Denise Meunier, une figure de la Résistance, n’est plus

Par Max Blanchard

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Denise Meunier, présidente départementale de l’ANACR, à Saint-Martin-d’Hères lors de la commémoration de la victoire sur le nazisme, le 8 mai 2017.

Elle aurait eu 105 ans dans quelques semaines ! Denise Meunier est décédée à l’issue d’ une intense vie d’action et de résistance.

Elle était née le 6 jan­vier 1918 à Paris (1er) dans le quar­tier des halles. A sa nais­sance, ses parents tra­vaillaient dans un grand café pari­sien avant de se mettre ensuite à leur compte, chan­geant de villes à plu­sieurs reprises, jusqu’à Rouen. « Je fis ma sco­la­ri­té à Rouen jusqu’à l’école pri­maire supé­rieure jusqu’à mon bre­vet. Comme mes parents étaient de res­sources modestes, j’ai pas­sé le concours de l’Ecole Nor­male où j’ai été interne durant 3 ans ( de 1935 à 1938). C’était un régime sévère, mili­taire. J’y suis res­tée jusqu’à 20 ans. C’est à cette période que j’ai com­men­cé à m’intéresser à la socié­té. Je me suis ini­tiée à la lit­té­ra­ture, à l’histoire. Il faut dire que dans l’école il était inter­dit d’introduire des jour­naux et des bro­chures. J’étais par­mi les rebelles”, aimait-elle à se rap­pe­ler. Débuts à Dieppe En 1938, elle obtient son bre­vet supé­rieur et occupe son pre­mier poste dans le dépar­te­ment avant d’être nom­mée à Dieppe.
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Denise Meu­nier en juillet 2010. Pho­to Patri­cio Par­do Ava­los

Ren­trée 1939/1940, c’était “la drôle de guerre”. Ses parents étant âgés et seuls à Rouen, elle y nom­mée dans une école pri­maire d’un quar­tier popu­laire. Ren­trée 1940/1941, retour à Dieppe. La vie reprend sous la férule des Alle­mands. A cette ren­trée, une de ses col­lègues dans la ban­lieue Rouen, qui fai­sait par­tie de mon groupe de rebelles à l’EN, la pré­sen­ta au départ du train à un pro­fes­seur de phi­lo nom­mé à Rouen, Valen­tin Feld­man. “Je sau­rai plus tard que c’était un com­mu­niste, muté de Paris. J’ai com­pris qu’il était dans la Résis­tance, en liai­son avec le réseau du musée de l’Homme.” La Résis­tance Au prin­temps 1941, elle entre dans la Résis­tance. Trans­port et dif­fu­sion de tracts, vente de bons édi­tés par le Front natio­nal de la résis­tance pour finan­cer l’action. Ren­trée 1942/1943 – Dieppe. Les Alle­mands ren­forcent leur défense sur la côte suite au débar­que­ment cana­dien. Des écoles sont réqui­si­tion­nées, dont la sienne. Les élèves et ensei­gnants sont accueillis dans le pays de Bray. Là elle reçoit la visite de cama­rades Francs tireurs et par­ti­sans qui lui pro­posent de reprendre des acti­vi­tés tout en res­tant ins­ti­tu­trice et agent de liai­son. Elle fait la liai­son avec l’état-major FTP à Rouen, dans une semi illé­ga­li­té car tou­jours ins­ti­tu­trice. Ega­le­ment char­gée de faire la tour­née des secré­taires de mai­rie pour récol­ter des tickets de ravi­taille­ment pour les réfrac­taires du STO et les gens de la Résis­tance.
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Denise Meu­nier.

Décembre 1943 – Elle se fait fait prendre dans le cadre d’une des­cente de police en gare de Rouen, por­teuse d’une mal­lette avec des armes et des vête­ments. Emme­née au com­mis­sa­riat, elle avale pré­ci­pi­tam­ment et dis­crè­te­ment un mes­sage gar­dé impru­dem­ment sur elle. Elle est inter­ro­gée durant une semaine au com­mis­sa­riat cen­tral de Rouen. Durant ce temps, le chef de groupe est lui aus­si arrê­té et parle. Sept membres du groupe tombent. Elle est ensuite empri­son­née à la pri­son Bonne-Nou­velle de Rouen. Libé­rée fin avril 1944, elle reprend le tra­vail et est nom­mée aux envi­rons de Rouen. Puis ce fut le débar­que­ment. Les écoles furent fer­mées. Elle est alors contac­tée de nou­veau par le PC et les FUJP (forces unies de la jeu­nesse patrio­tique, qui coor­don­nait toutes les asso­cia­tions de jeu­nesse résis­tantes) et devient “illé­gale” pour être “impri­meuse”. Elle prend le pseu­do de “Fran­çoise Vaillant”, en hom­mage à Vaillant-Cou­tu­rier, et rejoint l’état-major de la Résis­tance et du PCF. Témoi­gner Le jour­nal l’Avenir nor­mand deve­nant quo­ti­dien, on lui demande d’en être rédac­trice en 1945. Par la suite elle reprend son acti­vi­té à l’Education natio­nale et devient rédac­trice dans les ser­vices de l’enseignement tech­nique. A la ren­trée 1948, retour à l’enseignement : « je n’ai pas obte­nu de poste à Rouen et j’ai dû m’exiler à la cam­pagne où j’étais en même temps secré­taire de mai­rie. Je suis res­tée près de Jumièges jusqu’en 1953. Puis nom­mée à mi-che­min, à Que­villon, de 1953 à 1957. Chan­ge­ment pour Can­te­leux (près de Rouen) de 1957 à 1962. » Là, elle reprend ses acti­vi­tés syn­di­cales et poli­tiques.
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Le 24 mai 2014, Denise Meu­nier reçoit les insignes de che­va­lier de la Légion d’hon­neur. Ici aux côtés d’An­nie David, séna­trice de l’I­sère.

En 1962, son mari, qui est fonc­tion­naire, est nom­mé à Gre­noble. Elle le suit, enseigne à Gre­noble jusqu’en 1969, puis de 1969 à 1974 à Paul-Bert à Saint-Martin‑d’Hères où elle accède à la retraite. Retraite loin d’être inac­tive puisqu’elle s’investit à l’Association natio­nale des com­bat­tants de la Résis­tance (ANACR) dont elle sera pré­si­dente dépar­te­men­tale. Elle n’aura de cesse de racon­ter, expli­quer, témoi­gner, pour que de tels évé­ne­ments ne puissent se repro­duire. Médaillée de la Résis­tance, Denise Meu­nier rece­vait les insignes de Che­va­lier dans l’ordre natio­nal de la Légion d’honneur le 24 mai 2014. Le Tra­vailleur alpin pré­sente ses condo­léances attris­tées à Cathe­rine et Jean-Marc, à ses petits-enfants et arrière petits-enfants. Un hom­mage public lui sera ren­du le 28 décembre à 11h aux Pompes funèbres inter­com­mu­nales de Gre­noble. La cré­ma­tion aura lieu dans l’intimité fami­liale. Ses cendres seront dis­per­sées dans le port de Dieppe, son lieu prin­ci­pal de résis­tance.

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