lages). La col­lecte de ces nou­veaux conte­neurs ali­men­te­ra une usine de métha­ni­sa­tion, construite à Muria­nette. Cette usine assu­re­ra la fer­men­ta­tion de ces déchets pro­dui­sant ain­si du gaz qui ali­men­te­ra le réseau ou ser­vi­ra de car­bu­rant aux camions qui assurent la col­lecte..

Le centre de tri et l’u­sine d’in­ci­né­ra­tion vont faire l’ob­jet d’im­por­tants inves­tis­se­ments.

240 000

tonnes de déchets sont pro­duits chaque année dans la métro­pole gre­no­bloise, soit 531 kilos par habi­tant. Ces déchets pro­viennent de la col­lecte des ordures ména­gères, mais aus­si de celle des embal­lages, des colonnes de verre, des déchè­te­ries, des entre­prises qui col­lectent elles-mêmes leurs déchets… Les pou­belles grises, celles dans les­quelles on jette ce que l’on ne trie pas, repré­sentent un volume de 89 000 tonnes. L’ob­jec­tif est de divi­ser par deux le conte­nu de ces pou­belles. En jetant moins, en tri­ant plus et en uti­li­sant davan­tage les déchè­te­ries, les recy­cle­ries, le com­pos­tage sur place…

200

mil­lions d’eu­ros vont être inves­tis dans les usines de trai­te­ment des déchets. 170 mil­lions le seront par la Métro qui envi­sage que 30 mil­lions le seront par les col­lec­ti­vi­tés du Sud Isère inté­res­sées par le pro­jet — Voi­ron­nais, Gré­si­vau­dan, Oisans… Le centre de tri créé en 1995, va être agran­di. L’u­sine d’in­ci­né­ra­tion Atha­nor, inau­gu­rée en 1972, va être recons­truite sur place : début des tra­vaux 2020 pour une mise en ser­vice en 2024. Pour assu­rer son fonc­tion­ne­ment, cette usine devra être ali­men­tée par les déchets pro­duits dans le Sud Isère. Il fau­dra pour cela des signer des conven­tions qui assurent une par­ti­ci­pa­tion à l’in­ves­tis­se­ment ini­tial et garan­tissent un apport pour mettre fin au noma­disme des pou­belles, cer­taines col­lec­ti­vi­tés trou­vant moins cher ailleurs. Il fau­dra éga­le­ment mettre un terme au dum­ping que pra­tique par­fois la métro pour « nour­rir » Atha­nor. Un centre de métha­ni­sa­tion va être construit à Muria­nette, sur le site de l’u­ni­té de com­pos­tage, pour trai­ter les déchets ali­men­taires. Le coût glo­bal du plan pré­sen­té est de 238,5 mil­lions d’eu­ros pour la Métro.

Recycleries

Réduire le volume des déchets, c’est aus­si don­ner une seconde vie à des appa­reils aujourd’­hui jetés. Des recy­cle­ries vont ain­si être construites pour remettre ces objets en cir­cu­la­tion.

Déchèteries

A Gre­noble et dans son agglo­mé­ra­tion, on uti­lise plus qu’ailleurs les déchè­te­ries. En 2016, le volume de déchets trai­tés dans les déchè­te­ries (107 000 tonnes) était proche de celui de la col­lecte des pou­belles (115 000). Qua­torze déchè­te­ries de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloises vont être réno­vées. Cer­taines seront regrou­pées. Pour Georges Oud­jaou­di, l’ob­jec­tif est d’en éle­ver le niveau de ser­vices, notam­ment par un effort de for­ma­tion des agents qui y sont affec­tés. La déchet­te­rie gre­no­bloise de la rue Jac­quard va être recons­truite.

On retrou­ve­ra ici les don­nées chif­frées du rap­port 2016 sur les déchets urbains, der­nier publié.

 

 

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  • Bonne année 19 a tous,

    Très bon article pré­cis (de 2017) dont j’ai pu prendre connais­sance suite au pas­sage de « plas­tic omnium » ce matin.

    Habi­tant de Gre­noble cette visite m’a sur­pris n’ayant pas vu d’in­fo par­ti­cu­lière ‚ces der­niers temps, sur ce trai­te­ment.

    DR.