Pont-de-claix. L’avenir de Vencorex toujours incertain

Par Travailleur Alpin

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La plateforme chimique du Pont-de-Claix.
Comme nous vous l’indiquions dans le Travailleur alpin de juin 2024, la CGT a constitué un collectif syndical commun à l’ensemble des entreprises chimiques de Pont-de-Claix, Jarrie, Alpes-de-Haute-Provence, pour agir en faveur de la pérennité des productions, dans le respect de la sécurité et de l’environnement. Ce collectif a dernièrement invité le sénateur Guillaume Gontard à Arkema Jarrie afin de lui exposer les enjeux et conséquences dramatiques associés à une éventuelle fermeture de Vencorex Pont-de-Claix.

Vencorex et la concurrence chinoise

Depuis la Covid-19, l’industrie chi­noise ne connaît plus les taux de crois­sance de la période anté­rieure. Les ventes de Ven­co­rex Pont-de-Claix se heurtent au dum­ping pra­ti­qué par la Chine, qui écoule les mêmes pro­duits à prix cas­sés, faute de débou­chés suf­fi­sants dans son mar­ché natio­nal.

Pont-de-Claix est un site cen­te­naire, créé pour faire du chlore. Il pos­sède deux « bulles » des trois « bulles » qui existent dans le monde. Ces bulles sont des tech­no­lo­gies de pro­duc­tion qui garan­tissent la sécu­ri­té des habi­tants concer­nant la pré­sence de phos­gène, un gaz uti­li­sé mili­tai­re­ment.

Le groupe thaï­lan­dais PTT GC, pro­prié­taire de Ven­co­rex, tient à sau­ver cette pro­duc­tion et à pré­ser­ver sa clien­tèle. Ven­co­rex réper­cute par consé­quent ses dif­fi­cul­tés sur ses pres­ta­taires dont les contrats avaient été conçus en vue d’une pro­duc­tion plus impor­tante. Sur le sel et son ache­mi­ne­ment depuis Hau­te­rives dans la Drôme, 40 mil­lions d’euros ont pu être éco­no­mi­sés.

Mais l’argent rentre moins, 100 mil­lions d’euros cette année. Les action­naires du groupe ont ain­si insuf­flé 67 mil­lions, ce qui est insuf­fi­sant au regard du défi­cit ! Pour que l’entreprise tourne bien, 80 mil­lions d’euros seraient néces­saires.

Pour autant les sala­riés ne perdent pas de vue que le groupe thaï­lan­dais dégage un chiffre d’affaire de plu­sieurs mil­liards d’euros.

Pour l’instant les action­naires comblent le défi­cit de l’activité Ven­co­rex, mais jusqu’où ? Car les sala­riés ont bien en tête les exemples de fer­me­ture de sites stra­té­giques sur tout le ter­ri­toire et le lais­ser faire de l’État, depuis des années, face au déman­tè­le­ment de filières indus­trielles.

Vencorex, Arkema… l’inquiétude

Dans ce contexte, l’ambiance devient pesante au sein de Ven­co­rex. Enva­his par l’inquiétude, les sala­riés de cette entre­prise se font embau­cher chez Arke­ma. Mais, alors que l’entreprise Arke­ma ne semble pas concer­née dans l’immédiat par les dif­fi­cul­tés de Ven­co­rex, les sala­riés d’Arkema font déjà état du manque de com­mu­ni­ca­tion au sein de l’entreprise, de l’insuffisance des inves­tis­se­ments, du manque de maté­riel, de démis­sions de sala­riés qui ont plus de 20 ans d’ancienneté… Avant la période COVID, le taux de démis­sion était de 1 % par an, il atteint aujourd’hui 12 % tan­dis qu’il se situe à 4 % dans cette branche au niveau natio­nal. Les heures sup­plé­men­taires sont en aug­men­ta­tion. Enfin, la ques­tion du manque de per­son­nel inquiète les sala­riés quant aux condi­tions de sécu­ri­té de ce site clas­sé Seve­so.

Dans le même temps, Arke­ma a des dif­fi­cul­tés à recru­ter : les entre­prises ne font plus d’information auprès des lycées, notam­ment le lycée André Argouges de Gre­noble, afin de sus­ci­ter des voca­tions. L’usine de Jar­rie était un lieu de stage réfé­ren­cé où l’on pou­vait même être logé ! Aujourd’hui il y a dans cette filière envi­ron dix à vingt élèves. Il faut du temps, deux ans en moyenne, pour acqué­rir les qua­li­fi­ca­tions néces­saires.
Et puis, au-delà des sala­riés, c’est tout un bas­sin d’emploi, d’activités éco­no­miques et com­mer­ciales, de vie, qui est concer­né.

Pont-de-Claix Jarrie, l’interdépendance de deux plateformes chimiques historiquement liées

Au Pont-de-Claix sont pré­sents Sol­vay (pro­duc­tion de vapeur), Air Liquide (pro­duc­tion de gaz), Seqens (usage de l’acide chlor­hy­drique) et Suez (inci­né­ra­teur de déchets indus­triels et chlo­rés et pro­duc­teur de vapeur). Tous dépendent de l’activité de Ven­co­rex, de sa pro­duc­tion d’isocyanates et de ses déri­vés.

A Jar­rie, Arke­ma pro­duit de l’eau oxy­gé­née, du chlore et des déri­vés, tous néces­saires à de nom­breux usages de la vie cou­rante. Un pro­duit comme le per­chlo­rate est un élé­ment indis­pen­sable au car­bu­rant de la fusée Ariane (domaine aéro­spa­tiale mais aus­si mili­taire). Arke­ma four­nit éga­le­ment Fra­ma­tome en chlore pour les besoins de la pro­duc­tion d’oxydes de zir­co­nium néces­saire au gai­nage des com­bus­tibles des cen­trales nucléaires.

Les deux pla­te­formes font sys­tème. Toutes deux pro­fitent d’un dis­po­si­tif exploi­tant le sel du gise­ment de Hau­te­rives ache­mi­né par sau­mo­duc jusqu’au Pont-de-Claix. Puri­fié, le sel est la prin­ci­pale matière pre­mière des élec­tro­lyses de Ven­co­rex et d’Arkema pour les pro­duc­tions de chlore/soude, ain­si que du chlo­rate et per­chlo­rate pour Jar­rie.

Outre le sel, plu­sieurs flux d’intégration sont vitaux pour les deux pla­te­formes, en par­ti­cu­lier :
- les flux d’hydrogène : l’unité de pro­duc­tion d’eau oxy­gé­née de Jar­rie est ali­men­tée par l’hydrogène pro­duit par les élec­tro­lyses du site, mais aus­si par l’unité d’Air liquide de Pont-de-Claix.
- les flux d’acide chlor­hy­drique pro­ve­nant des uni­tés iso­cya­nates de Pont-de-Claix ali­mentent sous forme gazeuse l’unité de pro­duc­tion de chlo­rure de méthyle de Jar­rie. Ce chlo­rure de méthyle est indis­pen­sable à la pro­duc­tion des sili­cones sur la pla­te­forme de Rous­sillon (au sud de Vienne dans la val­lée du Rhône).

C’est dire que l’éventuelle dis­pa­ri­tion de Ven­co­rex au Pont-de-Claix serait syno­nyme de mise en cause de l’activité de l’ensemble des deux pla­te­formes chi­miques.

Le soutien du sénateur Guillaume Gontard

A l’issue de la ren­contre orga­ni­sée par le col­lec­tif syn­di­cal CGT, le séna­teur Guillaume Gon­tard a pro­po­sé d’emblée d’apporter son sou­tien et d’agir en inter­pel­lant le gou­ver­ne­ment afin de rendre le sujet plus lisible auprès des minis­tères, en pro­po­sant la créa­tion d’un comi­té de pilo­tage « Etat-syn­di­cats- entre­prise » afin de cen­tra­li­ser les infor­ma­tions, mieux com­prendre la situa­tion, faire le lien avec des situa­tions simi­laires et en por­tant la ques­tion au niveau euro­péen, ce qui n’est pas sans inté­rêt pour l’entreprise thaï­lan­daise !

Mar­tine Briot

La CGT s’adresse aux députés de l’Isère

L’union dépar­te­men­tale CGT a adres­sé le 23 juillet une lettre ouverte aux dépu­tés de l’Isère (hor­mis ceux du RN) pour leur deman­der d’intervenir en faveur de la créa­tion d’un d’un comi­té de pilo­tage mul­ti par­tite. « Nous avons besoin de vous pour qu’avec les pou­voirs publics, les repré­sen­tants des direc­tions de toutes les entre­prises et nous les repré­sen­tants du per­son­nel, nous puis­sions tout mettre en œuvre pour assu­rer la péren­ni­té de cette filière indus­trielle, sau­ver les emplois et garan­tir un ave­nir éco­no­mique et social sur les cir­cons­crip­tions », écrit le syn­di­cat.

La CGT note en effet que l’éventuelle fer­me­ture du site de Ven­co­rex « entraî­ne­rait dans sa chute la fer­me­ture de l’unité d’Arkema Jar­rie du fait des inter­dé­pen­dances de ces struc­tures ». Or « l’unité Arke­ma Jar­rie est la seule capable en Europe de four­nir les per­chlo­rates néces­saires aux lan­ceurs des fusées Ariane ain­si que pour des usages mili­taires et nucléaires. Il y a donc là, un véri­table enjeu stra­té­gique de sou­ve­rai­ne­té natio­nale ».

Le syn­di­cat sou­ligne par ailleurs que « les deux pla­te­formes emploient aujourd’hui 1000 per­sonnes et plus de 5000 emplois induits dans la sous-trai­tance. La dis­pa­ri­tion de la chi­mie dans le sud Gre­no­blois serait une catas­trophe pour l’économie locale ain­si que pour les ser­vices publics ».

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