Pourquoi et comment faire de la politique aujourd’hui
Par Luc Renaud
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Formation, perspectives, accompagnement, échanges sur les pratiques, lien avec la fédération et les autres sections… Les communistes de Saint-Marcellin attendent beaucoup de la conférence fédérale. Entretien avec Christophe Ghersinu, 48 ans, commerçant et militant du PCF nouvellement élu conseiller municipal de Saint-Marcellin.
C’était en juillet 2019. Les communistes de Saint-Marcellin décidaient de se lancer dans la bataille de l’élection municipale. Pas évident : ce n’était pas arrivé depuis des années. Il a fallu inventer. « Nous voulions constituer une liste de gauche, ouverte sur la réalité sociologique de la commune, rassemblant des candidats d’opinions diverses », explique Christophe Ghersinu, l’un des responsables de la section locale. Pas simple non plus, sachant que le PCF est la seule force politique de gauche organisée en tant que telle dans la commune.
Quelques mois plus tard, une liste de trente-et-un candidats était déposée en préfecture. Ce qui avait supposé de nombreux échanges sur un programme de valeurs partagées. Les communistes en ont été à l’initiative tout en se refusant à toute hégémonie, en limitant leur présence à cinq candidats. « Nous avons eu des débats approfondis, notamment sur la question de la place de l’écologie et de la solidarité sociale, nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord avec tous ceux qui ont participé aux premières discussions, mais il nous semblait important que cette liste soit ancrée à gauche sans ambiguïté. » La campagne a été conduite sur la base de propositions locales et ce renouveau a été salué par les Saint-Marcellinois. « Nous avons réussi à toucher tous les milieux de la ville », note Christophe Ghersinu. Résultat, 11,5 % pour cette liste de gauche au premier tour et l’élection de Christophe Ghersinu au conseil municipal. Une liste se réclamant de l’écologie dispose également d’un élu d’opposition.
Que faire avec cet engagement militant d’une année, comment garder le contact avec tous ceux qui se sont impliqués dans ce projet ? Quand les choses bougent, de nouvelles questions se posent.
Une belle occasion pour faire fructifier les rencontres du printemps
Christophe Ghersinu attend beaucoup de son parti et des débats organisés dans la conférence fédérale pour aider les communistes saint-marcellinois à être plus efficaces. Attente qui flirte avec une exigence affirmée. « Nous ne sommes pas dans la banlieue de Grenoble, dit-il, quand on travaille, il est impossible de participer à une réunion à 18 heures à la fédération. » Quarante minutes de voiture à l’aller puis au retour, l’essence… Christophe Ghersinu a parfois le sentiment que les communistes qui militent à l’extérieur de l’agglomération grenobloise sont quelque peu délaissés.
D’informations, de débats, de confrontations d’idées, ils en ressentent pourtant la nécessité. Ils sont ainsi venus à trois, pour participer à l’assemblée départementale du 27 août à Saint-Martin‑d’Hères.
C’est avec cette volonté de ne pas laisser retomber l’acquis de l’engagement militant du printemps qu’ils vont participer aux travaux de la conférence fédérale. « Pour moi, ce moment de débats internes est aussi un outil de formation, note Christophe, nous avons besoin de nous confronter à d’autres expériences et aussi de faire savoir qu’il nous faut des liens plus étroits et plus réguliers avec l’organisation communiste du département. On a besoin d’aide et d’outils. On a besoin de personnes qui ont de l’expérience et qui peuvent apporter des réponses à nos questions, au-delà des contacts téléphoniques. » Et il insiste : « si nous avions pu avoir un peu d’aide pendant les municipales, nous aurions peut-être été plus efficaces. » « Bon, sourit Christophe, c’est vrai que quand ça avance on en demande toujours plus ».
Pour autant, les communistes de Saint-Marcellin n’attendent pas tout « d’en haut ». La rencontre départementale que constitue une conférence fédérale sera précédée de conférences de section, dans les localités. Là encore, un défi à relever. « On a tellement l’habitude de recevoir les éléments à l’avance qu’on a oublié comment être autonome », souligne Christophe avec un brin d’auto-dérision. Mais les communistes de Saint-Marcellin savent ce qu’ils veulent.
Ce moment de débats ne portera pas sur un texte, comme c’est le cas d’un congrès. Une belle occasion qui sera saisie à Saint-Marcellin pour inviter les sympathisants qui se sont investis pendant les municipales, faire un bilan des rencontres qui ont eu lieu au printemps, organiser la régularité de l’activité militante, réfléchir aux actions à entreprendre, associer tous les colistiers à l’activité municipale, voir comment tirer parti de l’élection d’un communiste, discuter des élections départementales à venir…
Un programme consistant qui donnera à la conférence de section de Saint-Marcellin un caractère exceptionnel et débouchera sur des propositions d’action et d’organisation qui nourriront les débats de la conférence fédérale des 21 et 22 novembre.
Louis Zaranski
Et pourquoi pas des cellules de quartier ?
À Échirolles, les premiers échanges sur la prochaine conférence fédérale débutaient juste, en septembre. Premières pistes de réflexion.
Ils ont entre 25 et 35 ans. Leur point commun ? Échirolles. Le PCF, aussi. Et c’est à peu près tout. Leurs parcours sont différents. Anastasya est étudiante, elle a rejoint le parti pendant la campagne électorale de 2017. Paul a pris sa carte à la fête du TA, l’an dernier. Il est élève infirmier, membre du bureau des élèves et pompier volontaire.
Leurs liens, ils les ont forgés sur le terrain. Pendant la dernière élection municipale, par exemple. Et ils font de la politique. Pas comme à la télé ; dans le contact au quotidien. Et c’est de cela dont ils ont envie de parler lors de la prochaine conférence fédérale. Car ce n’est pas si simple et mérite bien quelques débats.
« Les communistes, c’est clivant », note Anastasya. Clément évoque la dépolitisation. Max souligne l’individualisme. Et tempère : « notre premier ennemi, c’est notre défaitisme », dit-il en se réjouissant de ne pouvoir dire « c’était mieux avant », il n’a pas connu.
La politique ? Des choix, entre des possibilités différentes
Ils partagent une conviction : les choses se jouent dans le contact, en partant des préoccupations du quotidien. « Un chemin est défoncé dans mon quartier, les gens râlent, il se trouve que ce chemin est privé : l’occasion de montrer qu’un bien public, c’est pas mal, de déboucher sur le service public, la sécurité sociale et les assurances privées. » Débattre de ce qu’est la politique, aussi. « J’étais étudiante dans le Val-de-Marne, nous avions une réduction sur les transports, raconte Asma, expliquer que c’est une décision politique, prise par des élus communistes, ça montre que des choix existent, que ces choix, c’est ça la politique. »
D’où un souhait, celui de mettre en débat la décentralisation de l’activité de la section en créant plusieurs cellules. « Le fonctionnement en AG à une quarantaine, c’est lourd, alors que les horaires, les métiers… nous sommes dispersés, constate Aurélien, ce fonctionnement nous empêche d’associer à des responsabilités, de donner des choses à faire à des militants qui ne demandent que ça, d’aller au bout des actions engagées comme ce que nous avions commencé à faire contre la fermeture de la trésorerie… se retrouver à une dizaine en réunion de cellule, je pense que ça peut permettre de démultiplier notre rayonnement. »
Opinion partagée : on n’adhère pas au parti pour regarder passer les trains.
Quand un « nouveau » débarque
« Je me méfie du parti ‘‘bande de copains’’ ». Heureux de militer ensemble, ils le sont. Lucides aussi. Aurélien explique. « Quand on se retrouve toujours entre soi, parfois depuis des années voire des décennies, qu’on se comprend sur un regard et qu’on échange des blagues compréhensibles par dix personnes, alors le ‘‘nouveau’’ vient une fois et sent bien qu’il n’est pas chez lui : il a toutes les raisons de ne pas revenir. » L’ouverture aux autres commence par le respect : donner la parole à celui qui débarque… et qui a des choses à dire forcément différentes. Une richesse. Qui se découvre très vite dans le concret : l’action, c’est encore ce qu’il y a de mieux pour avancer ensemble. Alors, les copains ? A Échirolles, ailleurs aussi sans doute, le débat sur les qualités respectives des bars de la commune est ouvert.
« Réfléchir à un PCF plus efficace et plus utile à nos concitoyens »
Point d’étape avant les échéances électorales et le congrès national de l’an prochain, les communistes isérois vont plancher sur leur lien avec la société et leur fonctionnement.
Davantage d’efficacité, de lien entre la fédération et les communistes du département. « C’est sans doute cela que j’attends des débats préparatoires et de la conférence fédérale des 21 et 22 novembre. » Membre de l’exécutif départemental (la direction iséroise du PCF), Annie David place une idée au centre des débats : « comment l’activité des communistes peut-elle être plus encore utile à nos concitoyens ».
En l’espèce, les communistes ne partent pas de rien. Un bilan d’activité sera disponible pour faire le tour de ce qui a été fait ces dernières années. Les communistes se sont impliqués dans la défense des services publics, dans les batailles du mouvement social – sur les retraites, par exemple – ou encore pour faire vivre la solidarité – des fruits et légumes du producteur au consommateur, sans les marges… Pour autant, des questions restent posées : « comment redevenir le parti des classes populaires qui ont délaissé l’espoir après la grande désillusion du quinquennat Hollande à la suite d’une succession de renoncements, comment mieux faire de la politique à l’entreprise, comment construire un parti communiste d’aujourd’hui, à l’heure où le capitalisme détruit les hommes en même temps que la planète ? »
Aide plus concrète de la fédération aux sections, implication accrue des sections dans la vie fédérale
La réponse à ces questions passe aussi par le fonctionnement interne du PCF. « Le monde du travail ne fait pas de cadeaux ; militer, c’est sur son temps personnel et il est sans doute nécessaire que les communistes puissent davantage s’épanouir dans le militantisme et la prise de responsabilité. » « Les relations entre la fédération et les sections peuvent s’enrichir sur la base du ‘‘gagnant-gagnant’’ avec une valorisation des initiatives prises localement, une aide plus concrète de la fédération à leur activité et une implication accrue des sections dans la vie fédérale ».
Cette conférence fédérale – sa tenue a été décidée le 16 juin dernier par le comité départemental – sera aussi l’occasion d’un renouvellement des directions, dans les sections comme au niveau départemental. « Une activité plus en phase avec la société, ce sont aussi des responsables plus jeunes, liés au monde du travail, avec toujours l’attention portée à la place des femmes », souligne Annie David.
Toujours en termes d’efficacité, la conférence fédérale portera également sur la communication, la circulation de l’information interne comme l’adresse aux citoyens. « La presse communiste, l’Humanité et le Travailleur alpin sont des outils dont nous pouvons mieux nous servir pour rencontrer les salariés et les populations de nos villes et villages et débattre de leur situation comme de nos propositions. »