Aussi étrange que cela puisse paraître, aucun véritable travail d’histoire n’avait été réalisé en Isère sur les Francs tireurs et partisans français (FTPF), émanation de résistance armée du PCF durant la seconde guerre mondiale. Un colloque, qui a eu lieu le 12 mai au Musée de la résistance, est venu apporter une première synthèse.

Le musée de la résistance et de la déportation de Grenoble

Organisé par le Musée de la résistance et de la déportation en Isère avec le concours de nombreux historiens, en partenariat avec l’Amicale des anciens FTPF – présidée par le toujours dynamique Alfred Rolland, engagé à 16 ans dans ce mouvement -, tout associant les organisations de résistants et de déportés du département, il a tenté d’éclairer une histoire complexe et mal connue.

Mal connue notamment en raison de la nature et du fonctionnement de cette organisation : le cloisonnement entre les groupes, l’importante circulation des combattants d’un groupe à l’autre, les mutations internes et externes au département, etc. Mais aussi de la discrétion de maints résistants.

 

Une organisation active

Oui, les FTPF étaient assez rares dans les milieux ruraux et souvent méfiants à la constitution de gros maquis, préférant l’action militaire urbaine et le sabotage. Oui, le PCF a mis un certain temps à mettre en place son organisation militaire. Pour des causes multiples : la répression menée contre ses membres, son importante numérique relative, la signature du pacte germano-soviétique, l’existence d’autres forces dans la lutte armée (AS), une occupation italienne initiale moins féroce que l’allemande…

Il est difficile de reconstruire après des arrestations, de se réorganiser, de faire émerger de nouveaux cadres. Mais les faits sont là : progressivement se met en place une organisation active et efficiente.

De nombreux documents en attestent. Le Travailleur Alpin, organe du PCF, qui malgré son interdiction en 1939 reparaîtra clandestinement en octobre 1940. Les Allobroges, émanation du Front national de lutte pour l’indépendance. Mais aussi de multiples publications locales de toute nature. Des documents que l’on pourra trouver tant aux archives départementales de l’Isère, qu’au Musée de la résistance et de la déportation de Grenoble, qu’au Musée national de la résistance de Champigny-sur-Marne.

L’histoire du bassin minier de la Matheysine témoigne des racines de l’engagement de ce bastion ouvrier qui deviendra un refuge de l’état-major FTPF, et du passage délicat de l’action politique et sociale à la lutte armée.

Mais l’essor est manifeste : il y a développement exponentiel de la résistance communiste après 1943, une dynamique qui se prolonge jusqu’à l’été 1944. La multiplication des éléments de propagande, l’aggravation de l’occupation, contribuent à surmonter la difficulté à passer à la lutte armée.

 

Des pistes à prolonger

La situation du PCF à la Libération est le reflet de son implication résistante. Elle est notamment le résultat des courants de sympathie qu’il a su gagner à travers la multiplicité d’organisations qu’il a mis en place et animé en s’adressant aux différentes catégories de la populati

Le rôle et la place des étrangers dans les rangs du PCF et des organisations qui lui sont affiliées est important mais largement minorée car, au fil du temps la plupart rejoignent la région parisienne, leur région d’origine, disparaissant du paysage isérois.

Les travaux de ce colloque invitent à prolonger les réflexions, « car l’histoire des FTPF reste bel et bien un chantier ouvert, comme l’histoire de la Résistance si on la considère comme un processus social, politique et culturel révélateur d’un mouvement social total avec ses hésitations, ses ambiguïtés, ses contradictions, mais aussi ses croyances, ses espérances, ses capacités de mobilisation et d’action », note Olivier Cogne, ancien directeur du Musée de la résistance, actuel directeur du Musée dauphinois.

Il est cependant regrettable que la situation dégradée de la recherche à l’université grève lourdement la poursuite de tels travaux par le manque manifeste de chercheurs. « La relève n’est pas assurée ! », a-t-il été déploré.

Signalons enfin pour être complet, que le colloque a également accueilli deux regards croisés sur les départements alpins voisins, les Hautes-Alpes, département lié structurellement à l’Isère dans l’organisation FTPF, et la Savoie, en mettant en lumière de nouvelles archives.

On retrouvera avec intérêt et exhaustivité les travaux de recherche sur la question dans un ouvrage paru aux Presses universitaires de Grenoble, sous la direction d’Olivier Cogne et Gil Emprin, sous le titre : Histoire des Francs-tireurs et partisans, Isère, Savoie, Hautes-Alpes.

 

Max Blanchard

 

Alfred Rolland, président de l’Amicale des anciens francs tireurs et partisans français de l’Isère.

 

L’Amicale des anciens FTPF, entre chercheurs et témoins

L’analyse des mouvements de résistance dans notre département, et au-delà, n’est pas un combat d’arrière-garde. Il est nécessaire et indispensable d’analyser le passé pour se tourner résolument vers l’avenir et faire vivre  le « plus jamais ça », rappelle l’Amicale des anciens FTPF.

La relation et l’analyse de cette période s’appuie sur un travail conséquent réalisé par des historiens, mais aussi par des acteurs, des témoins de cette période. On ne citera qu’à titre d’exemple Levés à l’aube, de Paul Billat, Le parti communiste français dans le comité départemental de Libération de l’Isère, de Clément Bon et les précieuses archives rassemblées par le président de l’amicale,  Alfred Rolland, dont l’essentiel a été remis au musée de la Résistance nationale de Champigny, avec copie numérique aux archives départementales de l’Isère et au Musée de la résistance et de la déportation de l’Isère.
La journée organisée à Fontaine le 17 mai 1994 par la fédération de l’Isère du PCF sur le thème : «  1940-1944, des communistes aux gaullistes, la résistance dauphinoise au pluriel » a été une contribution importante à la mémoire de la résistance.
Le travail de recherche, d’analyse sur la création des FTPF dans l’Isère n’est pas uniquement le fait d’historiens. Il est aussi le fruit du travail de témoins et d’anciens résistants. Cette complémentarité, cette  coopération entre tous selon la spécificité de chacun, sont primordiales.

 

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