Arkema Jarrie. La direction ferme des ateliers et les salariés se mettent en grève
Par Luc Renaud
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Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. Dès le printemps, la CGT avait alerté : la fermeture de Vencorex entraînerait dans sa chute les deux plateforme chimique du Sud grenoblois. On en a eu la confirmation hier : la direction d’Arkema « envisage une évolution de ses activités », selon les termes d’un communiqué de presse publié le 4 décembre.
Ce qui veut dire ? « Ils nous ont clairement annoncé que le Sud ne redémarrerait pas », nous précise Stéphane Vigne, secrétaire du CSE, élu CGT. Le Sud de l’usine de Jarrie, où l’électrolyse est à l’arrêt du fait de la rupture d’approvisionnement en sel par Vencorex qui le fournissait depuis la plateforme du Pont-de-Claix depuis 1968. Arrêt de l’électrolyse qui signifie arrêt de la fabrication d’hydrogène, utilisé dans d’autres ateliers d’Arkema. Qui entraîne la réduction des capacités de production de chlore, produit lui aussi indispensable à d’autres activités du site d’Arkema. Mais aussi nécessaire à Framatome, une autre usine de la plateforme qui travaille, elle, pour les centrales nucléaires. Bref, une déflagration en chaîne, « un effet domino », commente Stéphane Vigne. Conforme à ce que la CGT avait annoncé comme le scénario du pire dès le printemps dernier.
Ariane ne pourrait décoller qu’avec des carburants chinois ou américains
D’autant que la menace plane sur la totalité du site d’Arkema. Une délégation de dirigeants d’Arkema France s’est rendue à Jarrie le 4 décembre. « Ils nous ont dit qu’ils tenterait de sauver le Nord », indique Stéphane Vigne. Entendre le Nord de l’usine et comprendre que « si nous ne les laissons pas faire sur le Sud, c’est la totalité du site qui pourrait fermer ; on appelle ça du chantage », s’insurge Stéphane Vigne.
Ce qui aurait des conséquences… européennes. Arkema Jarrie, c’est le site de production d’eau oxygénée le plus important en Europe. Mais c’est aussi la seule unité, en Europe toujours, de fabrication de perchlorate. Un produit dont la fusée Ariane ne peut se passer pour décoller. Et dont la disparition clouerait au sol nombre de missiles des armées européennes. « Il faudrait aller acheter en Chine ou aux Etats-Unis de quoi fabriquer des carburants pour faire voler nos lanceurs spatiaux ou nos missiles, commente Stéphane Vigne, du suicide ». Ce n’est pas de la science-fiction : « Framatome a déjà passé des contrats en Chine pour assurer sa production ». L’électricité d’origine nucléaire française soumise à des approvisionnements chinois, et à des prix fixés par la Chine. On fait mieux en terme de souveraineté et d’indépendance européenne.
Les salariés d’Arkema se sont réunis en assemblée générale le 5 décembre, à l’appel de la CGT, de la CFDT et de la CFE-CGC. Ils ont voté la grève, au moins jusqu’à lundi. Une nouvelle assemblée générale se réunira alors pour décider des suites du mouvement.
Les salariés prendront notamment connaissance des résultats d’une table ronde réunie dans la journée du 5 décembre par la préfecture de l’Isère. Sous l’égide d’un ministre de l’Industrie qui n’est plus vraiment ministre…
L’enjeu stratégique appelle la nationalisation
Reste l’impératif de trouver une solution pour éviter les disparitions de Vencorex au Pont-de-Claix et, à plus ou moins brève échéance, d’Arkema tout ou partie et d’autres unités de production dans les deux plateformes du Pont-de-Claix et de Jarrie. Venu soutenir les salariés sur le piquet de grève de Vencorex, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, avait proposé la nationalisation, au moins temporaire, de l’entreprise placée en redressement judiciaire — période dont le tribunal de commerce a fixé le terme au 6 mars prochain. C’est désormais l’avenir de la totalité de la chimie dans la région grenobloise qui se joue, avec des conséquences dans toute l’Europe.
La CGT a chiffré à 5000 le nombre d’emplois directs ou indirect qui se jouera dans les prochaines mois.