STMicroelectronics. La CGT « craint un plan de suppression d’emplois »

Par Manuel Pavard

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Le site de production de Crolles pourrait être l'un des plus touchés par le plan d'économies de STMicroelectronics.
STMicroelectronics envisagerait de supprimer 2000 à 3000 emplois en France et en Italie, selon l'agence Bloomberg. Si la CGT n'a pas eu confirmation de ces chiffres, le syndicat évoque néanmoins le plan d'économies massif prévu par la direction, basé sur des départs volontaires non remplacés. Le fabricant franco-italien de semi-conducteurs emploie près de 7500 salariés sur ses sites isérois de Crolles et Grenoble.

L’in­for­ma­tion a été dévoi­lée le 31 jan­vier par Bloom­berg News. Selon l’a­gence de presse éco­no­mique amé­ri­caine, STMi­croe­lec­tro­nics pour­rait sup­pri­mer entre 2000 et 3000 emplois en France et en Ita­lie, soit 6% de ses effec­tifs. Une annonce qui a sus­ci­té une vive inquié­tude dans un bas­sin gre­no­blois déjà frap­pé de plein fouet par la crise indus­trielle, à l’i­mage des menaces pla­nant au-des­sus de Ven­co­rex et Arke­ma. Le groupe fran­co-ita­lien emploie en effet près de 7500 per­sonnes en Isère, répar­ties entre son site de pro­duc­tion de Crolles et celui de Gre­noble, dédié à la R&D.

Quelle cré­di­bi­li­té accor­der à ces pré­vi­sions ? À ce stade, la CGT se veut pru­dente, n’ayant eu connais­sance d’au­cune esti­ma­tion cer­ti­fiée de la part de la direc­tion. D’où ses inter­ro­ga­tions sur la source de Bloom­berg et sur le but visé. « C’est peut-être vrai mais ça peut aus­si être une stra­té­gie patro­nale de lais­ser fil­trer un chiffre volon­tai­re­ment trop haut, afin de faire croire ensuite qu’ils ont évi­té le pire », nuance Nadia Sal­hi, délé­guée syn­di­cale cen­trale adjointe.

« Sur trois départs, on ne remplacerait qu’une personne »

La « seule annonce » offi­cielle de STMi­croe­lec­tro­nics a été effec­tuée lors du comi­té d’en­tre­prise euro­péen du 30 jan­vier. Son pré­sident Jean-Marc Ché­ry a alors évo­qué un plan d’é­co­no­mies de plus de 300 mil­lions de dol­lars, dont « 190 à 230 mil­lions de dol­lars en Europe », pré­cise l’in­gé­nieure en R&D chez ST, en charge du col­lec­tif indus­trie à la CGT. Pour le reste, le fabri­cant de semi-conduc­teurs n’a « pas don­né le détail » de ces réduc­tions de coûts, regrette-t-elle.

Nadia Sal­hi, délé­guée syn­di­cale cen­trale adjointe CGT à STMi­croe­lec­tro­nics. © Max Blan­chard

De fait, les soup­çons de la CGT s’ap­puient éga­le­ment sur des échanges anté­rieurs avec la direc­tion, peu avant Noël. « On craint un plan de sup­pres­sion d’emplois », avoue Nadia Sal­hi, citant les décla­ra­tions des diri­geants de STMi­croe­lec­tro­nics, qui misaient sur des départs volon­taires, notam­ment des retraites anti­ci­pées. « Sur trois départs, ils ne rem­pla­ce­raient qu’une per­sonne », déplore l’é­lue syn­di­cale.

Après le CSE cen­tral du 11 février, les négo­cia­tions sur la « ges­tion des emplois et par­cours pro­fes­sion­nels » s’ou­vri­ront le 18 février, avec un pre­mier volet sur les seniors. Un sujet sur lequel la CGT « deman­dait des négo­cia­tions depuis plu­sieurs années », affirme Nadia Sal­hi. Laquelle tient à rap­pe­ler à ST ses « enga­ge­ments en matière de créa­tion d’emplois », pris à l’is­sue de la venue d’Em­ma­nuel Macron à Crolles, en juillet 2022. Avec à la clé, une aide publique de 2,9 mil­liards d’eu­ros pour le pro­jet d’ex­ten­sion de l’u­sine isé­roise, cen­sé géné­rer quelque 1000 emplois directs et 3000 emplois indi­rects.

« Enjeu de souveraineté numérique »

Certes, STMi­croe­lec­tro­nics fait face à un contexte dif­fi­cile, mar­qué par une baisse de la demande de com­po­sants dans l’in­dus­trie, en par­ti­cu­lier dans l’au­to­mo­bile et l’élec­tro­nique grand public. « On a moins de com­mandes et le chiffre d’af­faires a dimi­nué par rap­port à l’an­née pas­sée », recon­naît la délé­guée CGT. Avant de tem­pé­rer : « Mal­gré tout, on est tou­jours en très bonne posi­tion, avec un béné­fice de plus d’un mil­liard. »

L’É­tat apporte une aide de 2,9 mil­liards d’eu­ros pour le pro­jet d’ex­ten­sion du site ST de Crolles. DR

Le syn­di­cat met en cause la stra­té­gie de ST. « Si elle veut vrai­ment faire des éco­no­mies, l’en­tre­prise n’a qu’à arrê­ter le rachat d’ac­tions. Elle brûle de la tré­so­re­rie », fus­tige Nadia Sal­hi, poin­tant un mon­tant de « plus de 300 mil­lions d’eu­ros par an ». La syn­di­ca­liste sou­ligne éga­le­ment « l’en­jeu de sou­ve­rai­ne­té numé­rique » pour la France et l’Eu­rope, dans la « com­pé­ti­tion féroce » que se livrent STMi­croe­lec­tro­nics et ses rivaux amé­ri­cains ou asia­tiques (de Chine, Taï­wan, Corée du Sud…) dans le sec­teur des semi-conduc­teurs.

Pour elle, « ce n’est pas en se sépa­rant de son per­son­nel » que le groupe fran­co-ita­lien tire­ra son épingle du jeu. Et pas non plus en comp­tant sur l’in­tel­li­gence arti­fi­cielle qui n’a jus­qu’à pré­sent pas la capa­ci­té de nous rem­pla­cer dans ce domaine. Sur ce point, Nadia Sal­hi est for­melle. « Ce n’est pas le moment de réduire le fac­teur humain », conclut-elle.

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