Jacqueline Zanichelli : un pilier de la section Matheysine-Trièves disparaît
Par Travailleur Alpin
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Jacqueline Zanichelli a sans doute puisé les sources de son engagement social et politique dans l’expérience précoce, vécue au cours de son enfance, lors du second conflit mondial, dans la modeste exploitation agricole des ses grands-parents, au hameau isolé et difficile d’accès de l’Echarenne (commune de Saint-Sébastien en Trièves), accroché aux flancs abrupts des gorges du Drac.
En cette période de troubles intenses, elle y partage la vie des familles juives venues se réfugier dans une région illusoirement réputée moins dangereuse que la zone occupée par la Wehrmacht, pour tenter d’échapper à la barbarie nazie. Elle y côtoie également les réfugiées républicains espagnols de la Retirada, internés du Groupement de travailleurs étrangers 539 de Corps, contraints au travail forcé sur le chantier tout proche de l’usine hydroélectrique de Cordéac, qui viennent dès que possible chez ses grands-parents chercher un complément alimentaire indispensable et un peu de la chaleur humaine dont ils sont prodigues. Y séjournent aussi, parfois, pour de brefs temps de répit, certains résistants, pourchassés et contraints à la clandestinité.
Engagée en faveur de l’éducation pour tous
Témoin attentif des évènements tragiques de cette période, profondément marquée par ces exemples d’engagement personnel et collectif, de solidarité active, elle commence à construire ce que seront ses engagements politiques et sociaux.
Le premier, celui de l’éducation pour tous, la conduit à opter pour une carrière dans l’enseignement. Elle sera institutrice. Premières expériences éprouvantes, dans l’isolement des montagnes de l’Oisans, puis dans les cités minières de Susville, où elle conforte ses choix, au sein de groupes sociaux que soude une nécessaire solidarité, dictée par la précarité et l’adversité.
Pour Jacqueline, l’enseignement ne se limite pas aux horaires scolaires. Elle s’engage successivement ou simultanément dans le soutien scolaire, la promotion de la lecture et l’animation en direction des enfants à la bibliothèque de la Maison pour tous (MPT) de Susville, l’organisation des activités périscolaires et des vacances, au sein des CEMEA, l’action culturelle sous toutes ses formes…
Si, pour elle, l’école est émancipatrice, elle doit aussi être défendue contre les incessantes attaques réactionnaires. C’est le sens de son engagement syndical et celui de la lutte au pied à pied à laquelle elle participe très activement, notamment aux côtés des élus communistes locaux, tout au long de la période qui voit se multiplier les fermetures de classes et d’écoles rurales.
Militante communiste, pour l’union de la gauche
En effet, pour l’adhérente du PCF, qui intègre très vite la direction de la section de La Mure, la présence agissante des militants communistes au sein de toutes les luttes sociales et de toutes les formes de regroupement revendicatif et progressiste est la clef indispensable de leur succès et du rayonnement idéologique du Parti.
En toutes circonstances, recherche de l’union la plus étendue, élargissement de la sphère d’influence, dépassement du sectarisme sont ses lignes de conduite. En découle son engagement total et inconditionnel dans toutes les tentatives d’union de la gauche. Sans oublier quelques vigoureux débats au sein de la section… et de nombreuses désillusions qui ne parviennent toutefois jamais à éteindre durablement son optimisme en la matière.
Le travail militant de terrain, à la base, au contact direct de la population, au sein des diverses communautés locales, est l’affaire de Jacqueline. Les charges électives ne l’attirent pas particulièrement, bien qu’elle ait, par discipline, assumé pendant deux mandats les peu gratifiantes fonctions de conseillère municipale d’opposition à La Mure.

Le recrutement de nouveaux adhérents, la diffusion militante de la presse communiste et notamment de l’Humanité dimanche dont elle a assuré la coordination pendant de longues années, la mise en œuvre des actions de financement et de visibilisation du parti (lotos, bals, présence aux manifestations locales, fête annuelle de la section, au bord du lac de Pierre-Châtel, d’abord, puis au col de Malissol) constituent les domaines où elle s’illustre tout particulièrement. Sa proximité avec les diverses couches de la population locale, la multitude de ses engagements, en font une personnalité incontournable, connue et appréciée de beaucoup. Pendant de nombreuses années, elle consacre plusieurs semaines, au printemps, en compagnie notamment de son complice Paul Moisand, à faire de longues tournées à domicile et chez les artisans et commerçants pour y placer les carnets de la tombola qui assure à la section une grande partie de ses moyens financiers. Personne n’a jamais égalé le montant de leur collecte.
De toutes les luttes
Présente à leurs côtés, tout au long des multiples luttes des mineurs, en particulier pour la poursuite de l’activité des houillères, Jacqueline ressent, indirectement mais durement les effets de déprise économique et sociale résultant de l’arrêt de l’exploitation. Elle redouble d’activité, avec ses camarades, pour tenter d’en atténuer les effets.
Ces dernières années, profondément touchée et révoltée par le sort réservé aux personnes chassées de leur pays par la guerre et la misère, et les dérives racistes et xénophobes de notre société, elle s’engage sans compter auprès du collectif matheysin d’aide aux migrants. Elle ne se limite pas à l’hébergement temporaire, à son domicile, de nombre d’entre eux, mais assure également un suivi social et culturel. Les très émouvants témoignages émanant de personnes de toutes nationalités qu’elle a accueillies, lors de ses obsèques, en attestent.
Fidèle à son Parti et à ses convictions, elle a milité jusqu’à ses dernières forces.
La section Matheysine-Trièves du PCF


