Pont-de-Claix. « Les freins levés » : le projet Exalia soutenu par le ministre de l’Industrie
Par Manuel Pavard
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« Je pense qu’on a un avenir sur ce site. » En quelques mots, Sébastien Martin écarte d’emblée tout faux suspense. Oui, le ministre de l’Industrie — donc le gouvernement — soutient pleinement le projet Exalia, qu’il est venu découvrir ce vendredi 28 novembre, sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix, à l’occasion d’un déplacement en Isère (débuté par une visite à Teisseire). À ses côtés, la photo de famille est presque complète. Il y a là le trio des porteurs du projet : l’ancienne salariée et déléguée CGT de Vencorex Séverine Dejoux, l’industriel Olivier Six, PDG de CIC Orio, et le président de la Métropole Christophe Ferrari. Mais aussi le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Fabrice Pannekoucke, la députée de la circonscription Cyrielle Chatelain ou encore le sénateur de l’Isère Guillaume Gontard.

Parmi les acteurs et collectivités impliqués dans le dossier, personne ne manque à l’appel. Il faut dire que la date est aussi symbolique que décisive. C’est en effet le 28 novembre que les porteurs du projet Exalia ont déposé leur offre de reprise des actifs de Vencorex sur le site isérois, auprès du tribunal de commerce de Lyon. Un peu plus de sept mois après la liquidation judiciaire de Vencorex et sa cession à BorsodChem, un nouveau vent d’espoir souffle ainsi sur la plateforme chimique.
« Toutes les planètes sont alignées »
Vantant « un projet extrêmement sérieux », Sébastien Martin affiche d’ailleurs sa confiance : « Du côté de l’État, les freins qui pouvaient exister ont tous été levés les uns après les autres. Maintenant, ce sera à la justice de trancher définitivement sur la capacité de ce projet à voir le jour. Mais je crois que l’on peut être raisonnablement optimiste », se projette-t-il.

Outre la reprise des actifs industriels, un autre écueil de taille subsistait : la saline d’Hauterives, dans la Drôme. Si les promoteurs d’Exalia avaient très vite fait une offre pour la reprise de la mine de sel et du saumoduc — appartenant encore à Vencorex Holding -, l’accord de l’État demeurait indispensable. « Ce sujet-là est aujourd’hui levé, se félicite le ministre. La concession de la mine peut changer de propriétaire. »
À ce stade, il n’y a donc « plus d’obstacles administratifs », assure Sébastien Martin. Pour lui, « toutes les planètes sont alignées, aussi bien du côté de l’État que de la Métropole et de la Région, pour qu’un nouveau projet, un peu plus d’un an après l’annonce [NDLR : du redressement judiciaire de Vencorex], puisse voir le jour ».
« Il appartient au juge de trancher »
Quid en revanche d’une éventuelle participation financière de l’État ? Le ministre de l’Industrie ne s’avance pas sur ce plan, sous-entendant qu’un soutien financier serait actuellement prématuré — même si la Métropole a voté quant à elle un soutien de principe de 3 millions d’euros. « Il y a des dispositifs qui existent mais il faut d’abord que l’entreprise dépose ses dossiers », souligne-t-il. Pour le reste, la balle est maintenant dans le camp de la justice, estime Sébastien Martin : « Il appartient au juge de trancher, pas au gouvernement. Mais il y a une vraie solution. »

Le tribunal devrait se prononcer d’ici la fin de l’année 2025, voire en janvier 2026. Néanmoins, les porteurs du projet n’ont aucune intention de mettre le dossier sur pause en attendant ce — décisif — feu vert judiciaire. « La création d’Exalia se fera début janvier, avec la constitution de l’équipe projet, pour un redémarrage avant fin 2027 », explique Séverine Dejoux. Pour cette première phase, les équipes complètes, soit une centaine de salariés, seront « en place à l’été 2027 », ajoute l’ancienne élue CGT de Vencorex.
Des produits « stratégiques » pour l’économie
Côté investissements, il faut tabler sur « plus de 80 millions d’euros », précise Olivier Six. Sur ce total, « une bonne cinquantaine de millions doivent permettre la décarbonation totale des installations et diviser par trois la consommation d’énergie ». Si le montant est sans conteste élevé, Exalia bénéficie aujourd’hui « de l’appui des industriels du secteur ». Et ce, pour une bonne raison, selon le PDG de CIC Orio : « Les produits qu’on va fabriquer sont stratégiques et fondamentaux pour une grosse partie de l’économie. Si on ne les produit pas ici, on doit les importer et ils sont dangereux à transporter. Donc plus on les produit près des lieux d’utilisation, mieux on se porte ! »

Olivier Six fait ici référence à l’acide chlorhydrique, à la soude et au chlore liquide, produits que l’on retrouve notamment dans la papeterie, la chimie, la sidérurgie, le traitement des eaux, l’agro-alimentaire… Des besoins difficilement contestables donc. Pourtant, le constat est là : on ne compte « plus de fabrication de ces matières à moins de 600 km à la ronde », s’étonne l’industriel.
« De cette déception, on a fait une vraie rage »
Pour Christophe Ferrari, « il était absurde d’imaginer qu’on puisse désindustrialiser et perdre un potentiel de plateforme chimique, en étant désormais importateur de chlore dans ce pays ». Le président de la Métropole et maire de Pont-de-Claix salue l’implication de l’ensemble des collectivités — y compris de la Région dont le président est venu lui aussi afficher son soutien à Exalia — et particulièrement du nouveau ministre de l’Industrie, « très à l’écoute et passionné des questions industrielles ». Le tout avec une pique à peine voilée envers son prédécesseur Marc Ferracci, à l’époque très critiqué par les élus comme par les salariés de Vencorex.

Christophe Ferrari voit dans la mise en œuvre d’Exalia une « volonté de ne pas capituler ». Car, affirme-t-il, « la souveraineté industrielle, ce n’est pas seulement un concept politique que l’on manie mais c’est une réalité politique territoriale ». Certes, pas question de vendre la peau de l’ours avant le rendu de la décision de justice. Mais sur le parking de la plateforme chimique, le contraste est saisissant avec les mines déconfites observées en avril dernier. « C’était une déception, admet l’élu. Mais de cette déception, on a fait une vraie rage. »


