Fonction publique. Défilé réussi mais terni par deux arrestations abusives à Grenoble

Par Manuel Pavard

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Enseignants et travailleurs de l'éducation étaient présents en nombre au sein du cortège.
Un millier d'agents de la fonction publique ont manifesté ce mardi 3 mai à Grenoble, à l'appel de l'intersyndicale, dans le cadre de la journée nationale de grève et de mobilisation contre les économies prévues par le gouvernement dans le budget 2026. Dénonçant les coupes budgétaires, les manifestants réclamaient également de meilleures rémunérations et des créations d'emplois. Malheureusement, la manifestation s'est terminée par l'interpellation de deux enseignants, placés en garde à vue pour "outrage" en raison d'une banderole visant Bruno Retailleau.

« Du fric pour les ser­vices publics ». Le slo­gan, mar­te­lé à chaque mobi­li­sa­tion depuis plu­sieurs mois, est presque deve­nu le cri de ral­lie­ment offi­ciel des agents de la fonc­tion publique. Les­quels l’ont encore une fois scan­dé dans les rues de Gre­noble, ce mar­di 3 mai, lors de cette nou­velle mani­fes­ta­tion orga­ni­sée à l’ap­pel de l’in­ter­syn­di­cale (CGT, FSU, CNT, Soli­daires, FO, Unsa), à l’oc­ca­sion de la jour­née de grève natio­nale.

La ban­de­role de tête de l’in­ter­syn­di­cale : « Non à la casse des ser­vices publics ».

De fait, pour les mani­fes­tants défi­lant entre la place Vic­tor-Hugo et la place de Ver­dun, l’argent est plus que jamais le nerf de la guerre. Les syn­di­cats dénoncent en effet les 40 mil­liards d’euros d’économies pré­vus par le gou­ver­ne­ment Bay­rou dans le bud­get 2026, et les consé­quences sur l’emploi de la fusion annon­cée d’un tiers des agences et opé­ra­teurs de l’État, qui doit per­mettre, selon le minis­tère de l’É­co­no­mie, de réa­li­ser plus spé­ci­fi­que­ment « 2 à 3 mil­liards d’é­co­no­mies ».

Les per­son­nels gré­vistes des écoles des quar­tiers popu­laires ont défi­lé à l’a­vant du cor­tège der­rière la ban­de­role « édu­ca­tion publique en lutte ».

L’o­rien­ta­tion choi­sie par l’exé­cu­tif condui­rait ain­si à une « aus­té­ri­té bud­gé­taire qui ne dit pas son nom », affirme l’in­ter­syn­di­cale. Celle-ci la refuse car cela « sacri­fie­ra le ser­vice ren­du aux usa­gers, affai­bli­ra toutes les rému­né­ra­tions des agents de la fonc­tion publique et dégra­de­ra encore leurs condi­tions de tra­vail ». Des consé­quences déjà obser­vées, par exemple, dans l’É­du­ca­tion natio­nale, comme l’illustre le mou­ve­ment « Pas de moyens, pas de ren­trée » mené par les per­son­nels de 45 écoles et col­lèges des quar­tiers popu­laires de l’ag­glo­mé­ra­tion. Des ensei­gnants, AESH, Atsem, qui for­maient un cor­tège mas­sif der­rière la ban­de­role « Édu­ca­tion publique en lutte ».

« Les salaires sont insuffisants pour vivre correctement »

Les mani­fes­tants demandent donc, pêle-mêle, le réta­blis­se­ment de la rému­né­ra­tion com­plète, sans carence, pen­dant les jours d’arrêt mala­die ordi­naire, « des moyens bud­gé­taires à la hau­teur des mis­sions des ser­vices et des poli­tiques publiques », des créa­tions d’emplois « par­tout où c’est néces­saire », la titu­la­ri­sa­tion des contrac­tuels, l’aug­men­ta­tion de la valeur du point d’in­dice ou encore l’é­ga­li­té sala­riale et pro­fes­sion­nelle entre les femmes et les hommes.

La mani­fes­ta­tion pas­sant devant la pré­fec­ture, place de Ver­dun.

Dans la fonc­tion publique, « les salaires des agents sont aujourd’­hui insuf­fi­sants pour vivre cor­rec­te­ment », déplore Serge Beni­to, retrai­té de La Poste et mili­tant CGT. Selon lui, « il faut déblo­quer le point d’in­dice qui, depuis 2010, est blo­qué — à part une année. En quinze ans, on a per­du envi­ron 10 % de pou­voir d’a­chat ». L’ob­jec­tif est bien d’aug­men­ter les salaires « pour toutes les caté­go­ries de fonc­tion­naires » et de faire en sorte qu’il n’y ait « plus aucun salaire en-des­sous du Smic ». Une exi­gence d’au­tant plus légi­time que « chaque année, on donne 200 mil­liards d’eu­ros d’aides publiques aux entre­prises sans aucun contrôle », s’in­surge Serge Beni­to.

De nom­breuses pan­cartes fai­saient réfé­rence aux dif­fi­cul­tés dans les écoles ou col­lèges.

Sillon­nant les rues du centre-ville durant près de deux heures, les mani­fes­tants ont pu rap­pe­ler ces diverses récla­ma­tions. Un défi­lé joyeux, com­ba­tif et dyna­mique, mais éga­le­ment très calme. D’où la sur­prise et le choc res­sen­tis par l’en­semble du cor­tège face à la répres­sion poli­cière aus­si inat­ten­due que dis­pro­por­tion­née. Alors que la mani­fes­ta­tion, arri­vée qua­si­ment à son terme, venait de dépas­ser le rec­to­rat, deux ensei­gnants ont été inter­pel­lés par la police, peu après midi.

En garde à vue pour un slogan visant Bruno Retailleau

Motif invo­qué : un slo­gan figu­rant sur l’une des ban­de­roles en cel­lo­phane noires que les deux hommes ont accro­chées tout au long du par­cours, entre des arbres, des pan­neaux de signa­li­sa­tion ou des feux tri­co­lores. Le mes­sage en ques­tion visait le ministre de l’In­té­rieur : « 9 mai, Paris : Retailleau ❤ les néo­na­zis ». Une réfé­rence à la mani­fes­ta­tion néo­fas­ciste ayant ras­sem­blé un mil­lier de mili­tants de l’ex­trême droite radi­cale, ce same­di, à Paris, et qui avait été auto­ri­sée par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, après l’in­ter­dic­tion pré­fec­to­rale ini­tiale.

C’est pour un slo­gan figu­rant sur l’une de ces ban­de­roles en cel­lo­phane noire que deux mani­fes­tants ont été arrê­tés.

Les ensei­gnants ont été pla­cés en garde à vue pour « outrage à per­sonne dépo­si­taire de l’au­to­ri­té publique », avant d’être lais­sés libres au bout de trois heures. Mais ils seront « convo­qués pour une audi­tion ulté­rieure en juin pro­chain, en vue d’é­ven­tuelles pour­suites », selon la Direc­tion inte­dé­par­te­men­tale de la police natio­nale (DIPN), inter­ro­gée par France 3.

Un défi­lé pour­tant calme et joyeux.

Indi­gnés par ces arres­ta­tions, des mani­fes­tants se sont ren­dus devant le com­mis­sa­riat pour sou­te­nir leurs cama­rades. Pour Thi­baut Michoux, du Snes-FSU, « une déci­sion a été prise de pro­vo­quer, de faire peur, de mettre la pres­sion sur des gens qui mani­fes­taient paci­fi­que­ment pour les ser­vices publics ». Sans dis­si­mu­ler son inquié­tude, le repré­sen­tant syn­di­cal pro­met : « Nous n’al­lons pas nous lais­ser inti­mi­der et accep­ter cette remise en cause de la liber­té d’expression. Tout cela n’est pas ano­din », conclut-il.

Des mili­tant-es étaient pré­sents pour faire la pro­mo de la pro­chaine fête du Tra­vailleur alpin.

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