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Congés menstruels, IVG et 2e parent : les collectivités résistent face à la préfète
Par Manuel Pavard
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Le bras de fer est engagé. Et leur réponse est sans appel : hors de question de céder d’un pouce ! Dans le viseur de la préfecture, Grenoble-Alpes métropole et les villes d’Échirolles, Grenoble et Seyssinet-Pariset organisaient une conférence de presse commune, ce mardi 28 janvier au soir, à la Maison pour l’égalité, à Échirolles. Les quatre collectivités ont en effet reçu, la semaine dernière, des courriers de la préfète de l’Isère contestant leurs autorisations spéciales d’absence (ASA)
Catherine Séguin a ainsi demandé aux communes de Seyssinet-Pariset et Échirolles de retirer « sans délai » leurs délibérations instaurant des congés menstruels, adoptées respectivement en juillet 2023 et septembre 2024. Curieusement, la ville de Grenoble n’est pas visée pour le congé menstruel dont disposent, depuis janvier 2024, ses agentes souffrant de règles douloureuses. En revanche, la préfète a déposé des demandes d’annulation et de suspension de sa délibération sur le congé deuxième parent, votée en décembre 2024. Idem pour la métropole, attaquée quant à elle pour ses ASA concernant trois types de congés : menstruel, deuxième parent, mais aussi en cas d’interruption volontaire de grossesse.
Audience le 6 février au tribunal administratif
Pour ces deux dernières collectivités, les requêtes préfectorales seront tranchées à l’issue d’une audience, prévue le 6 février, devant le tribunal administratif. Les arguments invoqués ? Catherine Séguin s’abrite derrière la législation pour chacun des cas, pointant une prétendue « rupture d’égalité et de parité » entre les agents ainsi qu’un « contournement de la loi » sur les 1607 heures. Mais les quatre élus présents ce mardi soir ne croient pas à une simple question de légalité et situent cette démarche dans le cadre de la vaste offensive réactionnaire à l’œuvre aujourd’hui, en France comme dans le reste du monde.
En Pologne, en Hongrie, aux États-Unis avec l’élection de Donald Trump… Partout, on observe un « recul général » des droits des femmes, déplore Corinne Lemariey, conseillère métropolitaine déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations. Une vague à laquelle n’échappe malheureusement pas la France, selon l’élue, qui fustige « un gouvernement extrêmement conservateur ». Pour elle, aucun doute, « la préfète envoie un message politique fort ».
Pourtant, « notre démarche est ultra-pragmatique », souligne le maire de Seyssinet Guillaume Lissy. « Des agentes ont des douleurs, on apporte une réponse concrète. Ce n’est pas un sujet partisan, ce sont nos adversaires qui font de l’idéologie et du dogmatisme. » Tous insistent ainsi sur cet aspect : des congés venant combler un manque et un besoin pour les personnes concernées, mais qui ne nuisent à personne, avec un impact global minime.
Illustration à la métropole de Lyon, qui a mis en place un congé menstruel — non retoqué — avec « 80 bénéficiaires en 2024, sur un total de 9600 agents », précise Laura Pfister, adjointe à l’égalité des droits à la ville de Grenoble. « On monte en épingle quelque chose qui ne devrait pas être un sujet », abonde Sylvette Rochas, adjointe aux solidarités, au personnel et au dialogue social à Échirolles.
« On invite toutes les collectivités à nous rejoindre »
Les quatre collectivités de gauche sont en tout cas formelles. « On ne retirera pas notre délibération. Si nous, on recule, on a perdu une partie de la bagarre », assène Guillaume Lissy, résumant le sentiment général. Et ce, d’autant qu’avec « le retour de Trump, qui a libéré la parole masculiniste, on peut imaginer le pire », redoute Laura Pfister. Laquelle se fait un malin plaisir de rappeler « le courrier de félicitations envoyé par l’Élysée » à la mairie de Grenoble pour son congé menstruel, en mai dernier.
L’enjeu, désormais, est donc également « politique », affirme Sylvette Rochas, qui espère voir leur « démarche collective » faire tâche d’huile. « Des universités ont lancé un système de congé menstruel en faveur des étudiants », indique-t-elle. Et en Isère, la commune du Touvet votera une délibération en ce sens, le 12 février prochain, en conseil municipal. D’où l’appel lancé par le maire de Seyssinet : « On invite toutes les collectivités à nous rejoindre et à renforcer ce droit. »
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