Mois décolonial à Grenoble. La bronca de la droite

Par Luc Renaud

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Lenny M’Bunga.

Le « Mois colonial » aura lieu du 10 au 30 juin. Conférences, tables rondes, spectacles… avec l’objectif de « comprendre les mécanismes du racisme structurel et institutionnel ». Vociférations du côté de la droite et de l’extrême-droite. Chloé Lebret, élue communiste à la ville de Grenoble, ramène les choses à de plus justes proportions. Un débat, un débat qui traite de phénomènes avérés, un débat où tout le monde n’est pas nécessairement d’accord, est-ce complètement anormal ?

Tout ce bruit était-il vrai­ment néces­saire ? Le point de départ, ce fut le simple énon­cé d’un pro­jet. « Au tra­vers d’un geste artis­tique et d’une parole intel­lec­tuelle, nous ten­te­rons de décons­truire l’i­ma­gi­naire post-colo­nial. » Les mots des orga­ni­sa­teurs du « Mois déco­lo­nial », qui aura lieu à Gre­noble du 10 au 30 juin. Quatre orga­ni­sa­teurs, pour être pré­cis : les asso­cia­tions Contre cou­rant, Mix’Arts, Peps et Sur­vie.

Aus­si­tôt, c’est l’avalanche du côté de la droite et de l’extrême-droite. Laurent Vau­quiez, l’actuel pré­sident du conseil régio­nal, parle de « délire racia­liste », le pré­sident du Sénat, Gérard Lar­cher déclare que tout cela « n’est pas conforme à ma vision de la socié­té fran­çaise ; il n’y pas de racisme d’État dans notre pays » jusqu’à Sté­phane Gem­ma­ni, en cam­pagne aux côtés de Najat Val­laud-Bel­ka­cem qui n’y va pas par quatre che­mins : « ce phé­no­mène d’emprise, qui dis­tille une idéo­lo­gie aux relents tota­li­taires en uti­li­sant des tech­niques de pro­pa­gande, en réin­tro­dui­sant la « race » et en s’appuyant sur une réécri­ture insi­dieuse de l’histoire, est inquié­tant ».

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Chloé Lebret, conseillère délé­guée à l’é­ga­li­té des droits à la ville de Gre­noble.

Chloé Lebret, élue com­mu­niste gre­no­bloise, est conseillère délé­guée à l’égalité des droits. Et, à ce titre, a été impli­quée dans les contacts entre la ville de Gre­noble et les orga­ni­sa­teurs, aux côtés d’Emmanuel Car­roz, adjoint au maire Eric Piolle. Dans les colonnes du Dau­phi­né libé­ré, elle se déclare « très sur­prise de la polé­mique média­tique » et « cho­quée de son ins­tru­men­ta­li­sa­tion par la droite et l’extrême-droite ».

Et de pré­ci­ser que ce sont bien les orga­ni­sa­teurs qui ont orga­ni­sé — jus­te­ment — ce « Mois déco­lo­nial » et que la ville de Gre­noble n’y a pas été par­ti­cu­liè­re­ment asso­ciée – ce qui est somme toute nor­mal s’agissant d’activités asso­cia­tives. Et que si le prin­cipe d’une sub­ven­tion a été évo­qué, aucune déci­sion n’a été prise, pas plus que celle d’un par­te­na­riat de la ville avec cette mani­fes­ta­tion, ce qui explique la demande de retrait des logos de la ville – et de l’université – dans les docu­ments de com­mu­ni­ca­tion édi­tés autour de cet évé­ne­ment.

Le moyens de l’an­ti­ra­cisme ne méritent-ils pas débat ?

Reste le fond de l’affaire. Peut-on consi­dé­rer que le racisme n’est pas une ques­tion de socié­té qui mérite débat dans la France d’aujourd’hui ? Et que cette situa­tion n’a pas de lien avec le pas­sé colo­nial de notre pays ? Au delà de l’invective, per­sonne n’ose sérieu­se­ment l’affirmer. Que l’on se sou­vienne des mani­fes­ta­tions gre­no­bloises pour la paix en Algé­rie dans les années 1950 aux­quelles les com­mu­nistes ont lar­ge­ment pris leur part. Par exemple.

« Nous sommes une muni­ci­pa­li­té de gauche et il est impor­tant qu’on puisse par­ler à Gre­noble de ces sujets. Les ques­tions déco­lo­niales et du racisme sys­té­mique tra­versent actuel­le­ment nos socié­tés, on doit pou­voir en débattre libre­ment, même si cela n’empêche pas d’avoir un œil cri­tique », décla­rait Chloé Lebret à nos confrères du Dau­phi­né libé­ré.

Ce « Mois déco­lo­nial » peut être l’une des occa­sions de ce débat, notam­ment sur les moyens de l’antiracisme et les moda­li­tés de la construc­tion de l’égalité des droits dans une socié­té capi­ta­liste qui, par essence, fonc­tionne par l’exacerbation des inéga­li­tés de toutes natures : le moyen de la divi­sion pour assu­rer le pou­voir de la finance. Un débat où tout le monde ne sera pas d’accord, ce qui offre sans doute la pos­si­bi­li­té d’a­van­cer vers des pro­po­si­tions effi­caces. On note­ra ain­si la posi­tion de la Licra (Ligue inter­na­tio­nale contre le racisme et l’antisémitisme) qui écrit : « la Licra, fidèle à l’universalisme, s’inquiète vive­ment de cette dérive locale ».

Par­mi les invi­tés annon­cés pour les dif­fé­rents ren­dez-vous de ce « Mois déco­lo­nial », Fati­ma Ouas­sak, Rokhaya Dial­lo, Mathieu Rigouste, Amzat Bou­ka­ri-Yaba­ra, Said Boua­ma­ma, Nas­si­ra Hed­je­ras­si, Taha Bou­hafs ou encore des artistes comme Len­ny M’Bunga, Marc Alexandre Oho Bambe, Zora Snake, Edgar Sek­lo­ka.

Plus d’infos sur la page Face­book du « Mois colo­nial ».

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2 Commentaires

  • Alors si j’ai bien com­pris ce ne sont plus les par­tis mais les asso­cia­tions qui se sai­sissent du poli­tique et la mai­rie n’a aucun mot à dire selon l’é­lue…
    Angois­sant de tenir ce genre de pro­pos. Je suis com­mu­niste gre­no­bloise, je lui trouve des argu­ments très légers.
    Sinon je pense que rap­pe­ler que les élus com­mu­nistes font équipe avec Piolle en ce moment ce n’est pas très judi­cieux sur­tout pour les lais­ser dire que les asso­cia­tions orga­nisent tout.
    Sinon Wau­quiez ne man­que­ra pas de sou­li­gner la faute sur son nom de famille.
    Vous savez j’ai tout fait pour qe le tra­vailleur alpin soit dif­fu­sé, vrai­ment. Mais j’a­voue que ces prises de posi­tions concer­nant le tout pou­voir asso­cia­tif sur des ques­tions poli­tiques m’ef­fraie. Autant que l’al­liance citoyenne. En tout cas je com­prends mieux pour­quoi Gre­noble a for­cé le pas­sage pour se mettre avec Piolle. C’est ridi­cule cette situa­tion, on défend l’in­to­lé­rance trop sou­vent et les gens ne nous le par­don­ne­ront pas. Sinon bon cou­rage pour la tenue du jour­nal.