Arkema Jarrie. Les salariés ne reconduisent pas la grève mais restent mobilisés

Par Manuel Pavard

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Banderole à l'entrée de la plateforme chimique de Jarrie montrant l'importance du sel pour la pérennité d'Arkema.
Réunis en assemblée générale ce lundi 9 décembre, les salariés d'Arkema Jarrie ont voté la reprise du travail, mettant ainsi fin provisoirement à la grève débutée jeudi 5 décembre. Ils maintiennent toutefois un piquet de grève à l'entrée de la plateforme chimique et prévoient des AG tous les trois jours, sans exclure de relancer le mouvement. Le personnel reste en effet très inquiet de l'arrêt de la partie sud du site, conséquence des difficultés de Vencorex.

Pause ? Repli tac­tique ? S’il existe dif­fé­rentes façons d’a­na­ly­ser le vote des sala­riés d’Ar­ke­ma, ce lun­di 9 décembre, en assem­blée géné­rale, une chose est sûre : dans leur esprit, la reprise du tra­vail comme la relance d’une par­tie des acti­vi­tés n’é­qui­valent nul­le­ment à un arrêt de la mobi­li­sa­tion. En grève depuis jeu­di 5 décembre, les 200 sala­riés réunis devant la pla­te­forme chi­mique de Jar­rie n’ont fina­le­ment « pas recon­duit » le mou­ve­ment, indique Quen­tin Morant, repré­sen­tant CFDT, qui s’ex­prime au nom de l’in­ter­syn­di­cale (CGT, CFDT, CFE-CGC).

Mal­gré la reprise du tra­vail, les sala­riés main­tiennent un piquet de grève devant Arke­ma Jar­rie.

Sous les yeux d’une délé­ga­tion de Ven­co­rex, ceux-ci se sont néan­moins pro­non­cés pour le main­tien du piquet de grève à l’en­trée du site. Mais pour le reste, « on a annon­cé le redé­mar­rage du chlo­rate, de l’eau oxy­gé­née. Et pour le Sud , on a encore beau­coup d’in­ter­ro­ga­tions », pré­cise le syn­di­ca­liste. Le flou per­siste ain­si sur cette par­tie sud de l’u­sine, que la direc­tion a déci­dé de mettre à l’ar­rêt, mer­cre­di 4 décembre. Une mesure qui avait immé­dia­te­ment mis le feu aux poudres.

Ne pas « rentrer dans une guerre Sud-Nord » et dans « le jeu de la direction »

De fait, lors de la réunion d’in­for­ma­tion tenue ce lun­di matin, les diri­geants d’Ar­ke­ma « n’ont à aucun moment repar­lé du Sud », affirme Quen­tin Morant. Et ce, mal­gré les sol­li­ci­ta­tions en ce sens de l’in­ter­syn­di­cale. « Ils nous ont réex­pli­qué les pro­jets qu’ils avaient pour le Nord et ils ont appor­té des pré­ci­sions sur le bud­get, sur les tra­vaux qu’ils vou­laient mettre en place à moyen ou long terme », ajoute-t-il.

L’ab­sence de réponse de la direc­tion confirme, selon les syn­di­cats, la fer­me­ture du Sud annon­cée la semaine pré­cé­dente. Une déci­sion liée essen­tiel­le­ment à l’ar­rêt de l’élec­tro­lyse, dû à la rup­ture de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment en sel par Ven­co­rex, qui four­nis­sait, depuis la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix, le site voi­sin de Jar­rie depuis 1968. Le fameux « effet domi­no » que la CGT anti­ci­pait et crai­gnait déjà au prin­temps der­nier, dans toute l’in­dus­trie chi­mique de la région gre­no­bloise.

Les sala­riés avaient voté la grève en assem­blée géné­rale, jeu­di 5 décembre, mais crai­gnaient de faire cette fois le jeu de la direc­tion.

« On s’en­terre de plus en plus, ça nous fait peur », avoue Quen­tin Morant. « On ne veut pas ren­trer dans une guerre Sud-Nord, donc on décide de redé­mar­rer pour l’ins­tant », explique-t-il, livrant ain­si la prin­ci­pale rai­son du vote de l’as­sem­blée géné­rale. Pour l’in­ter­syn­di­cale, il s’a­gis­sait en effet de « ne pas aller dans le jeu de la direc­tion », qui espé­rait cer­tai­ne­ment « divi­ser » les sala­riés. Le repré­sen­tant syn­di­cal décrypte l’é­qua­tion : « Le Sud ferme, on arrête tout, poten­tiel­le­ment une fer­me­ture du site en entier. »

Un scé­na­rio catas­trophe que redoutent clai­re­ment les sala­riés d’Ar­ke­ma. Quen­tin Morant l’ad­met d’ailleurs, « l’é­pée de Damo­clès plane » au-des­sus du per­son­nel. « Mais on se dit qu’il faut peut-être quand même lais­ser une chance au Nord. Les pro­jets du Nord sont fiables », sou­ligne-t-il, déplo­rant que « la direc­tion ne tra­vaille que là-des­sus », sans s’en cacher le moins du monde.

Le mili­tant CFDT comme l’en­semble de ses cama­rades du Sud n’ont « jamais été aus­si inquiets », assure-t-il. Sou­cieux de pro­po­ser une alter­na­tive à ce funeste pro­nos­tic, les élus syn­di­caux tra­vaillent sur des pro­jets pour cette par­tie de l’u­sine. Des pistes qu’ils pré­fèrent ne pas dévoi­ler à ce stade.

« Comme si c’était une aubaine » pour la direction d’Arkema

Pro­blème : les sala­riés ont l’im­pres­sion que pour Arke­ma France, les dés sont jetés. Ce qui fait d’eux les din­dons de la farce. Car l’in­ter­syn­di­cale a sou­mis à plu­sieurs reprises une hypo­thèse à la direc­tion : « Au cas où Ven­co­rex devait rou­vrir avec, dans le meilleur des mondes, cinq ou dix ans de pro­duc­tion de sel, est-ce qu’on rou­vri­rait le Sud ? » Réponse : « Le Sud ne tour­ne­ra pas, même si Ven­co­rex rouvre. »

Sur la pla­te­forme de Jar­rie comme de Pont-de-Claix, les emplois et l’in­dus­trie de la chi­mie partent en fumée.

Des pro­pos sans équi­voque, que la direc­tion a répé­tés à chaque fois. « Comme si la situa­tion de Ven­co­rex était une aubaine pour eux », s’in­digne Quen­tin Morant, qui accuse Arke­ma de se concen­trer exclu­si­ve­ment sur les pro­jets du Nord. Un PSE est-il en pré­pa­ra­tion par ailleurs ? « Il y a quelques bruits de cou­loir mais rien d’of­fi­ciel, donc on reste dans l’in­quié­tude », confie-t-il.

Quid de la suite main­te­nant ? « On ne lâche­ra rien pour le Sud », pro­met le mili­tant syn­di­cal. Les sala­riés main­tiennent ain­si le piquet de grève devant la pla­te­forme de Jar­rie, où ils pré­voient des assem­blées géné­rales tous les trois jours — soit ce jeu­di 12 décembre pour la pro­chaine. Mais d’i­ci là, de l’eau aura cou­lé sous les ponts. L’in­ter­syn­di­cale a en effet pré­ve­nu à l’AG, rap­porte Quen­tin Morant : « Ce qui se dit aujourd’­hui, ce n’est pas for­cé­ment ce qu’on dira demain. On aura peut-être un retour­ne­ment de situa­tion, s’il y a d’autres annonces. C’est au jour le jour… Depuis deux mois ! »

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