Grenoble. Un débat de haute tenue sur le projet de centre de santé
Par Edouard Schoene
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L’association, née au printemps dernier, est porteuse d’une large pétition pour un projet de centre de santé, décrit largement dans le journal du quartier de juin 2025.
Hervé Derriennic, son président, situait l’objet de la réunion : « Notre préoccupation, c’est la santé. Les obstacles pour vivre en bonne santé sont nombreux : services publics de santé centralisés, loin des patients, barrage de la dématérialisation, investissements de santé laissés au privé recherchant l’appât du gain sans contrôle. Notre projet est de promouvoir une dynamique en faveur de la santé de tous les habitants du quartier, dont le projet de « centre de santé communautaire » comme à Saint-Denis, Echirolles, Chambéry, Bron, …Poitiers. Les actions seront menées avec les habitants,avec les associations du quartier, avec des professionnels de santé dont nous souhaitons l’implication concrète, notamment pour un diagnostic de santé. »
La France très en retard sur les centres de santé communautaires
Marc Schoene a introduit le travail en ateliers : « Vous avez pris une initiative très importante dans votre quartier. C’est une démarche d’avenir car le système de santé est en panne, à bout de souffle. Il faut concevoir la santé d’une manière radicalement différente. La prévention est le parent pauvre, les citoyens ne sont pas ou très peu associés aux questions et décisions qui les concernent. Vous allez travailler en atelier, et on va s’apercevoir que le terme santé reste à préciser, que les dispositifs de santé doivent être revus. »

Et le médecin de poursuivre : « Ce qui était intéressant à Saint-Denis c’est que les activités de santé de la ville, avec un bon tissu d’équipements, étaient pensées avec tous les autres secteurs (culture, logement, vie sociale, sécurité,…), ce qui a abouti notamment à la création d’un centre de santé communautaire dont les professionnels sont en lien étroit avec les habitants, avec pour effet, par exemple de revoir les modes d’accueil, la réalisation des ordonnances,… En France, nous sommes très en retard sur les centres communautaires par rapport à d’autres pays comme en Afrique, au Québec, en Amérique du sud, en Belgique…»
Pendant quarante-cinq minutes, les présents ont travaillé, autour de cinq tables pour répondre à cinq questions :
- Quelle est votre vision de la santé ?
- Quels sont pour vous les éléments essentiels qui « vous tiennent en santé ?
- Quels sont pour vous les éléments qui vous ont mis dans des difficultés de santé ?
- Si un plan d’action de santé communautaire est mis en place sur le quartier, quelles doivent être, selon vous, ses activités prioritaires ?
- Si vous rêvez à une santé « autrement » , qu’imaginez vous en premier lieu ?

Le travail fut sérieux et productif. L’association s’est réunie le 18 octobre pour commencer à dépouiller les réponses avec le Dr Schoene. Lequel a réagi aux travaux d’ateliers qu’il a observés attentivement. L’exercice consistait à analyser ce qui s’est dit. « Sans vous flatter, vous avez en quelque sorte reproduit le travail de l’assemblée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1984 qui a abouti à la charte d’Ottawa. 90 % des réponses des communes de plus de 20 000 habitants à la question « qu’est-ce que la santé ? » répondaient dans une enquête, c’est le soin. Vous, vous avez répondu majoritairement : la santé ce n’est pas seulement l’absence de maladie, c’est le bien être, bien dormir, être autonome, ne pas être entravé dans ses projets… »
« L’amélioration de la santé passe par l’implication des gens »
D’après Marc Schoene, « pour être en bonne santé il ne suffit pas de centres de soins, de médicaments, (…) de soignants. C’est la deuxième idée que vous avez traitée, les « ressources » : travail, culture, éducation, environnement. Si l’on n’agit pas sur les déterminants de la santé on ne règle rien. Pour une bonne santé, le système de soins ne pèse que pour 20 %. Troisième élément : l’amélioration de la santé passe par l’implication des gens. »

La réunion résonnait par ailleurs avec une actualité particulière, en l’occurrence une étude de l’INED publiée le 15 octobre, mettant en évidence la dégradation massive de la santé due à de mauvaises conditions de travail. Un exemple local, donné parmi nombre de témoignages, a eu un écho particulier : « Il y a quelques dizaines d’années, nombre d’enfants à la Villeneuve venaient en consultation au centre de santé, pour des blessures aux pieds du fait que les enfants allaient dans le lac de la Villeneuve. Du jour où le centre de santé a fait une information aux mamans, « faites porter des sandales » aux enfants, plus un pied à recoudre ! »
Après de riches débats à ce sujet, la soirée s’est poursuivie autour d’un pot par des échanges fructueux et un engagement largement partagé : « Mobilisons nous, impliquons nous ensemble pour un projet de santé communautaire ».
* Marc Schoene a été directeur des services de santé municipaux de la ville de Saint-Denis (93) et médecin généraliste d’un centre de santé de 1976 à 2011. Un parcours évoqué dans un article du Travailleur alpin.
**« La santé communautaire, ou action communautaire pour la santé, est un outil de promotion de la santé… parmi d’autres. Elle désigne les efforts collectifs déployés par les communautés en vue d’accroître leur maîtrise des déterminants de la santé et d’améliorer cette dernière. La participation de la population à l’ensemble du processus, le décloisonnement professionnel et institutionnel, le partenariat et le partage de savoirs et de pouvoirs comptent parmi ses principes-clés ». Cette définition figure sur le site de l’Institut Renaudot dont Marc Schoene fut président.