Fontaine. « En rupture avec les films lisses » sur la guerre d’Algérie
Par Edouard Schoene
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Un autre regard sur la guerre d’Algérie pour un film produit en Allemagne de l’Est.
Mercredi 17 mai à Fontaine au bar AK, le public invité pour une série de projections cinéma est sorti troublé par le visionnement d’un film quasi inconnu en France sur la guerre d’Algérie, Allons enfants… pour l’Algérie.
Il revenait à l’organisatrice de cet événement, Sabrina Chebbi, réalisatrice cinéma, de présenter cette soirée. Le film qu’elle a découvert au festival de Lussas a été réalisé, en 1961, par Karl Gass, pour le compte de la production Defa, producteur d’Etat de la RDA (République démocratique allemande). Defa a produit plusieurs films du grand réalisateur Français René Vautier, militant anticolonialiste, censuré pendant des décennies en France. Cette soirée accueillie par le « patron » du bar AK, Amazigh Kateb, était coorganisée par FUIQP Grenoble, « organisation nationale regroupant des militantes et des militants des immigrations et/ou des quartiers populaires ».L’objet de la soirée était de présenter un film « en rupture avec les films lisses proposés en 2022 pour les 60 ans de l’indépendance de l’Algérie où bourreaux et victimes de la guerre étaient présentés sur un même plan ». L’assistance était sous le choc à l’issue du visionnement du film. Nombreux ont découvert le rôle de la République fédérale d’Allemagne dans les années de la guerre d’Algérie. Le film révèle en effet que « l’Allemagne de l’Ouest » a recruté des milliers de militaires pour la légion étrangère française qui ont combattu contre la résistance algérienne. Certains, vus à l’écran, se sont ensuite réfugiés en RDA et ont dénoncé, photos à l’appui, les tortures, assassinats.Une image extraite du film.
Le documentaire détaille l’intérêt des dirigeants de la RFA, des groupes industriels allemands, pour les essais nucléaires en Algérie, pour la coopération industrielle avec la France pour l’exploitation des richesses minières de l’Algérie colonisée. De hauts dignitaires nazis du Reich participaient à ces coopérations. Un long passage de ce documentaire très dense montre la réalité épouvantable des 300 000 réfugiés algériens privés de soins, de nourriture, en dehors de faibles moyens de secours humanitaires. Une admirable infirmière, Aïcha, fait tout son possible dans un camp pour soulager les douleurs, soigner, aider. Un extrait du documentaire montre un atelier de formation jeunes ouvriers algériens en Tunisie, dans un centre équipé par la RDA et d’autres pays socialistes.Aïcha, infirmière dans un camp de réfugiés.
Aïcha , arrêtée lors d’une manifestation le 14 juillet 1953 à Paris à l’âge de 25 ans, mère de cinq enfants, a fait quatre ans de prison. Son mari a été tué pendant cette manifestation. La projection du film s’est poursuivie, après quelques minutes pour que chacun puisse laisser retomber l’émotion, par un riche échange qui a notamment permis à des témoins algériens de la guerre d’Algérie de livrer des récits. Les mercredis 24 et 31 mai à 20h30, deux autres projections de film seront proposées par le bar AK.