Festival Bien l’Bourgeon : défendre la culture contre la post-vérité

Par Travailleur Alpin

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Interview croisée de Médine et Bilal Hassani, parue le 31 août 2023 dans L'Humanité Magazine, à quelques jours de leurs passages respectifs à la Fête de l'Huma. DR
Alors que la polémique fait rage après le retrait de la subvention départementale au festival Bien l'Bourgeon - qui s'est tenu du 29 au 31 mai à Gresse-en-Vercors -, Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF Isère, Bernard Ferrari et Adrien Guerre, ancien et actuel directeurs techniques de la Fête du Travailleur alpin, signent une tribune en forme de mise au point. Ceci pour dénoncer les manipulations de la droite iséroise et "l'offensive réactionnaire" contre Médine, tout en réaffirmant leur soutien total à Mix'Arts.

La méthode fallacieuse de la droite iséroise pour retirer la subvention à Mix’Arts

Il y a quelques semaines, au pré­texte de la pré­sence du rap­peur Médine à l’affiche du fes­ti­val, la droite a uti­li­sé un sub­ter­fuge pour reti­rer la sub­ven­tion dépar­te­men­tale au fes­ti­val Bien l’Bourgeon orga­ni­sé par l’association Mix’Arts, les 29, 30 et 31 mai, à Gresse-en-Ver­cors.

Pour ce faire, elle a impo­sé le vote d’un amen­de­ment sur­prise lors d’une réunion de la com­mis­sion per­ma­nente du Dépar­te­ment. Un tem­po qui aura contraint les élu∙e∙s à se posi­tion­ner dans l’urgence, sans pou­voir s’informer et dis­po­ser d’un mini­mum de temps de réflexion. La droite a ain­si pu dérou­ler des élé­ments par­cel­laires, et impo­ser son cadrage, pro­fi­tant de la mécon­nais­sance géné­rale du sujet.

Hygiénisme idéologique et culture populaire sous contrôle

Nous ne sommes pas de ceux qui défendent la « liber­té d’expression » sans filtre. Notre belle liber­té d’expression à la fran­çaise mérite d’être accom­pa­gnée d’un haut sens des res­pon­sa­bi­li­tés, et impose donc des limites à ceux qui véhi­culent des idées de haine. Mais s’agit-il de cela aujourd’hui ?

Médine a eu des pro­pos ou des gestes dépla­cés à un moment de sa car­rière. Nous n’allons évi­dem­ment pas dans ce sens. Mais faut-il l’assigner à cela à per­pé­tui­té, alors même qu’il est clai­re­ment reve­nu des­sus, et s’est depuis enga­gé en faveur de valeurs clai­re­ment pro­gres­sistes ?

Médine avait ren­con­tré un joli suc­cès à la Fête du Tra­vailleur alpin 2019, à Fon­taine. © Luc Renaud

Serait-il venu à l’esprit d’interdire les der­nières tour­nées d’Orelsan au motif de son titre miso­gyne de 2006, sur lequel il a depuis fait son mea-culpa ? Com­bien d’albums, d’interviews, et sur com­bien d’années doit-on dis­sé­quer un artiste avant de le pro­gram­mer sur un fes­ti­val ? Qui dicte la « fré­quen­ta­bi­li­té » ou l’exclusion de tel ou tel artiste et sur quelles bases ?

Plus gra­ve­ment, ces retraits de finan­ce­ments par les droites de cer­taines col­lec­ti­vi­tés servent une dérive hygié­niste, un désir d’uniformisation et de pen­sée unique dans la culture venue de temps que nous sou­hai­te­rions dis­pa­rus.

De plus, nous notons que des pro­pos bien plus cho­quants expri­més par nombre d’artistes mains­tream ne pro­voquent pas les mêmes réac­tions indi­gnées. La miso­gy­nie, l’idéologie de l’argent-roi, n’effrayent évi­dem­ment pas les oreilles chastes de ceux qui cherchent à se pré­sen­ter comme des finan­ceurs poin­tilleux. Du moment que l’artiste ne prend pas part à gauche dans le débat public, tout semble per­mis.

Médine et Bilal Has­sa­ni dans L’Hu­ma­ni­té Maga­zine (août 2023) : ima­gine-t-on un « isla­miste » s’af­fi­cher aux côtés d’une icône LGBT reven­di­quée ? DR

Ne nous y trom­pons pas, l’offensive réac­tion­naire contre Médine est un exemple fla­grant de construc­tion d’une « post-véri­té » venue des rangs de l’extrême droite, qui s’impose au mépris des actes réels de l’artiste, pour ostra­ci­ser une figure popu­laire qui s’inscrit désor­mais dans le vaste camp du pro­grès social. Et nous sommes fiers du suc­cès ren­con­tré par Médine à la Fête du Tra­vailleur alpin lors de son édi­tion de 2019.

Com­ment qua­li­fier d’« isla­miste » quelqu’un qui pose dans l’Humanité Maga­zine aux côtés de Bilal Has­sa­ni, figure artis­tique LGBTQ+ de la musique fran­çaise ? Soyons sérieux…

Soutenir Mix’Arts et les acteurs culturels locaux

Reti­rer une sub­ven­tion à Mix’Arts, c’est péna­li­ser cette asso­cia­tion sur l’ensemble de ses acti­vi­tés. Sur tout ce qu’elle crée, tout ce qu’elle anime loca­le­ment et tout ce qu’elle fait naître.

Mix’Arts est un acteur incon­tour­nable de notre scène gre­no­bloise et au-delà. Le dyna­misme, la richesse et la vie qu’elle apporte à notre culture locale doivent être encou­ra­gées. Les valeurs d’horizontalité, de lien social, d’éducation popu­laire, de res­pect de l’environnement et de diver­si­té cultu­relle sont des valeurs que nous par­ta­geons et pour les­quelles nous avan­çons ensemble.

La Fête du Tra­vailleur alpin s’engage aujourd’hui et s’engagera encore demain aux côtés de Mix’Arts et des asso­cia­tions cultu­relles locales, avec qui nous créons, ensemble, notre richesse com­mune.

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