Renouvellement urbain des Villeneuve de Grenoble et d’Échirolles

Par Manuel Pavard

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La Villeneuve de Grenoble fait l’objet, comme celle d’Échirolles, d’un vaste projet de renouvellement urbain. Parmi ses objectifs, redonner de l’attractivité au quartier, notamment en rouvrant des commerces de proximité ayant peu à peu disparu ces dernières années, au grand dam des habitants. Illustration avec le retour d’une boulangerie, place du marché.

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Les unions de quartier avaient convié les habitants à fêter l'inauguration de la Mie de l'Arlequin, sur la place du marché, le 4 janvier 2025, après trois ans sans boulangerie à la Villeneuve.

Le 24 jan­vier, une nou­velle fusillade près du point de deal de l’Arlequin a fait deux bles­sés. Elle s’ajoute à la longue liste des règle­ments de comptes ayant émaillé l’agglomération gre­no­bloise depuis de longs mois. Des faits venant ter­nir encore un peu plus l’image de la Vil­le­neuve, ex-cité modèle et uto­pique sor­tie de terre il y a un demi-siècle. Pour­tant, de nom­breux habi­tants refusent que leur quar­tier soit asso­cié aux vio­lences et au nar­co­tra­fic, pré­fé­rant insis­ter sur les signaux posi­tifs.

C’est le cas des membres des unions de quar­tier Vil­le­neuve 1 et Géants-Bala­dins, qui ont fêté, le 4 jan­vier, le retour d’une bou­lan­ge­rie sur la place du mar­ché, en offrant galettes mai­son et jus de pomme bio aux visi­teurs. L’ouverture, peu avant Noël, de la Mie de l’Arlequin, s’inscrit dans l’ambitieux pro­gramme de renou­vel­le­ment urbain des Vil­le­neuves (de Gre­noble et d’Échirolles) pilo­té par la Métro­pole, avec le sou­tien des deux mai­ries.

« Redy­na­mi­ser les com­merces de proxi­mi­té » figure en effet par­mi les huit axes de déve­lop­pe­ment du pro­jet, pré­cise la Métro­pole, qui a construit et amé­na­gé le local, res­tant pro­prié­taire des murs. Ori­gi­naire du quar­tier, le bou­lan­ger, Éric Vaca­vant, a alors sau­té sur l’occasion. Ceci pour « mon­trer qu’on peut mener à bien un tel pro­jet même dans un quar­tier sen­sible ».

Aujourd’hui, les habi­tants de la Vil­le­neuve peuvent ain­si de nou­veau ache­ter pain frais et vien­noi­se­ries, sept jours sur sept. Une habi­tude qu’ils avaient per­due depuis la fer­me­ture de l’ancienne bou­lan­ge­rie, en décembre 2021. « Vous vous ren­dez compte, un quar­tier de 12 000 habi­tants sans bou­lan­ge­rie pen­dant trois ans », s’exclame Alain Manac’h, pré­sident de l’association Vil­le­neuve debout et mili­tant de l’éducation popu­laire.

Durant ces trois années, « pour trou­ver du pain, il fal­lait aller jusqu’à Vigny ou Mal­herbe, ou alors en super­mar­ché, à Auchan ou à Grand’Place », explique Asma, cliente de la bou­lan­ge­rie. « Dans le quar­tier, il y a pas mal de per­sonnes âgées ou de gens qui ont des pro­blèmes de san­té. Pour eux, c’était vrai­ment com­pli­qué », ajoute l’habitante.

Des commerces créant du lien social

De fait, la popu­la­tion a vu l’ensemble des com­merces mettre la clé sous la porte, les uns après les autres, au fil des ans. La faute au cli­mat de vio­lence lié au tra­fic de stu­pé­fiants, ain­si qu’à la concur­rence des grandes enseignes situées en péri­phé­rie. « Pour­tant, on devrait trou­ver tout ce qu’il faut pour bien vivre au pied de chez soi », estime Alain Manac’h.

Figure emblé­ma­tique de la Vil­le­neuve, celui-ci se sou­vient d’avoir connu « avant une dizaine de com­merces dans le quar­tier. Ils ont tenu à peu près jusqu’en 2001–2002, après ça a com­men­cé à plon­ger. » Une déser­ti­fi­ca­tion com­mer­ciale qui s’est encore accé­lé­rée par la suite. « Sur la place des Géants, c’est infer­nal, il n’y a plus aucun com­merce ! Juste un petit bis­trot qui sert du café », déplore le mili­tant.

Alain Manac’h sou­ligne pour­tant le rôle de ces com­merces de proxi­mi­té, créa­teurs de lien social : « La bou­lan­ge­rie, c’est un lieu de convi­via­li­té. Avant, il y avait une bou­che­rie-épi­ce­rie, de l’autre côté de la place des Géants : c’est un endroit où tout le monde venait. Et quand la bou­che­rie a fer­mé, il y a un an, le phar­ma­cien en face nous disait qu’il avait per­du 20 % de son chiffre d’affaires. » Une phar­ma­cie qui a d’ailleurs bais­sé le rideau à son tour, en août der­nier.

Un ren­ver­se­ment de ten­dance est-il pos­sible ? Les habi­tants espèrent que la réou­ver­ture de la bou­lan­ge­rie impul­se­ra un nou­vel élan. C’est aus­si l’ambition du pro­gramme de renou­vel­le­ment urbain. Sur la place du mar­ché, une épi­ce­rie devrait ain­si voir le jour éga­le­ment, à côté de la bou­lan­ge­rie. Un appel à can­di­da­tures, clos fin octobre, a été lan­cé. « Plu­sieurs pro­po­si­tions ont été reçues, le pro­jet devrait donc se concré­ti­ser très pro­chai­ne­ment », annonce la Métro­pole, qui a finan­cé le local.

Citons en outre l’installation du tiers-lieu La Machi­ne­rie au rez-de-chaus­sée du par­king silo de l’Arlequin, la créa­tion d’un pôle san­té dans le pro­lon­ge­ment de la cli­nique du Mail… Sans oublier, cette fois à la Vil­le­neuve d’Échirolles, l’implantation de plu­sieurs com­merces de proxi­mi­té sur l’avenue des États-Géné­raux.

Reste un écueil : la coha­bi­ta­tion avec les dea­lers voi­sins. « C’est un peu com­pli­qué », avoue un résident ano­ny­me­ment. Éric Vaca­vant, lui, a « beau­coup dis­cu­té avec les habi­tants, notam­ment les jeunes, pour faire connaître et accep­ter [son] pro­jet ». Le bou­lan­ger entend péren­ni­ser la Mie de l’Arlequin, grâce aux quatre sala­riés et appren­tis – tous habi­tants du quar­tier – qu’il a lui-même recru­tés : « Mon objec­tif, c’est de trans­mettre mon savoir aux employés pour qu’ils reprennent la bou­lan­ge­rie quand je par­ti­rai à la retraite. »

Les tra­vaux de réno­va­tion se pour­suivent à Échi­rolles.

Un futur écoquartier populaire

Le projet urbain des Villeneuve de Grenoble et d’Échirolles, évalué à 376 millions d’euros, vise à créer le premier écoquartier populaire.

C’est un inves­tis­se­ment pha­rao­nique, à l’échelle de l’ambition du pro­jet. Au total, ce sont 376 mil­lions d’euros qui sont injec­tés dans le pro­gramme de réno­va­tion des deux Vil­le­neuve. Avec 257 mil­lions d’euros pour les quar­tiers de l’Arlequin, des Géants et du Vil­lage olym­pique à Gre­noble, et 119 mil­lions pour les Essarts et Surieux à Échi­rolles.

Un pro­jet par­te­na­rial, por­té par de nom­breux acteurs publics et pri­vés. Pilo­té par la métro­pole – qui détient la com­pé­tence du renou­vel­le­ment urbain – en lien avec les villes de Gre­noble et d’Échirolles, celui-ci est aus­si sou­te­nu par l’Agence natio­nale pour la réno­va­tion urbaine (Anru), le Feder (fonds euro­péen), la Caisse des dépôts et consi­gna­tions ou encore les bailleurs sociaux.

Un programme en huit axes

Quant aux habi­tants, ceux-ci sont repré­sen­tés via les conseils citoyens « Poli­tique de la ville ». Les­quels sont membres du comi­té de pilo­tage bi-annuel et peuvent à ce titre for­mu­ler des avis ou relayer les ques­tion­ne­ments des habi­tants auprès des ins­ti­tu­tions.

Huit axes majeurs ont été défi­nis : habi­tat — le plus gros poste d’investissement (70%) -, amé­na­ge­ment urbain, équi­pe­ments publics, acti­vi­té éco­no­mique, proxi­mi­té, emploi, édu­ca­tion et inno­va­tion. L’objectif ? Faire des Vil­le­neuve « le pre­mier éco­quar­tier popu­laire », via le label envi­ron­ne­men­tal Éco­Quar­tier.

Pour cela, le pro­jet doit tenir ses enga­ge­ments dans quatre domaines : la dimen­sion par­ti­ci­pa­tive, l’aménagement durable du quar­tier, l’attractivité du ter­ri­toire et l’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique. La deuxième des quatre étapes de la label­li­sa­tion a été vali­dée en 2021.

Lac baignable

Le col­lec­tif du lac, qui milite contre le pro­jet de lac bai­gnable de la Vil­le­neuve por­té par la ville de Gre­noble, a dépo­sé son propre contre-pro­jet, dans le cadre du bud­get par­ti­ci­pa­tif. Les soixante-dix idées pro­po­sées seront pré­sen­tées par leurs pro­mo­teurs lors du forum des idées, le 15 février, à la mai­rie. Une pre­mière sélec­tion sera alors effec­tuée pour rete­nir trente pre­miers pro­jets, qui feront l’objet d’études tech­niques, juri­diques et éco­no­miques, avant le vote final, pré­vu en juin.

376

mil­lions d’eu­ros

sont inves­tis par l’ensemble des acteurs pour trans­for­mer les Vil­le­neuve de Gre­noble et d’Échirolles.

Enquête publique

Le pro­jet de réamé­na­ge­ment du sec­teur Arle­quin, avec le parc Jean-Verl­hac, est entré dans une nou­velle étape début 2025, avec la tenue d’une enquête publique, qui s’est ache­vée le 6 février. Oppo­sé au futur lac bai­gnable (au cœur de ce pro­gramme), le col­lec­tif du lac espé­rait un avis défa­vo­rable condui­sant à stop­per le pro­jet.

2500

loge­ments sociaux

seront réha­bi­li­tés dans le cadre du pro­jet urbain, qui pré­voit par ailleurs la rési­den­tia­li­sa­tion de près de sept cents loge­ments sociaux. Tou­jours dans le parc social, 466 loge­ments doivent être démo­lis. Ce qui sera com­pen­sé par la recons­truc­tion de 466 loge­ments sociaux neufs sur d’autres sec­teurs de la métro­pole.

GrandAlpe

Les Vil­le­neuve de Gre­noble et d’Échirolles font aujourd’hui par­tie de Gran­dAlpe, pro­jet d’aménagement et de réno­va­tion majeur visant à méta­mor­pho­ser un sec­teur de quatre cents hec­tares au sud de l’agglomération, entre Gre­noble, Échi­rolles et Eybens.

Une ren­contre au cours de laquelle on a par­lé des com­por­te­ments qui sauvent… et de l’intervention du matin

À la Villeneuve, habitants et pompiers unis contre les incendies

Devant la hausse des incendies à la Villeneuve, des associations du quartier collaborent avec les pompiers, afin de former et informer la population à la prévention des risques. Une rencontre avec les habitants avait lieu à cet effet en janvier, au Patio.

Réunis au café asso­cia­tif Le Bara­thym, au Patio, le 8 jan­vier, des habi­tants et sur­tout habi­tantes de la Vil­le­neuve écoutent des sapeurs-pom­piers leur pro­di­guer les bons conseils et réflexes en cas d’incendie. Ce café-ren­contre s’inscrit dans le par­te­na­riat enga­gé entre l’association d’habitants du 30–40 et les pom­piers de Saint-Martin‑d’Hères, avec le sou­tien du Sdis, de la ville de Gre­noble, du bailleur social Actis.

Le pro­jet prend sa source en 2006. « Il y avait énor­mé­ment d’incendies à la Vil­le­neuve », se sou­vient Ariane Béran­ger, pré­si­dente de l’association du 30–40. Des sinistres acci­den­tels mais aus­si volon­taires, « le feu étant un peu une arme de guerre, pour brû­ler des voi­tures ou des pou­belles », ajoute-t-elle. Des col­lec­tifs du quar­tier ont alors com­men­cé à tra­vailler avec le lieu­te­nant de sapeurs-pom­piers Fré­dé­ric Bolo­gna, qui a « créé une asso­cia­tion pour sen­si­bi­li­ser et faire de la pré­ven­tion auprès des habi­tants ». Car il était « affo­lé par les mau­vais com­por­te­ments à l’origine de drames ».

L’élément déclen­cheur sur­vien­dra ensuite en 2010, d’abord avec les émeutes de la Vil­le­neuve consé­cu­tives au bra­quage du casi­no d’Uriage, puis la bles­sure d’un pom­pier en inter­ven­tion pour une voi­ture brû­lée. Ce qui a impul­sé la tour­née soli­daire des sapeurs-pom­piers. « Trois asso­cia­tions de l’Arlequin se regroupent pour pro­po­ser aux pom­piers de faire la tour­née des calen­driers avec eux, car ils hési­taient un peu à venir dans le quar­tier », raconte Ariane Béran­ger. « Depuis, c’est deve­nu un rite tous les ans. »

Avec les associations, le rite de la tournée des calendriers

La col­la­bo­ra­tion s’est pour­sui­vie, notam­ment avec la tenue d’ateliers. Avant l’autre « grande avan­cée, l’arrivée du nou­veau chef de la caserne de Saint-Martin‑d’Hères » (com­pé­tente ter­ri­to­ria­le­ment), le com­man­dant Tho­mas Ché­rèque, en juin 2024. Celui-ci a vou­lu, « relan­cer des actions qui s’étaient arrê­tées, en orga­ni­sant des évè­ne­ments annuels pour nous rap­pro­cher des habi­tants », indique-t-il.

Exemple : les pom­piers « forment des habi­tants qui feront relais des mes­sages de pré­ven­tion auprès des rési­dents de leur mon­tée d’immeuble, de la copro­prié­té, ou dans leurs échanges avec les syn­dics », explique Tho­mas Ché­rèque. « L’objectif, c’est de limi­ter l’apparition de sinistres : l’utilisation d’appareils de chauf­fage, de mul­ti­prises, la charge de trot­ti­nette élec­trique… Et aus­si com­ment réagir en cas d’incendie : l’impact du sta­tion­ne­ment anar­chique qui nous rend l’accès dif­fi­cile, refer­mer les portes pour évi­ter la pro­pa­ga­tion des fumées. »

Ce par­te­na­riat vise enfin à com­battre les pré­ju­gés par­fois tenaces que peuvent avoir les pom­piers envers les quar­tiers popu­laires. « Des lieux où les condi­tions d’intervention sont par­fois dif­fi­ciles… Mais où l’immense majo­ri­té des habi­tants nous accueillent bien. »

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