Saint-Martin-d’Hères. Débat avec Berivan Firat, porte-parole kurde du CDK‑F

Par Edouard Schoene

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Berivant Firat, porte-parole du CDK-F, était invitée par l'Association iséroise des amis des Kurdes (Aiak), à Saint-Martin-d'Hères.
Dimanche 26 janvier, les rencontres se sont succédé pendant cinq heures, à la maison de quartier Gabriel-Péri, à Saint-Martin-d'Hères, avec Berivan Firat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Le thème : « Quelle est la situation des Kurdes au Moyen-Orient ? »

Invi­tée par l’As­so­cia­tion isé­roise des amis des Kurdes (Aiak), Beri­van Firat est res­pon­sable des rela­tions inter­na­tio­nales et porte-parole du Conseil démo­cra­tique kurde en France (CDK‑F), qui regroupe 26 asso­cia­tions dans l’Hexa­gone. Depuis sa créa­tion en 1994, l’or­ga­ni­sa­tion œuvre pour faire connaître les Kurdes, leur culture, leur langue, leur situa­tion poli­tique dans cha­cun des pays qui se divisent le Kur­dis­tan.

Tour à tour, la mili­tante a enchaî­né les ren­dez-vous ce dimanche, avec la com­mu­nau­té kurde de l’agglomération gre­no­bloise, les mili­tants d’Aiak et de l’U­nion com­mu­niste liber­taire (UCL). Puis à 17 h30, une réunion publique a clô­tu­ré la jour­née, ras­sem­blant près d’une cen­taine de par­ti­ci­pants.

Menaces et répression en Turquie, Iran et Syrie

L’ap­pel à cette ren­contre plan­tait le décor, évo­quant d’a­bord « l’a­ve­nir très incer­tain » en Syrie, après la chute de Bachar El Assad. D’où ces dif­fé­rents points en sus­pens : « risques de frag­men­ta­tion avec les inter­ven­tions armées de la Tur­quie et d’Israël, inter­ro­ga­tions sur ce que fera le nou­veau pou­voir, capa­ci­té de la socié­té civile syrienne à peser pour évi­ter tout retour à l’au­to­ri­ta­risme, à défendre les droits des femmes et des mino­ri­tés ».

Beri­van Firat aux côtés de Mary­vonne Mathéoud, pré­si­dente d’Aiak.

En Tur­quie, la poli­tique vis-à-vis des Kurdes semble très « contra­dic­toire », sou­ligne l’Aiak. D’un côté, « Recep Tayyip Erdo­gan s’est publi­que­ment féli­ci­té des pro­grès réa­li­sés dans le dia­logue avec le PKK ». De l’autre, le pou­voir turc « agresse mili­tai­re­ment le Roja­va ». Quant à l’I­ran, « la répres­sion qui frappe les femmes kurdes est mas­sive et cruelle », avec de très nom­breuses exé­cu­tions, « comme vient le rap­pe­ler la confir­ma­tion de la condam­na­tion à mort de la mili­tante de la socié­té civile Pakh­shan Azi­zi ». Le signal d’un régime des mol­lahs fra­gi­li­sé depuis le mou­ve­ment « Femmes, vie, liber­té ».

Dans son inter­ven­tion, Beri­van Firat rap­pelle le contexte his­to­rique, notam­ment les mas­sacres de Kurdes à Der­sim, en 1937–1938. Elle dénonce l’envoi par Anka­ra de mil­liers de Syriens dji­ha­distes en Syrie, pour ten­ter de mettre un terme à l’expérience démo­cra­tique au Roja­va. La mili­tante sou­ligne la fra­gi­li­té de l’espoir d’une pers­pec­tive démo­cra­tique en Syrie, notant que le par­ti au pou­voir, après la chute de la dic­ta­ture, est com­po­sé de 18 forces dif­fé­rentes dont les objec­tifs poli­tiques ne sont pas les mêmes. « Des mil­liers de Dae­shiens ont été natu­ra­li­sés syriens en une nuit », s’in­digne-t-elle.

« Nous qui résis­tons contre les forces de l’obscurantisme, nous figu­rons sur la liste des ter­ro­ristes et subis­sons bom­bar­de­ments de l’armée turque et agres­sions mili­taires des dji­ha­distes. »

Beri­van Firat (CDK‑F)

Hasard du calen­drier, le jour de la ren­contre mar­ti­né­roise mar­quait le dixième anni­ver­saire de la vic­toire dans la bataille de Koba­né, débu­tée en sep­tembre 2014. C’est en effet le 26 jan­vier 2015 que les forces armées kurdes des YPG ont réus­si à repous­ser les dji­ha­distes de l’É­tat isla­mique dans la ville de Koba­né, avec le sou­tien aérien de la coa­li­tion inter­na­tio­nale (France et États-Unis prin­ci­pa­le­ment).

La ren­contre s’est tenue à la mai­son de quar­tier de Saint-Mar­tin-d’Hères.

« Nous qui résis­tons contre les forces de l’obscurantisme, nous figu­rons sur la liste des ter­ro­ristes et subis­sons bom­bar­de­ments de l’armée turque et agres­sions mili­taires des dji­ha­distes », déplore Beri­van Firat. Pour elle, « la prio­ri­té du mou­ve­ment démo­cra­tique est d’obtenir que le PKK soit reti­ré des listes des orga­ni­sa­tions consi­dé­rées comme ter­ro­ristes en Europe, en France. En effet, au nom de ce clas­se­ment ‘ter­ro­riste’, les mili­tants kurdes sont inquié­tés, per­sé­cu­tés, empri­son­nés, expul­sés vers la Tur­quie », s’in­surge la porte-parole du CDK‑F.

Quid des demandes du pou­voir turc d’un désar­me­ment des forces kurdes, à la suite d’une ren­contre récente avec Abdul­lah Öca­lan, le lea­der du PKK empri­son­né depuis 26 ans ? Sur ce point, la res­pon­sable kurde est for­melle : « Une telle pers­pec­tive exige en pre­mier lieu qu’Öcalan soit libé­ré et que des dis­po­si­tions pré­cises soient actées par le pou­voir turc pour mettre un terme aux dis­cri­mi­na­tions dont sont vic­times les Kurdes et à la répres­sion contre les démo­crates. »

Une délégation d’Aiak au Tribunal permanent des peuples

Le débat a éga­le­ment lar­ge­ment por­té sur l’expérience démo­cra­tique enga­gée depuis dix ans au Roja­va. Un modèle basé en par­ti­cu­lier sur les écrits d’Öcalan ins­pi­rés du com­mu­na­lisme ou muni­ci­pa­lisme liber­taire — en tant qu’al­ter­na­tive à l’État nation. Beri­van Firat a décrit nombre d’exemples du quo­ti­dien, au Roja­va, où les conseils locaux prennent des déci­sions dans le consen­sus. Tout en sou­li­gnant le rôle majeur des femmes dans ce pro­ces­sus démo­cra­tique.

À l’issue de la réunion, Mary­vonne Mathéoud, copré­si­dente d’Aiak, a signa­lé l’envoi d’une délé­ga­tion à Bruxelles, les 5 et 6 février, pour assis­ter au Tri­bu­nal per­ma­nent des peuples (TPP). Ceci pour une ses­sion consa­crée aux graves crimes inter­na­tio­naux com­mis dans le nord et l’est de la Syrie.

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