Congés menstruels, IVG et 2e parent : les collectivités résistent face à la préfète

Par Manuel Pavard

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De gauche à droite : Sylvette Rochas, Guillaume Lissy, Corine Lemariey et Laura Pfister, à la Maison pour l'égalité, à Échirolles.
La préfecture de l'Isère demande l'annulation des délibérations instaurant des congés menstruels, IVG ou deuxième parent, prises par les villes de Grenoble, Échirolles, Seyssinet-Pariset et par la Métropole. S'exprimant ce mardi 28 janvier au soir à la Maison pour l'égalité, à Échirolles, les collectivités ont affiché leur unité et leur refus de reculer, défendant des mesures "pragmatiques". Un combat qui s'inscrit plus globalement dans la résistance à l'offensive conservatrice contre l'égalité femmes-hommes.

Le bras de fer est enga­gé. Et leur réponse est sans appel : hors de ques­tion de céder d’un pouce ! Dans le viseur de la pré­fec­ture, Gre­noble-Alpes métro­pole et les villes d’É­chi­rolles, Gre­noble et Seys­si­net-Pari­set orga­ni­saient une confé­rence de presse com­mune, ce mar­di 28 jan­vier au soir, à la Mai­son pour l’é­ga­li­té, à Échi­rolles. Les quatre col­lec­ti­vi­tés ont en effet reçu, la semaine der­nière, des cour­riers de la pré­fète de l’I­sère contes­tant leurs auto­ri­sa­tions spé­ciales d’ab­sence (ASA)

Cathe­rine Séguin a ain­si deman­dé aux com­munes de Seys­si­net-Pari­set et Échi­rolles de reti­rer « sans délai » leurs déli­bé­ra­tions ins­tau­rant des congés mens­truels, adop­tées res­pec­ti­ve­ment en juillet 2023 et sep­tembre 2024. Curieu­se­ment, la ville de Gre­noble n’est pas visée pour le congé mens­truel dont dis­posent, depuis jan­vier 2024, ses agentes souf­frant de règles dou­lou­reuses. En revanche, la pré­fète a dépo­sé des demandes d’an­nu­la­tion et de sus­pen­sion de sa déli­bé­ra­tion sur le congé deuxième parent, votée en décembre 2024. Idem pour la métro­pole, atta­quée quant à elle pour ses ASA concer­nant trois types de congés : mens­truel, deuxième parent, mais aus­si en cas d’in­ter­rup­tion volon­taire de gros­sesse.

Audience le 6 février au tribunal administratif

Pour ces deux der­nières col­lec­ti­vi­tés, les requêtes pré­fec­to­rales seront tran­chées à l’is­sue d’une audience, pré­vue le 6 février, devant le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif. Les argu­ments invo­qués ? Cathe­rine Séguin s’a­brite der­rière la légis­la­tion pour cha­cun des cas, poin­tant une pré­ten­due « rup­ture d’é­ga­li­té et de pari­té » entre les agents ain­si qu’un « contour­ne­ment de la loi » sur les 1607 heures. Mais les quatre élus pré­sents ce mar­di soir ne croient pas à une simple ques­tion de léga­li­té et situent cette démarche dans le cadre de la vaste offen­sive réac­tion­naire à l’œuvre aujourd’­hui, en France comme dans le reste du monde.

La ville de Gre­noble, mise en cause par la pré­fète, se défen­dra devant le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif.

En Pologne, en Hon­grie, aux États-Unis avec l’é­lec­tion de Donald Trump… Par­tout, on observe un « recul géné­ral » des droits des femmes, déplore Corinne Lema­riey, conseillère métro­po­li­taine délé­guée à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions. Une vague à laquelle n’é­chappe mal­heu­reu­se­ment pas la France, selon l’é­lue, qui fus­tige « un gou­ver­ne­ment extrê­me­ment conser­va­teur ». Pour elle, aucun doute, « la pré­fète envoie un mes­sage poli­tique fort ».

Pour­tant, « notre démarche est ultra-prag­ma­tique », sou­ligne le maire de Seys­si­net Guillaume Lis­sy. « Des agentes ont des dou­leurs, on apporte une réponse concrète. Ce n’est pas un sujet par­ti­san, ce sont nos adver­saires qui font de l’i­déo­lo­gie et du dog­ma­tisme. » Tous insistent ain­si sur cet aspect : des congés venant com­bler un manque et un besoin pour les per­sonnes concer­nées, mais qui ne nuisent à per­sonne, avec un impact glo­bal minime.

Illus­tra­tion à la métro­pole de Lyon, qui a mis en place un congé mens­truel — non reto­qué — avec « 80 béné­fi­ciaires en 2024, sur un total de 9600 agents », pré­cise Lau­ra Pfis­ter, adjointe à l’é­ga­li­té des droits à la ville de Gre­noble. « On monte en épingle quelque chose qui ne devrait pas être un sujet », abonde Syl­vette Rochas, adjointe aux soli­da­ri­tés, au per­son­nel et au dia­logue social à Échi­rolles.

« On invite toutes les collectivités à nous rejoindre »

Les quatre col­lec­ti­vi­tés de gauche sont en tout cas for­melles. « On ne reti­re­ra pas notre déli­bé­ra­tion. Si nous, on recule, on a per­du une par­tie de la bagarre », assène Guillaume Lis­sy, résu­mant le sen­ti­ment géné­ral. Et ce, d’au­tant qu’a­vec « le retour de Trump, qui a libé­ré la parole mas­cu­li­niste, on peut ima­gi­ner le pire », redoute Lau­ra Pfis­ter. Laquelle se fait un malin plai­sir de rap­pe­ler « le cour­rier de féli­ci­ta­tions envoyé par l’É­ly­sée » à la mai­rie de Gre­noble pour son congé mens­truel, en mai der­nier.

L’en­jeu, désor­mais, est donc éga­le­ment « poli­tique », affirme Syl­vette Rochas, qui espère voir leur « démarche col­lec­tive » faire tâche d’huile. « Des uni­ver­si­tés ont lan­cé un sys­tème de congé mens­truel en faveur des étu­diants », indique-t-elle. Et en Isère, la com­mune du Tou­vet vote­ra une déli­bé­ra­tion en ce sens, le 12 février pro­chain, en conseil muni­ci­pal. D’où l’ap­pel lan­cé par le maire de Seys­si­net : « On invite toutes les col­lec­ti­vi­tés à nous rejoindre et à ren­for­cer ce droit. »

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