En Maurienne, les camions ne prennent plus le train

Par Luc Renaud

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Pascal Di Maria et Frédéric Faure, syndicalistes CGT de VIAA Connect Bourgneuf Aiton ; et Antoine Fatiga, responsable de la CGT Transports Alpes.
Vingt salariés licenciés après l’arrêt du ferroutage dans la vallée de la Maurienne, en Savoie, malgré la réouverture de la voie après l’éboulement de 2023. La CGT dénonce ces licenciements et l’écart entre les discours sur le climat et la réalité de la fermeture de fait de l’Autoroute ferroviaire alpine.

40 000 camions et vingt licen­cie­ments. Vingt licen­cie­ments de sala­riés dont le tra­vail était de mettre ces camions sur des trains pour tra­ver­ser les Alpes.

Repre­nons. 27 août 2023. La mon­tagne s’effondre en Mau­rienne, le tra­fic fer­ro­viaire est inter­rom­pu. Il fau­dra attendre le 31 mars 2025 pour que les trains cir­culent à nou­veau entre la France et l’Italie.

Les trains, mais pas tous. La voie était emprun­tée par l’Autoroute fer­ro­viaire alpine : les remorques étaient char­gées sur des wagons à Bour­gneuf-Aiton, à l’entrée de la Mau­rienne, puis repre­naient la route à Orbas­sa­no en Ita­lie. Un peu plus de 40 000 pas­sages annuels. Tout aurait dû reprendre en mars der­nier.

Le démantèlement de Fret SNCF

Mais voi­là. La socié­té Fret SNCF a entre­temps été déman­te­lée, sur déci­sion gou­ver­ne­men­tale en appli­ca­tion après injonc­tion de la Com­mis­sion euro­péenne. Avec une obli­ga­tion, celle de céder 30 % de son tra­fic à la concur­rence.

Dont le trans­port des camions sur des trains entre la France et l’Italie.

C’est donc aujourd’hui la socié­té Mer­ci­ta­lia, filiale du groupe Fer­ro­vie del­lo Sta­to Ita­liane, qui est déten­trice du mar­ché. Et qui se refuse au redé­mar­rage de l’Autoroute fer­ro­viaire alpine tant qu’elle n’aura pas obte­nu les sub­ven­tions d’exploitation qu’elle demande à la Com­mis­sion euro­péennes et aux ins­tances trans­fron­ta­lières.

Les vingt sala­riés concer­nés étaient employés par VIAA Connect Bour­gneuf Aiton, une filiale de Rail Logis­tics Europe, socié­té issue du déman­tè­le­ment de Fret SNCF et elle-même filiale de la SNCF. VIAA Connect Bour­gneuf Aiton, char­gée de l’accueil des camions à Bour­gneuf et du char­ge­ment des remorques sur les trains n’a plus d’activité, puisque Mer­ci­ta­lia n’assure pas la liai­son avec l’Italie. Après une période de chô­mage par­tiel, les sala­riés sont donc aujourd’hui licen­ciés.

Une situa­tion que dénonce la CGT, son syn­di­cat de VIAA et la CGT trans­port Alpes. « Il y a les dis­cours et les actes, s’indigne Antoine Fati­ga, d’un côté on parle d’écologie et de pol­lu­tion de l’air en Mau­rienne, et de l’autre ont laisse 40 000 camions cir­cu­ler alors qu’ils devraient être sur des trains. »

Le marché libre et non faussé, ça ne marche pas

Plus lar­ge­ment, Antoine Fati­ga rap­pelle une réa­li­té : « Si l’on veut réduire le trans­port rou­tier entre la France et l’Italie, il faut soit ins­ti­tuer une rede­vance sur les camions, soit sub­ven­tion­ner le fret fer­ro­viaire ; faire confiance au mar­ché pour réduire la pol­lu­tion, ça ne marche pas. »

La CGT a donc déci­dé d’informer les Mau­rien­nais sur ce blo­cage et d’intervenir à nou­veau auprès des pou­voirs publics pour dénon­cer cette situa­tion. En deman­dant qu’une solu­tion soit trou­vée pour que le tra­fic reprenne au plus vite et que les sala­riés soient réem­bau­chés. Non sans un regret : « les éco­lo­gistes que l’on voit s’opposer au Lyon Turin en nous répé­tant que la voie his­to­rique est suf­fi­sante, on ne les voit jamais pour exi­ger avec nous la reprise du trans­port de fret sur les trains », s’étonne Fré­dé­ric Faure, le délé­gué CGT de VIAA Connect Bour­gneuf Aiton.

Mise en service en 2003

L’autoroute fer­ro­viaire alpine a été créée sous l’égide de Jean-Claude Gays­sot, ministre com­mu­niste des trans­ports, lors du som­met fran­co-ita­lien du 29 jan­vier 2001. Cette déci­sion fai­sait notam­ment suite à l’accident dra­ma­tique sur­ve­nu en mars 1999 dans le tun­nel du Mont-Blanc. Son exploi­ta­tion a com­men­cé le 4 novembre 2003.

Le site de Bour­gneuf-Aiton, à l’entrée de la val­lée de la Mau­rienne, au départ pro­prié­té du dépar­te­ment de Savoie, a été repris par l’État en 2020. L’aménagement des accès pour les camions a été réa­li­sé par le dépar­te­ment de Savoie et l’État.

Ce ser­vice de fer­rou­tage est sub­ven­tion­né par la France et l’Italie et vise à réduire l’impact sur l’environnement du tra­fic rou­tier dans les Alpes.

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