Les débats de la fête du TA. L’entreprise, quel travail !
Par Max Blanchard
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Désindustrialisation massive, effondrement de l’emploi et recul de la gauche ont des conséquences négatives sur le monde du travail pour lequel la démocratie s’arrête au seuil de l’entreprise.

Un constat tout d’abord. Si les notions de gauche et de monde du travail ne se recoupent pas toujours, c’est parce que le mouvement ouvrier est affaibli, que les collectifs de travail ont changé et que l’on constate une accentuation de la séparation de l’ouvrier du collectif. C’est ce qu’a détaillé Nicolas Cohard, secrétaire USTM CGT 38. La situation se traduit par la casse du sentiment d’appartenance à l’entreprise, une perte du sens du travail : « L’entreprise est un lieu où les salariés sont les laissés-pour-compte de la politique du capital. » D’où la nécessité d’introduire la démocratie sociale dans celle-ci, de développer les nationalisations, de susciter Scop ou Scic, les salariés devenant ainsi décideurs.
Quelle gestion alors ? « La situation des Scop en France est pire qu’ailleurs », dénonce Laurence Ruffin, dirigeante de la Scop Alma. « On a le moins d’administrateurs salariés en Europe ! » Et d’expliquer qu’il est essentiel de réintroduire la démocratie économique pour le bien-être de l’individu, pour la robustesse de l’entreprise, pour l’économie par la gouvernance partagée, la démocratie.
« La philosophie des Scop (une personne, une voix) est la vision d’une petite société. »
Laurence Ruffin (Alma Scop)
« Le mouvement coopératif fonctionne en réseau, en accordant une attention particulière sur l’industrie, même si on se développe surtout au niveau des services », argumente la vice-présidente de la Confédération générale des Scop. Elle rappelle l’accompagnement des salariés du réseau pour la création de Scop (Duralex), tout en dénonçant les contraintes financières dues au sous-investissement de l’État dans les projets. Pour Laurence Ruffin, « la philosophie des Scop (une personne, une voix) est la vision d’une petite société ».
Que faire ? Jérémie Giono, secrétaire du PCF 38, insiste sur la nécessité de redonner la fierté du travail produit, de prendre la main sur l’appareil productif. Et montre l’actualité du plan emploi/formation du PCF visant à étendre la sécurité sociale aux questions de l’emploi.
Mathieu, représentant du Parti du travail de Belgique (PTB), décrit les démarches de son parti pour mettre la question du monde ouvrier au centre de son organisation et de son action. Une orientation se concentrant sur des secteurs-clé, avec de premiers résultats dans la bataille contre les pensions (retraites) à 67 ans.
« Pour notre parti, si on a reculé en termes d’implantation, on intervient cependant sur une mise en réseau pour un discours politique sur l’entreprise, situe Jérémie Giono. On essaie de construire des espaces où les gens se questionnent. »

Carré magique
Deux journalistes, un élu, un dirigeant de club. Voilà le panel réuni par le TA et les ultras grenoblois des Red Kaos, coorganisateurs du débat sur la « financiarisation du football ». Vaste thème, comme le souligne le sénateur PCF de Marseille Jérémy Bacchi, vice-président de la commission sport du Sénat, évoquant les stades devenus, dans les années 2000, « des lieux d’expérimentation des politiques publiques » sur la gestion des déplacements, les fumigènes…
Jérôme Latta, cofondateur des Cahiers du football, retrace la « révolution économique » des droits de diffusion, qui ont connu une « hausse exponentielle » depuis les 80’s (jusqu’au plateau du Covid). En parallèle, la réforme de la Ligue des champions, en 1992, illustre ce système de « ruissellement vers le haut, ce choix d’enrichir les clubs les plus riches ». Une période marquée par le fameux « arrêt Bosman » libéralisant le marché des joueurs, en 1995.
Le choix du « ruissellement vers le haut »
Désormais, on voit surtout trois types d’investisseurs, détaille Jérôme Latta : « les milliardaires russes, américains ou du Moyen-Orient, les fonds d’investissement et les fonds souverains » (cf le Qatar au PSG). S’y ajoute la multipropriété des clubs, avec « une souveraineté déléguée au vaisseau amiral » (tels Manchester City ou Chelsea), fustige Jérémy Bacchi.
« Près de 50 % des clubs appartiennent à des fonds de pension ou sont intégrés à une multipropriété », déplore Max Marty, directeur du GF38, qui vante l’ancrage local du club. Lui refuse cette « uniformisation », convaincu « qu’on ne joue pas au foot de la même façon » à Nantes, Lens ou Grenoble. Quid de la crise actuelle des droits TV ? « Quand vous perdez 4,5 millions sur 13 M€, c’est dur… Il faut faire des efforts ! »
« Le football est en crise permanente », nuance Étienne Moatti, grand reporter à L’Équipe. « Quel autre modèle existe-t-il ? Augmenter le prix des places, comme en Angleterre ? Il y a besoin d’argent dans le foot », estime-t-il, louant la « solidarité » française avec 19 % des droits TV de L1 reversés à la L2. L’argent, il en faut donc, abonde l’élu PCF. Mais avec « plus d’équité », pour faire perdurer — ou revivre — « un football populaire ».
Manuel Pavard

Italie : quel fascisme ?
L’historien Grégoire Le Qang et Stefano Galieni, de Rifondazione Comunista, analysent le fascisme italien contemporain. Le gouvernement de Giorgia Meloni, malgré son obsession anti-migrants, anti-fiscalité, anti-politique, affiche son alignement économique (retraite à 67 ans), international (soutien à Trump et à l’Otan), tout en accroissant son contrôle sur les médias d’État. Giorgia Meloni, issue du Mouvement social italien (fondé par d’anciens fascistes), ex-ministre de Berlusconi, préside le parti d’extrême droite et national-conservateur Fratelli d’Italia, membre de la coalition de centre droit et seul grand parti du Parlement.
Le MSI a bénéficié des mansuétudes gouvernementales avant une normalisation due à l’arrivée de Berlusconi. Pour accéder au pouvoir, elle a donc utilisé une voie déblayée par d’autres tout en construisant une image de défenseur du peuple, présentant une façade de respectabilité cachant une grande radicalité.
« Ils reprennent les traditions du fascisme social tout en les mettant au goût du jour », confie Stefano. Tout est fait ainsi pour montrer que « l’ennemi c’est celui qui est encore moins bien loti que soi, qui est différent ». Une guerre contre les pauvres. Pour Rifondazione Comunista, il faut redonner son espace à la vrai politique. Et de saluer un certain réveil de la société civile et des manifestations.

Communes : résister au présent
Des élus de gauche prouvent que les communes peuvent être des lieux de résistance contre la politique de l’État. « L’égalité républicaine est en danger », souligne Guillaume Lissy, maire PS de Seyssinet-Pariset. « Il faut se battre pour préserver et développer nos équipements. On a moins de leviers qu’avant, mais des capacités d’agir », ajoute Laurent Amadieu, maire EELV de Saint-Égrève. Amandine Demore, maire PCF d’Échirolles, démontre, exemples locaux à l’appui, combien l’État maltraite les communes et ses populations.
David Queiros, maire PCF de Saint-Martin d’Hères, fustige un gouvernement qui s’attaque « aux politiques visant à réduire les inégalités sociales », et étrangle financièrement les communes sans combattre l’évasion fiscale.
Quid de l’intercommunalité ? « On a moins la main », dit Laurent Amadieu, Amandine Demore déplorant « qu’elle éloigne des citoyens alors qu’elle porte des sujets quotidiens (voiries) ».
La résistance,? « C’est dans l’ADN des gens, c’est culturel », exprime Laurent Amadieu. « Mieux se connaître, c’est aussi participer à une résistance », selon Yann Berhault, maire de Jarcieu. Pour Sophie Celton (Coopérative des élus communistes et républicains), « les communes sont des foyers de démocratie, d’où les attaques. On doit se rassembler pour mieux résister ! »
Amandine Demore rebondit : « Pour les prochaines municipales, il faudra rassembler la gauche au plus près des citoyens dans les communes ! »


