Le jour où Grenoble a changé le monde
Par Travailleur Alpin
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7 juin 1788. La Journée des tuiles marque un premier recul du pouvoir absolu du roi Louis XVI. A la suite de ce mouvement, des Etats généraux seront réunis à Vizille le 21 juillet. Une première avant la convocation des Etats généraux de Versailles, qui marqueront un point de départ de la révolution française.
Mai/juin 1788. Le royaume de France traverse une grave crise financière. En monarque absolu, Louis XVI ordonne de renflouer le « trésor ». Ses ministres Turquet et Calonne tentent d’imposer des réformes. En vain. Lomenie de Brienne leur succède. Bien moins par esprit de justice que par nécessité, il veut faire payer les impôts royaux à tous les Français. Les représentants des profiteurs, tout puissants dans les parlements et eux-mêmes menacés de devoir passer à la caisse, enragent. Le roi décide par édits de les priver leurs prérogatives essentielles. En dépit de la loi, les parlements régionaux refusent d’enregistrer ces « édits ». C’est le cas le 9 mai à Grenoble où les événements se précipitent.
Le tocsin annonciateur d’une grêle de tuiles
Le 7 juin, tôt le matin, les premiers parlementaires reçoivent l’ordre de quitter Grenoble. La nouvelle se répand en ville. La bourgeoisie grenobloise, qui considère le parlement comme garant des libertés face à la monarchie, s’oppose à cet exil. Elle entraîne avec elle le « petit peuple » qui prend ainsi paradoxalement le parti des privilégiés conservateurs du clergé et de la noblesse contre une monarchie réformatrice. Des groupes tentent de s’emparer des portes de la ville et se dirigent vers le palais.
Le duc de Clermont-Tonnerre en appelle à la troupe pour mater les émeutiers. Le tocsin sonne, les soldats sont accueillis par une grêle de tuiles et de briques jetées des toits et des balcons. Jusqu’en fin d’après-midi, des accrochages éclatent en différents quartiers de la ville. Vers 17 heures, le duc de Clermont-Tonnerre comprend que la situation lui échappe. Il suspend les départs en exil. Les soldats se replient. Les clés du parlement sont remises aux insurgés. Place Saint-André, la foule danse et chante autour d’un feu de joie.
Jean Rabaté
Vizille
Après la Journée des tuiles du 7 juin, les assemblées de notables et parlementaires se succèdent. Elles aboutiront aux Etats généraux du Dauphiné réunis le 21 juillet au château de Vizille. De là partira l’exigence de convoquer des Etats généraux du royaume. L’initiative fera boule de neige, d’autres parlements régionaux s’y joindront. L’effervescence grandira à travers la France. Le 8 août, Louis XVI est contraint d’annoncer la convocation des Etats généraux du royaume pour le 1er mai 1789 à Versailles. Le pouvoir royal a cédé !
1788
Dans son Histoire de la Révolution française, Michelet note que tous n’étaient pas imposables, ce que les réformes de Louis XVI voulaient imposer : « les deux ordres privilégiés payaient ce qui leur plaisait : le clergé, un don gratuit imperceptible ; la noblesse contribuait pour certains droits, mais selon ce qu’elle voulait bien déclarer ; les agents du fisc, chapeau bas, enregistraient ».
Chronologie
9 mai 1788 : le parlement de Grenoble refuse d’enregistrer les édits royaux.
10 mai : sous la pression du duc de Clermont-Tonnerre et de ses soldats, les parlementaires cèdent et… sont mis en vacance avec interdiction de siéger.
20 mai : ils se reprennent et adoptent un arrêt déclarant le coup de force illégitime.
30 mai : ordre royal est donné à l’armée d’« exiler sur leurs terres les rebelles du parlement ».
7 juin : les parlementaires reçoivent par lettre de cachet l’ordre de quitter Grenoble.