Arkema Jarrie. La direction ferme des ateliers et les salariés se mettent en grève

Par Luc Renaud

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Réunis en assemblée générale le 5 décembre, les salariés d'Arkema-Jarrie ont voté la grève.
La direction d'Arkema a décidé de mettre à l'arrêt une partie de son site de Jarrie. En cause, l'arrêt de la fourniture de sel par Vencorex, usine du Pont-de-Claix en redressement judiciaire. A plus ou moins court terme, c'est l'ensemble du site Arkema-Jarrie qui est sur la sellette. Et, par ricochet, toute la chimie de la région grenobloise. Une table ronde s'est réunie ce 5 décembre, assoiant services de l’État et élus locaux. La grève a été votée et une nouvelle assemblée générale aura lieu le lundi 9 décembre pour décider des suites du mouvement.

Per­sonne ne pour­ra dire qu’il ne savait pas. Dès le prin­temps, la CGT avait aler­té : la fer­me­ture de Ven­co­rex entraî­ne­rait dans sa chute les deux pla­te­forme chi­mique du Sud gre­no­blois. On en a eu la confir­ma­tion hier : la direc­tion d’Ar­ke­ma « envi­sage une évo­lu­tion de ses acti­vi­tés », selon les termes d’un com­mu­ni­qué de presse publié le 4 décembre.

Sté­phane Vigne, secré­taire du CSE, élu CGT.

Ce qui veut dire ? « Ils nous ont clai­re­ment annon­cé que le Sud ne redé­mar­re­rait pas », nous pré­cise Sté­phane Vigne, secré­taire du CSE, élu CGT. Le Sud de l’u­sine de Jar­rie, où l’élec­tro­lyse est à l’ar­rêt du fait de la rup­ture d’ap­pro­vi­sion­ne­ment en sel par Ven­co­rex qui le four­nis­sait depuis la pla­te­forme du Pont-de-Claix depuis 1968. Arrêt de l’élec­tro­lyse qui signi­fie arrêt de la fabri­ca­tion d’hy­dro­gène, uti­li­sé dans d’autres ate­liers d’Ar­ke­ma. Qui entraîne la réduc­tion des capa­ci­tés de pro­duc­tion de chlore, pro­duit lui aus­si indis­pen­sable à d’autres acti­vi­tés du site d’Ar­ke­ma. Mais aus­si néces­saire à Fra­ma­tome, une autre usine de la pla­te­forme qui tra­vaille, elle, pour les cen­trales nucléaires. Bref, une défla­gra­tion en chaîne, « un effet domi­no », com­mente Sté­phane Vigne. Conforme à ce que la CGT avait annon­cé comme le scé­na­rio du pire dès le prin­temps der­nier.

Ariane ne pourrait décoller qu’avec des carburants chinois ou américains

D’au­tant que la menace plane sur la tota­li­té du site d’Ar­ke­ma. Une délé­ga­tion de diri­geants d’Ar­ke­ma France s’est ren­due à Jar­rie le 4 décembre. « Ils nous ont dit qu’ils ten­te­rait de sau­ver le Nord », indique Sté­phane Vigne. Entendre le Nord de l’u­sine et com­prendre que « si nous ne les lais­sons pas faire sur le Sud, c’est la tota­li­té du site qui pour­rait fer­mer ; on appelle ça du chan­tage », s’in­surge Sté­phane Vigne.

L’as­sem­blée géné­rale réunie au por­tail de l’u­sine.

Ce qui aurait des consé­quences… euro­péennes. Arke­ma Jar­rie, c’est le site de pro­duc­tion d’eau oxy­gé­née le plus impor­tant en Europe. Mais c’est aus­si la seule uni­té, en Europe tou­jours, de fabri­ca­tion de per­chlo­rate. Un pro­duit dont la fusée Ariane ne peut se pas­ser pour décol­ler. Et dont la dis­pa­ri­tion cloue­rait au sol nombre de mis­siles des armées euro­péennes. « Il fau­drait aller ache­ter en Chine ou aux Etats-Unis de quoi fabri­quer des car­bu­rants pour faire voler nos lan­ceurs spa­tiaux ou nos mis­siles, com­mente Sté­phane Vigne, du sui­cide ». Ce n’est pas de la science-fic­tion : « Fra­ma­tome a déjà pas­sé des contrats en Chine pour assu­rer sa pro­duc­tion ». L’élec­tri­ci­té d’o­ri­gine nucléaire fran­çaise sou­mise à des appro­vi­sion­ne­ments chi­nois, et à des prix fixés par la Chine. On fait mieux en terme de sou­ve­rai­ne­té et d’in­dé­pen­dance euro­péenne.

Les sala­riés d’Ar­ke­ma se sont réunis en assem­blée géné­rale le 5 décembre, à l’ap­pel de la CGT, de la CFDT et de la CFE-CGC. Ils ont voté la grève, au moins jus­qu’à lun­di. Une nou­velle assem­blée géné­rale se réuni­ra alors pour déci­der des suites du mou­ve­ment.

Les sala­riés pren­dront notam­ment connais­sance des résul­tats d’une table ronde réunie dans la jour­née du 5 décembre par la pré­fec­ture de l’I­sère. Sous l’é­gide d’un ministre de l’In­dus­trie qui n’est plus vrai­ment ministre…

L’enjeu stratégique appelle la nationalisation

Reste l’im­pé­ra­tif de trou­ver une solu­tion pour évi­ter les dis­pa­ri­tions de Ven­co­rex au Pont-de-Claix et, à plus ou moins brève échéance, d’Ar­ke­ma tout ou par­tie et d’autres uni­tés de pro­duc­tion dans les deux pla­te­formes du Pont-de-Claix et de Jar­rie. Venu sou­te­nir les sala­riés sur le piquet de grève de Ven­co­rex, Fabien Rous­sel, secré­taire natio­nal du PCF, avait pro­po­sé la natio­na­li­sa­tion, au moins tem­po­raire, de l’en­tre­prise pla­cée en redres­se­ment judi­ciaire — période dont le tri­bu­nal de com­merce a fixé le terme au 6 mars pro­chain. C’est désor­mais l’a­ve­nir de la tota­li­té de la chi­mie dans la région gre­no­bloise qui se joue, avec des consé­quences dans toute l’Eu­rope.

La CGT a chif­fré à 5000 le nombre d’emplois directs ou indi­rect qui se joue­ra dans les pro­chaines mois.

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