Hébergement d’urgence : l’État condamné à indemniser Grenoble

Par Manuel Pavard

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Selon la ville, 240 enfants vivent à la rue à Grenoble, dont une partie mis à l'abri dans les écoles occupées (comme ici à Lucie-Aubrac) par les parents d'élèves.
L'État a été condamné ce mardi 25 mars par le tribunal administratif à rembourser plus de 76 000 euros au CCAS de Grenoble. Une somme correspondant aux frais d'hébergement à l'hôtel d'une famille qui aurait dû être prise en charge dans le dispositif d'accueil d'urgence géré par ses soins. La ville de Grenoble avait déposé un recours, avec quatre autres municipalités de grandes villes, pour dénoncer les carences de l'État en la matière.

« Ce juge­ment est une pre­mière en France », salue Éric Piolle sur les réseaux sociaux. « Le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Gre­noble vient de recon­naître la res­pon­sa­bi­li­té de l’É­tat dans la crise de l’hé­ber­ge­ment d’ur­gence et le condamne à indem­ni­ser notre ville », se féli­cite le maire éco­lo­giste de Gre­noble, dans une publi­ca­tion dif­fu­sée mar­di 25 mars au soir.

Cette déci­sion est le fruit d’une « action col­lec­tive » ini­tiée par cinq mai­ries de gauche. Ceci, explique Céline Des­lattes, conseillère muni­ci­pale délé­guée à la grande pré­ca­ri­té, « pour dénon­cer une situa­tion inte­nable : des mil­liers de per­sonnes à la rue alors que l’hébergement est un droit fon­da­men­tal ». Dans un com­mu­ni­qué daté du mer­cre­di 26 mars, la ville de Gre­noble indique ain­si avoir « déci­dé en février 2024 avec Stras­bourg, Lyon, Bor­deaux et Rennes, de lan­cer un recours indem­ni­taire afin que l’État rem­bourse les sommes dépen­sées pour pal­lier ses carences en matière d’hébergement d’urgence ».

Éric Piolle a salué le suc­cès d’une action col­lec­tive enga­gée aux côtés des villes de Stras­bourg, Lyon, Bor­deaux et Rennes. © Luc Renaud

Le recours concer­nait une famille héber­gée à l’hô­tel par le CCAS de Gre­noble, entre mai 2022 et août 2024. « Mal­gré des inter­pel­la­tions régu­lières du ser­vice inté­gré d’accueil et d’orientation (SIAO) » — c’est-à-dire le 115 — aucune solu­tion d’hé­ber­ge­ment n’a été pro­po­sée à cette mère et ses cinq enfants, sou­ligne la muni­ci­pa­li­té. Recon­nais­sant dans son juge­ment la « carence pro­lon­gée de l’É­tat », le tri­bu­nal l’a donc condam­né à rem­bour­ser les 76 802 euros enga­gés par le CCAS.

« Nous refusons que cette injustice devienne la norme »

Plus glo­ba­le­ment, les chiffres four­nis par la ville sont édi­fiants. « À Gre­noble, les per­sonnes domi­ci­liées au CCAS et vivant chez un tiers, en squat, dans les écoles occu­pées, en bidon­ville, à la rue ou en abri de for­tune n’a ces­sé d’augmenter pour atteindre plus de 4 400 per­sonnes en sep­tembre 2024 dont près de 900 mineur-es. Sur ces 4 400 per­sonnes, 1 200 vivent à la rue dont 240 enfants », détaille-t-elle.

« Si un quart d’entre elles béné­fi­cient d’un héber­ge­ment d’urgence, envi­ron 3 000 pour­raient aus­si pré­tendre à un héber­ge­ment », ajoute la muni­ci­pa­li­té, rap­pe­lant que cela consti­tue « un droit fon­da­men­tal ». Un droit qui, selon le code de l’ac­tion sociale et des familles, doit être mis en œuvre par l’É­tat. « Or les moyens accor­dés par le gou­ver­ne­ment sont lar­ge­ment insuf­fi­sants pour y par­ve­nir, même s’ils ont été aug­men­tés au cours des der­nières années », constate la ville.

Le DAL, ici à la marche des soli­da­ri­tés, entame le 29 mars une cam­pagne contre les expul­sions loca­tives, à la fin de la trêve hiver­nale. © DAL 38

Pour Céline Des­lattes, l’É­tat conti­nue « d’a­ban­don­ner les plus pré­caires et de faire peser sur les com­munes une charge finan­cière et humaine qui ne leur revient pas ». Et l’é­lue d’a­ver­tir : « Nous avons pris nos res­pon­sa­bi­li­tés, mais nous refu­sons que cette injus­tice devienne la norme. Cette pre­mière vic­toire ouvre une brèche : nous ne lâche­rons rien pour que ce droit soit res­pec­té par­tout en France ! » Reste désor­mais à savoir si l’É­tat contes­te­ra et fera appel de la déci­sion. Laquelle pour­rait, espèrent cer­tains acteurs, faire juris­pru­dence.

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