Voiron. La riche histoire de la Sécurité sociale garante de son avenir

Par Luc Renaud

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Frédéric Mignoni, CGT Poma ; Eric Berger, secrétaire de l'union locale CGT de Voiron ; et Thierry Braillon, administrateur de Solimut ; animaient la soirée.
À initiative de l’union locale CGT de Voiron, c’est à une passionnante soirée consacrée à la Sécurité sociale que le public était convié. Où l’on a beaucoup appris sur son histoire, les combats qu’il a fallu mener, les attaques qui tentent de la remettre en cause et les perspectives d’une solidarité indispensable à l’ambition de « faire société ».

« Sup­pri­mer les coti­sa­tions sociales sur le salaire pour redon­ner du pou­voir d’achat, c’est ce que veut le RN ; j’ai ren­con­tré quelqu’un qui m’a dit que c’était une bonne idée, quand je lui ai deman­dé com­ment il allait payer l’hôpital s’il en avait besoin, il m’a répon­du qu’il pré­sen­te­rait sa carte vitale. » Un résu­mé en forme d’anecdote, pré­sen­té par Claude Farge lors du débat qui a eu lieu le 24 novembre à Voi­ron.

Un résu­mé de la soi­rée, somme toute. La part du salaire ver­sée à la Sécu­ri­té sociale sous forme de coti­sa­tion, c’est ce qui finance l’accès aux soins pour tous. Au méde­cin, à l’hôpital, à la retraite aus­si. Ce que l’on ne répé­te­ra jamais assez.

Claude Farge.

L’intervention de Thier­ry Braillon, mili­tant de la CGT et admi­nis­tra­teur de la mutuelle Soli­mut ne disait pas autre chose. Un expo­sé détaillé, riche d’informations, qui remon­tait aux ori­gines de la soli­da­ri­té face à la mala­die, et à la créa­tion de la Sécu­ri­té sociale par les ordon­nances des 4 et 19 octobre 1945, dans laquelle le ministre com­mu­niste Ambroise Croi­zat a joué un rôle déter­mi­nant. « Un par­ti com­mu­niste à 29 % et une CGT forte de cinq mil­lions d’adhérents, ça aide », consta­tait-il.

Thier­ry Braillon rap­pe­lait les prin­cipes consti­tu­tifs de la Sécu­ri­té sociale. La répar­ti­tion, tout d’abord. Les coti­sa­tions sont immé­dia­te­ment rever­sées sous la forme de pres­ta­tions, ce qui évite tout risque de défaillance d’un inter­mé­diaire finan­cier. La coti­sa­tion, ensuite : des­ti­née aux pres­ta­tions, elle n’est pas un impôt qui serait sus­cep­tible d’être uti­li­sé pour d’autres dépenses – « on a vu ce que ça pou­vait don­ner en Angle­terre ». L’unicité, autre­ment dit des droits égaux pour tous à une pres­ta­tion selon ses besoins : le bon moyen de garan­tir l’adhésion de tous, de faire socié­té autour d’un sys­tème com­mun. L’universalité enfin : l’accès à la san­té, aux pres­ta­tions sociales et à la retraite est garan­ti à tous.

Thier­ry Braillon, admi­nis­tra­teur de la mutuelle Soli­mut et mili­tant CGT.

Un sys­tème qui, dès son ori­gine, a fait l’objet d’attaques conduites par la droite et le patro­nat. Les ordon­nances du 21 août 1967 en consti­tuent une des étapes : c’est la fin de l’élection des admi­nis­tra­teurs repré­sen­tant les sala­riés – les coti­sants – pour gérer la Sécu­ri­té sociale et l’instauration du pari­ta­risme : une moi­tié d’administrateurs dési­gnés par les syn­di­cats de sala­riés et une autre moi­tié par les employeurs – avant cette date, la ges­tion de la sécu était assu­rée des direc­tions com­po­sées de sala­riés à 75 %. Thier­ry Braillon en pro­fi­tait pour rap­pe­ler que « ce qu’on appelle les charges patro­nales est pré­le­vé sur la richesse créée dans l’entreprise… par les sala­riés ». Les admi­nis­tra­teurs patro­naux n’ont par consé­quent pas de légi­ti­mi­té par­ti­cu­lière : l’argent ne sort pas de leur poche, à l’inverse des coti­sa­tions des sala­riés.

Une soi­rée qui fera l’ob­jet d’un repor­tage vidéo.

Du plan Veil de 1975, à celui de Ray­mond Barre qui, en 1980, crée les dépas­se­ments d’honoraires, au plan Jup­pé de 1995… les remises en cause sont nom­breuses. Celle de 2019 n’est pas la moins impor­tante : la loi de finan­ce­ment de la Sécu­ri­té sociale adop­tée par la majo­ri­té macro­niste sup­prime l’obligation pour l’État de com­pen­ser les exo­né­ra­tions de coti­sa­tions sociales patro­nales déci­dées par les gou­ver­ne­ments – exo­né­ra­tions d’ailleurs à l’origine d’un défi­cit pro­cla­mé.

Aujourd’hui, que reste-t-il de la sécu ? Beau­coup de choses, pour­tant, sou­li­gnait Thier­ry Braillon.

Des prin­cipes de soli­da­ri­té aux­quels les citoyens sont atta­chés et une struc­ture, une orga­ni­sa­tion, des fon­da­men­taux, qui repré­sentent un atout pour envi­sa­ger les défis à venir que sont le vieillis­se­ment de la popu­la­tion, le chan­ge­ment cli­ma­tique et les inter­ac­tions entre la san­té humaine et l’environnement. Défis qui imposent le ren­for­ce­ment de la soli­da­ri­té et non pas le repli sur soi dans un indi­vi­dua­lisme pro­mu par l’ultralibéralisme.

Damien Bagnis, secré­taire de l’USD san­té CGT.

Thier­ry Braillon pro­po­sait ain­si d’axer la défense de la Sécu­ri­té sociale sur des luttes offen­sives : la dénon­cia­tion des exo­né­ra­tions des coti­sa­tions patro­nales – « le séna­teur com­mu­niste Fabien Gay a mon­tré que l’aide aux entre­prises était le pre­mier bud­get de l’État » –, le pro­jet d’une Sécu­ri­té sociale inté­grale assu­rant des rem­bour­se­ments à 100 %, d’une sécu gérée par des repré­sen­tants élus des sala­riés coti­sants, aux champs d’activité élar­gis à la perte d’autonomie, aux situa­tions de han­di­caps, mais aus­si au loge­ment social ou au chô­mage.

Le débat qui a sui­vi l’exposé a par­fois pris des allures très tech­niques, démon­trant la connais­sance des par­ti­ci­pants des rouages de la pro­tec­tion sociale dans notre pays.

Tech­nique, mais aus­si reven­di­ca­tif. Damien Bagnis, secré­taire de l’Union syn­di­cale dépar­te­men­tale CGT san­té, mon­trait com­bien sont liés les com­bat pour la défense de l’hôpital, la lutte contre les déserts médi­caux « y com­pris à Gre­noble » et la pro­mo­tion de la Sécu­ri­té sociale. Il notait éga­le­ment que « ce sont des firmes mul­ti­na­tio­nales qui fixent le prix du médi­ca­ment » et réité­rait la pro­po­si­tion de la CGT de créa­tion d’un pôle public du médi­ca­ment.

Nico­las Benoit, secré­taire de l’u­nion dépar­te­men­tale CGT.

Nico­las Benoit, secré­taire de l’union dépar­te­men­tale CGT, appe­lait les sala­riés à se rap­pro­cher de la CGT pour sai­sir l’opportunité du renou­vel­le­ment des repré­sen­tants des sala­riés à la Sécu­ri­té sociale qui aura lieu l’année pro­chaine et à par­ti­ci­per à la jour­née d’action du 2 décembre.

Depuis sa créa­tion, la Sécu­ri­té sociale a tou­jours été une affaire de luttes.

La réflexion pou­vait se pour­suivre avec les livres et la docu­men­ta­tion dis­po­nible dans les stands par­te­naires.
Un expo­sé et des débats sui­vis par plus de cent per­sonnes.
Une expo­si­tion sur la Sécu­ri­té sociale était pré­sen­tée aux par­ti­ci­pants.
Un apé­ri­tif dina­toire a conclu la ren­contre.

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