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Fontaine. 80e anniversaire de l’assassinat de deux résistants
Par Edouard Schoene
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Un rassemblement organisé par l’Anacr et le PCF auquel ne participe plus la ville de Fontaine depuis qu’elle est dirigée par la droite.
Vendredi 17 mai se tenait un rassemblement à Fontaine devant la plaque commémorative de l’assassinat de deux résistants, Marco Lipzyc, « commandant Lenoir » dans la résistance, et Antoine Polotti (« Georges »). Dans le lourd climat de montée de l’extrême droite et de retrait de la municipalité de droite de Fontaine de plusieurs commémorations, la cérémonie, organisée par PCF et ANACR, était emprunte d’une grande émotion.
Jacques Rolland, secrétaire de l’amicale ANACR, a pris la parole en premier. « Antoine Polotti et Marco Lipzyc ont été assassinés ici le 17 mai 1944. Rien ou presque marque en Isère leur mémoire. Il nous faut transmettre leur héritage, sans compromission. Tous les deux communistes, étrangers exilés en France. Ils sont morts jeunes et n’ont pas pu raconter » (lire Marco Lipszyc — Etranger et notre frère pourtant, Claude Collin 2015).
Jacques Rolland.
Marco Lipszyc, Polonais d’origine juive, adhère aux idées de la troisième Internationale et rejoint le Parti communiste français. Depuis la France, il part combattre l’armée franquiste en Espagne puis s’engage dans la lutte contre le nazisme. Il sera arrêté et exécuté le 21 juillet 1944 à Seyssinet.
C’est en Espagne qu’Antoine et Marco se rencontrent. Après la défaite des combattants républicains, ils défilent devant 30 000 personnes, salués par Dolorès Ibarruri. Antoine participe à la résistance en Isère, deviend secrétaire régional du PCF clandestin en 1943 ; Marco milite à Merlin Gérin, son entreprise, et participe à la création des FTP en Isère.
Michel Vallon, président de l’amicale des FTP, dénonce dans son intervention les idées extrémistes qui envahissent l’Europe. « N’oublions pas que le RN qui siège dans des collectivités territoriales n’a pas renoncé à des idéologies nauséabondes. »
Laurent Jadeau, élu d’opposition à Fontaine, a pris la parole au nom de la fédération de l’Isère du PCF. Ne reprenant pas les éléments biographiques énoncés par les précédents orateurs il a énoncé l’actualité de la commémoration.
« Quelques mois après l’adoption de l’inique loi « Darmanin » sur l’immigration, je dirais que nous avions là un bel exemple d’immigration choisie ! Choisie par deux hommes, l’un Polonais, l’autre Italien, pour combattre, en France, pour la France et pour tous les peuples. Combattre contre l’horreur nazie, combattre pour la liberté. …
« Résistant », était-ce alors « un métier en tension » ? Ceux qui aujourd’hui attisent les haines, dénient le statut même de citoyen, d’être humain aux femmes et aux hommes qui choisissent la France, pour fuir des régimes tyranniques, des guerres, des famines, ceux-là ne sont pas dignes de la mémoire de nos deux camarades. Comme n’en sont pas dignes non plus, ceux qui font le lit des idées d’extrême-droite par simple calcul politicien.
Une nouvelle fois, d’ici un peu plus de trois semaines, le 9 juin, ces idées nauséabondes ont malheureusement de grands risques de se retrouver sur le devant de la scène, dans des proportions effrayantes, non seulement dans notre pays, mais également dans une bonne partie de l’Europe.
Pour notre part, nous refusons toute idée d’une Europe « forteresse » et d’une immigration sélective, en particulier la création de quotas qui ont pour seul but de satisfaire les intérêts des entreprises européennes et qui dépouillent de leur main- d’œuvre qualifiée les pays du Sud.
Nous refusons une Europe qui s’enferme dans une politique inhumaine, laissant des milliers d’être humains mourir chaque année en méditerranée. Nous refusons une Europe qui laisse le champ libre aux forces du capital, pour détricoter méticuleusement ce que les résistants unis, au sortir du cauchemar de 39–45, avaient construit avec en ligne de mire les « jours heureux ». Ce programme du CNR qui a permis toutes les conquêtes sociales piétinées les unes après les autres aujourd’hui. Ces « jours heureux » restent pour notre part notre but intangible !
Que dire également des responsables politiques locaux qui piétinent à bas bruit la mémoire et l’identité d’une ville comme la notre ? L’histoire de Fontaine est en effet charnellement liée à la fois à la résistance et aux apports des immigrations successives qui ont fait de notre cité un creuset si vivant.
De nombreuses rues de notre ville portent les noms de ces hommes, qui comme Polotti et Lenoir, ont laissé leur vie pour nous dans notre pays, dans notre région, parfois à Fontaine même (A. et M. Barbi, Doyen gosse, Docteur Valois, Abbé Vincent, Jean Prévost, Jean Bocq, Jean Pain, Joseph Francesconi, Paul Vallier, Danielle Casanova, Germaine Tillon…).
Les campagnes de « débaptisation » sont depuis longtemps une marque de l’esprit revanchard des édiles de droites qui parviennent à déloger des Municipalités populaires conduites par des maires communistes. A Fontaine, le parc Karl Marx, vient d’en faire les frais, faisant fi de l’apport historique et philosophique sans égal du penseur allemand, reconnu par ses adversaires même. Mais avant, c’était déjà une école au nom de la femme résistante « Danielle Casanova » qui était effacée !
Au delà de ces actes autoritaires, et pour tout dire, assez mesquins, on assiste également au rabougrissement des commémorations en rapport à la résistance et à la seconde guerre mondiale. Depuis 2020, la municipalité de Fontaine n’est plus partie prenante de cet hommage du 17 mai et il faut toute la ténacité de nos amis de l’Anacr pour poursuivre cette mémoire à nos côtés. Mais ce sont également les hommages à Paul Vallier et Jean Bocq, autres héros tombés dans notre ville, qui ne sont plus honorés. Quant à la commémoration du 8 Mai, elle se trouve maintenant réduite à sa plus simple expression.
Pourtant, aujourd’hui plus que jamais, la mémoire de cette période, des hommes qui ont sauvé l’honneur de l’Humanité doit être absolument préservée. Nous avons cette année, eu la grande satisfaction de d’assister à l’hommage national rendu à Missak et Mélinée Manouchian, et au delà, à tous les « immigrés » de l’affiche rouge. Antoine Polotti et Marco Lipszyc sont également honoré à travers cette reconnaissance de la nation qui avait tardé à venir… beaucoup trop tardé !
Quatre-vingts ans après, les tout derniers témoins nous quittent et nous voyons bien que, comme le disait Bertold Brecht, « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. » La guerre, les crimes contre les peuples épris de liberté sont de nouveau à nos portes. L’immense besoin d’Europe fraternelle, rassemblée et pacifique exige la justice sociale, le progrès en commun de tous les peuples dans un monde solidaire. Cet espoir est vivant.
Assistait à la cérémonie et au dépôts de gerbes, Maryse, fille de Jean Bocq, résistant, assassiné le 26 mars 1944.
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