Grenoble ou l’incontournable chemin de fer…
Par Luc Renaud
/
Améliorer la qualité de l’air à Grenoble, réduire les temps de transport dans l’Y grenoblois... ce sont les objectifs de la transformation du SMTC et de l’adoption du plan de déplacement urbain de Grenoble. Il y a encore du pain sur la planche. En commençant par la recherche de financements. Décryptage.
Un nouveau SMTC, version élargie, de Pontcharra à Saint-Geoire-en-Valdaine. C’est ce que signifie la création du Syndicat mixte des mobilités de l’agglomération grenobloise (SMMAG) : la métro plus le Grésivaudan et le Voironnais. Un préalable, peut-être, à des évolutions incontournables dès lors que l’on s’intéresse au réchauffement climatique et que l’on constate la croissance de la population dans cette aire géographique. Mais certainement pas un aboutissement.
Première question posée, celle du financement des investissements, quels que soient les choix effectués. Car le versement transport – un impôt payé par les entreprises de plus de onze salariés pour qu’il soit possible de se déplacer pour aller travailler – constitue la part majoritaire du financement des transports en commun publics. Un taux plafonné par la loi : 2 %, avec une dérogation pour Paris où il est de 2,74 %. Or ce taux est de 1,1 % dans le Grésivaudan et de 0,8 % dans le Pays voironnais. Et la majorité – de droite – du conseil communautaire du Pays voironnais clame à qui veut l’entendre qu’il est hors de question d’augmenter ce taux d’imposition. Une difficulté, dès lors, pour financer les investissements qui se profilent à cours terme.
Car la création du SMMAG intervient dans le contexte de l’adoption d’un plan de déplacement urbain qui trace les grandes lignes de ce que seront les transports dans l’Y grenoblois d’ici à 2030 et donne quelques perspectives pour la suite.
Disons tout de suite que ce document est fragile. Il indique ce qu’il faudrait faire et précise que, sur 2,2 milliards d’euros d’investissements à réaliser d’ici 2030, près de 1,5 sera à la charge de la région, de l’État et de la SNCF – dont 990 millions sur le ferroviaire –, c’est-à-dire hors de la compétence des élus locaux et du SMMAG, aussi large soit-il.
800 millions pour le doublement des voies entre Grenoble et Moirans
Le gros morceau de la mobilité à Grenoble, c’est en effet… le train. Ce train qui permettrait si facilement d’arriver du nord de la cluse de Voreppe, ou de desservir la zone industrielle de plus de dix mille emplois à Crolles. Cela implique de passer de deux à quatre voies entre Moirans (point de jonction des lignes arrivant de Lyon et de Valence) et Grenoble, de façon à pouvoir augmenter le nombre de circulations de trains. Et une bonne partie de l’efficacité de l’ensemble du dispositif repose sur cette réalisation d’un coût estimé par SNCF réseau à 800 millions d’euros.
Mais les investissements prévus par le SMMAG et la métro n’en sont pas moins importants : 622 millions d’euros millions d’euros, en partie subventionnés par l’État et la région. Avec des réalisations avant 2023 (par ailleurs date prévue de la mise en service de l’échangeur du Rondeau), notamment le téléphérique Fontaine, Presqu’île, Saint-Martin-de-Vinoux, la desserte en bus rapide de la zone industrielle Meylan Montbonnot et le maillage des lignes de trams à Grenoble : un direct de Saint-Martin‑d’Hères à Fontaine, par exemple.
Des investissement qui pourraient monter en puissance entre 2023 et 2030 (327 des 622 millions d’euros). Ce sera par exemple la mise en service du tram-train de Vizille ou la prolongation de la ligne E jusqu’au Pont-de-Claix. C’est l’un ou l’autre, prévoit pour l’heure le PDU, avec un coût de l’ordre de 145 millions d’euros, pour l’un ou l’autre des deux projets. On notera aussi que document adopté le 7 novembre renvoie à après 2030 la prolongation du tram D à Grand place, la réalisation de celui des deux projets au Sud qui n’aura pas été fait, et celle d’autres liaisons câblées vers le Vercors ou Chamrousse.
Reste naturellement la question de la gratuité. Le SMTC a commandé une étude dont les conclusions viennent opportunément à l’appui des réticences déjà exprimées par son président, Yann Mongaburu. Elles n’en sont pas pour autant dépourvues d’intérêt. On apprend ainsi, sur la base d’hypothèses parfois difficiles à étayer, que le nombre de déplacements passant de la voiture aux transports en commun serait de 8,6 millions par an. Et que la difficulté consisterait à augmenter l’offre de transport aux heures de pointe où elle est déjà saturée aujourd’hui. Tout cela coûterait 61 millions d’euros chaque année qu’il faudrait financer par une hausse du versement transport dans le Grésivaudan et le voironnais où c’est encore possible et par les budgets des intercommunalités, ce qui suppose des arbitrages. Question de choix politiques, en somme.
Le SMMAG en voie de succession au SMTC
Le Syndicat mixte des transports en commun devrait se transformer, le 9 janvier, en un Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise.
Côté technique, cette fusion paraît simplifier les choses. Fondé par la Métro et les communautés de communes du Grésivaudan et du Voironnais, le SMMAG sera chargé de coordonner les transports publics, voire d’en organiser certains directement. Il devra également développer une tarification permettant la délivrance de titres de transports uniques ou unifiés. Ce qui pourrait être une carte unique permettant de se déplacer partout même si les tarifs sont différents.
Côté politique, c’est la déconnexion avec les assemblées délibérantes qui est organisée. Bien sûr, les administrateurs seront issus des conseils élus : dans l’immédiat, seize pour la métro, quatre pour le Grésivaudan, quatre pour le Pays voironnais. Le conseil départemental – ses financements avec – a décidé de quitter le SMTC et donc le SMMAG à venir. Les statuts lui prévoient toujours quatre représentants ainsi que, dans la perspective de leur intégration, douze pour la région et huit pour les autres communautés de communes du territoire.
Une majorité politique à gauche dans l’agglomération grenobloise ne serait ainsi pas nécessairement majoritaire dans un « SMMAG élargi » à l’ensemble des collectivités pressenties. Un obstacle potentiel à la mise en œuvre de la gratuité, par exemple.
Louis Zaranski
11
C’est le nombre de territoires concernés à terme par le projet : Bièvre Isère, Bièvre Est, Pays Voironnais, Cœur de Chartreuse, Grésivaudan, Grenoble-Alpes-Métropole, Oisans, Matheysine, Trièves, Massif du Vercors et Saint-Marcellin Vercors Isère. Ce qui représente une population de 822 895 habitants. A ces onze intercommunalités pourraient se joindre le département et la région.
Compétence ferroviaire, la région face à ses responsabilités
La gouvernance unique des mobilités permettra de mutualiser les ressources financières et donc de réaliser des investissements d’ampleur. La création d’un RER grenoblois est donc remise sur les rails, car le transport collectif ferroviaire – une compétence régionale – pourrait être intégré au SMMAG, à l’issue d’une éventuelle adhésion de la région à ce syndicat. Alternative réelle à la voiture, le rail est le mode de déplacement collectif le plus propre sur le plan environnemental. Pour autant, aucun calendrier n’est encore avancé : ce doit être l’occasion d’une grande bataille politique pour un projet ambitieux, avec l’ouverture de dizaines de gares sur le territoire ! Parce que nous ne pouvons pas faire confiance à ceux qui cassent la SNCF pour mener ce projet, l’enjeu est maintenant de prendre le pouvoir local…
Demande de transport
Parler transport, c’est poser un projet de territoire : lien entre zones urbaines et rurales, lien entre logement, emploi et commerces… Penser les réseaux de transports avec la même intensité que les réseaux d’eau et d’électricité dans les projets d’urbanisme et d’aménagement peut changer la vie de centaines de milliers de salariés.
Offre de transport
L’essentiel de l’offre de transport en commun est concentré sur moins de 10 % du territoire. Si un développement de l’offre est inéluctable, l’enjeu sera celui du développement du service public. Aux côtés de nécessaires encouragements aux modifications de comportements (covoiturage, vélo, autopartage…) dont les effets ne pourront se hausser à la hauteur du problème à résoudre, c’est de la capacité du SMMAG à mettre en œuvre des dessertes ferroviaires cadencées dans l’Y grenoblois dont il s’agit. Entre autres nécessités.
La création du SMMAG à trois laisse entière la question du chemin de fer
L’avenir de toutes les mobilités grenobloises passe par le développement du ferroviaire. Et son financement. Affrontements politiques en perspective.
« Le saut qualitatif pour les décennies çà venir, c’est l’utilisation des possibilités du rail. » Patrick Durand, élu communiste à la métro de Grenoble, part d’un constat. La concentration des emplois induit un nombre de déplacements croissant – « construire du logement à proximité de l’emploi, c’est un impératif ». La réponse aux besoins passe par le train. « N’opposons pas les modes de transport ; il faut développer le vélo, évidemment ; la desserte de proximité par les bus, l’augmentation des capacités des bus ou des trams, la fréquence des passages aux heures de pointe, l’extension des réseaux de bus et de trams… », souligne Patrick Durand qui insiste : « Chronovélo, nous sommes bien sûr pour en général dans la métropole ».
Reste une réalité. « Si tout cela ne va pas de pair avec davantage de trains, avec la construction ou l’aménagement de gares multimodales (parkings voitures, trains, bus et ou trams), nous échouerons à répondre aux besoins de mobilité et aux nécessités de la lutte contre la pollution. »
Constat qui ne nous éloigne pas du SMMAG et de ses statuts. Le conseil départemental a décidé le 19 décembre de ne pas y adhérer. Ce qui va mettre en cause le financement des transports publics autour de Grenoble mais aussi compliquer la coordination entre les réseaux départementaux et ceux de l’Y grenoblois.
Question de santé publique et d’efficience des transports
Le conseil régional n’est pas, lui non plus, partie prenante du SMMAG. Or le conseil régional est responsable du chemin de fer et des transports départementaux – que la région a sous-traité au département de l’Isère. C’est dire que le SMMAG et ses trois composantes n’ont pas de pouvoir de décision sur les trains, les gares et les voies. « Ce sera une bataille politique, souligne Patrick Durand, il faut investir dans les trains pour des raisons climatiques et d’efficacité de l’ensemble des transports, ferrés ou non, et il faut le faire vite. »
Patrick Durand soulève une deuxième question, celle du financement. « Les entreprises sont les premières bénéficiaires de l’existence de transports en commun, il est normal qu’elles les financent par l’impôt qu’est le versement transport ; la création du SMMAG pose la question de l’équité de l’impôt. » Pas très logique que les entreprises du Grésivaudan ou du Voironnais paient moins qu’à Grenoble tout en bénéficiant du même réseau unifié par le SMMAG. « Là aussi, une bataille politique qui va nous opposer à la droite », remarque Patrick Durand.
D’autant que l’avenir, c’est aussi la gratuité des transports publics. « Nous militons depuis longtemps pour cette évolution moderne qui permettra de lutter contre la pollution et de rendre la ville accessible à tous. »