Fonction publique. Défilé réussi mais terni par deux arrestations abusives à Grenoble
Par Manuel Pavard
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« Du fric pour les services publics ». Le slogan, martelé à chaque mobilisation depuis plusieurs mois, est presque devenu le cri de ralliement officiel des agents de la fonction publique. Lesquels l’ont encore une fois scandé dans les rues de Grenoble, ce mardi 3 mai, lors de cette nouvelle manifestation organisée à l’appel de l’intersyndicale (CGT, FSU, CNT, Solidaires, FO, Unsa), à l’occasion de la journée de grève nationale.

De fait, pour les manifestants défilant entre la place Victor-Hugo et la place de Verdun, l’argent est plus que jamais le nerf de la guerre. Les syndicats dénoncent en effet les 40 milliards d’euros d’économies prévus par le gouvernement Bayrou dans le budget 2026, et les conséquences sur l’emploi de la fusion annoncée d’un tiers des agences et opérateurs de l’État, qui doit permettre, selon le ministère de l’Économie, de réaliser plus spécifiquement « 2 à 3 milliards d’économies ».

L’orientation choisie par l’exécutif conduirait ainsi à une « austérité budgétaire qui ne dit pas son nom », affirme l’intersyndicale. Celle-ci la refuse car cela « sacrifiera le service rendu aux usagers, affaiblira toutes les rémunérations des agents de la fonction publique et dégradera encore leurs conditions de travail ». Des conséquences déjà observées, par exemple, dans l’Éducation nationale, comme l’illustre le mouvement « Pas de moyens, pas de rentrée » mené par les personnels de 45 écoles et collèges des quartiers populaires de l’agglomération. Des enseignants, AESH, Atsem, qui formaient un cortège massif derrière la banderole « Éducation publique en lutte ».
« Les salaires sont insuffisants pour vivre correctement »
Les manifestants demandent donc, pêle-mêle, le rétablissement de la rémunération complète, sans carence, pendant les jours d’arrêt maladie ordinaire, « des moyens budgétaires à la hauteur des missions des services et des politiques publiques », des créations d’emplois « partout où c’est nécessaire », la titularisation des contractuels, l’augmentation de la valeur du point d’indice ou encore l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes.

Dans la fonction publique, « les salaires des agents sont aujourd’hui insuffisants pour vivre correctement », déplore Serge Benito, retraité de La Poste et militant CGT. Selon lui, « il faut débloquer le point d’indice qui, depuis 2010, est bloqué — à part une année. En quinze ans, on a perdu environ 10 % de pouvoir d’achat ». L’objectif est bien d’augmenter les salaires « pour toutes les catégories de fonctionnaires » et de faire en sorte qu’il n’y ait « plus aucun salaire en-dessous du Smic ». Une exigence d’autant plus légitime que « chaque année, on donne 200 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises sans aucun contrôle », s’insurge Serge Benito.

Sillonnant les rues du centre-ville durant près de deux heures, les manifestants ont pu rappeler ces diverses réclamations. Un défilé joyeux, combatif et dynamique, mais également très calme. D’où la surprise et le choc ressentis par l’ensemble du cortège face à la répression policière aussi inattendue que disproportionnée. Alors que la manifestation, arrivée quasiment à son terme, venait de dépasser le rectorat, deux enseignants ont été interpellés par la police, peu après midi.
En garde à vue pour un slogan visant Bruno Retailleau
Motif invoqué : un slogan figurant sur l’une des banderoles en cellophane noires que les deux hommes ont accrochées tout au long du parcours, entre des arbres, des panneaux de signalisation ou des feux tricolores. Le message en question visait le ministre de l’Intérieur : « 9 mai, Paris : Retailleau ❤ les néonazis ». Une référence à la manifestation néofasciste ayant rassemblé un millier de militants de l’extrême droite radicale, ce samedi, à Paris, et qui avait été autorisée par le tribunal administratif, après l’interdiction préfectorale initiale.

Les enseignants ont été placés en garde à vue pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », avant d’être laissés libres au bout de trois heures. Mais ils seront « convoqués pour une audition ultérieure en juin prochain, en vue d’éventuelles poursuites », selon la Direction intedépartementale de la police nationale (DIPN), interrogée par France 3.

Indignés par ces arrestations, des manifestants se sont rendus devant le commissariat pour soutenir leurs camarades. Pour Thibaut Michoux, du Snes-FSU, « une décision a été prise de provoquer, de faire peur, de mettre la pression sur des gens qui manifestaient pacifiquement pour les services publics ». Sans dissimuler son inquiétude, le représentant syndical promet : « Nous n’allons pas nous laisser intimider et accepter cette remise en cause de la liberté d’expression. Tout cela n’est pas anodin », conclut-il.
