En Maurienne, les camions ne prennent plus le train
Par Luc Renaud
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40 000 camions et vingt licenciements. Vingt licenciements de salariés dont le travail était de mettre ces camions sur des trains pour traverser les Alpes.
Reprenons. 27 août 2023. La montagne s’effondre en Maurienne, le trafic ferroviaire est interrompu. Il faudra attendre le 31 mars 2025 pour que les trains circulent à nouveau entre la France et l’Italie.
Les trains, mais pas tous. La voie était empruntée par l’Autoroute ferroviaire alpine : les remorques étaient chargées sur des wagons à Bourgneuf-Aiton, à l’entrée de la Maurienne, puis reprenaient la route à Orbassano en Italie. Un peu plus de 40 000 passages annuels. Tout aurait dû reprendre en mars dernier.
Le démantèlement de Fret SNCF
Mais voilà. La société Fret SNCF a entretemps été démantelée, sur décision gouvernementale en application après injonction de la Commission européenne. Avec une obligation, celle de céder 30 % de son trafic à la concurrence.
Dont le transport des camions sur des trains entre la France et l’Italie.
C’est donc aujourd’hui la société Mercitalia, filiale du groupe Ferrovie dello Stato Italiane, qui est détentrice du marché. Et qui se refuse au redémarrage de l’Autoroute ferroviaire alpine tant qu’elle n’aura pas obtenu les subventions d’exploitation qu’elle demande à la Commission européennes et aux instances transfrontalières.
Les vingt salariés concernés étaient employés par VIAA Connect Bourgneuf Aiton, une filiale de Rail Logistics Europe, société issue du démantèlement de Fret SNCF et elle-même filiale de la SNCF. VIAA Connect Bourgneuf Aiton, chargée de l’accueil des camions à Bourgneuf et du chargement des remorques sur les trains n’a plus d’activité, puisque Mercitalia n’assure pas la liaison avec l’Italie. Après une période de chômage partiel, les salariés sont donc aujourd’hui licenciés.
Une situation que dénonce la CGT, son syndicat de VIAA et la CGT transport Alpes. « Il y a les discours et les actes, s’indigne Antoine Fatiga, d’un côté on parle d’écologie et de pollution de l’air en Maurienne, et de l’autre ont laisse 40 000 camions circuler alors qu’ils devraient être sur des trains. »
Le marché libre et non faussé, ça ne marche pas
Plus largement, Antoine Fatiga rappelle une réalité : « Si l’on veut réduire le transport routier entre la France et l’Italie, il faut soit instituer une redevance sur les camions, soit subventionner le fret ferroviaire ; faire confiance au marché pour réduire la pollution, ça ne marche pas. »
La CGT a donc décidé d’informer les Mauriennais sur ce blocage et d’intervenir à nouveau auprès des pouvoirs publics pour dénoncer cette situation. En demandant qu’une solution soit trouvée pour que le trafic reprenne au plus vite et que les salariés soient réembauchés. Non sans un regret : « les écologistes que l’on voit s’opposer au Lyon Turin en nous répétant que la voie historique est suffisante, on ne les voit jamais pour exiger avec nous la reprise du transport de fret sur les trains », s’étonne Frédéric Faure, le délégué CGT de VIAA Connect Bourgneuf Aiton.
Mise en service en 2003
L’autoroute ferroviaire alpine a été créée sous l’égide de Jean-Claude Gayssot, ministre communiste des transports, lors du sommet franco-italien du 29 janvier 2001. Cette décision faisait notamment suite à l’accident dramatique survenu en mars 1999 dans le tunnel du Mont-Blanc. Son exploitation a commencé le 4 novembre 2003.
Le site de Bourgneuf-Aiton, à l’entrée de la vallée de la Maurienne, au départ propriété du département de Savoie, a été repris par l’État en 2020. L’aménagement des accès pour les camions a été réalisé par le département de Savoie et l’État.
Ce service de ferroutage est subventionné par la France et l’Italie et vise à réduire l’impact sur l’environnement du trafic routier dans les Alpes.