« Pour la nationalisation temporaire de Vencorex » : 48 élus écrivent à François Bayrou
Par Manuel Pavard
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Le courrier, intitulé « Pour la nationalisation temporaire de Vencorex », a été adressé au Premier ministre François Bayrou ce mardi 17 décembre, à l’initiative de Christophe Ferrari, président de la Métropole et maire de Pont-de-Claix, et Raphaël Guerrero, maire de Jarrie. Il est signé par 48 personnalités politiques. Des dirigeants de parti, à l’instar de Fabien Roussel, Marine Tondelier, Jean-Luc Mélenchon ou Olivier Faure ; des parlementaires, comme le sénateur écologiste Guillaume Gontard, la députée LFI Mathilde Panot, le député communiste André Chassaigne, la sénatrice PCF Cécile Cukierman et son confrère Fabien Gay ou les députés de l’Isère Cyrielle Chatelain, Marie-Noëlle Battistel, Jérémie Iordanoff, Élisa Martin et, Sandrine Nosbé.
L’enjeu est de taille, à moins de trois mois de la fin de la période d’observation, fixée au 6 mars 2025 par le tribunal de commerce. Si aucun nouveau repreneur ne s’est manifesté à cette date, le projet de reprise partielle du groupe chinois Wanhua — qui a fait récemment évoluer son offre, passée de 25 à 50 salariés conservés — serait officialisé, entérinant la liquidation de l’entreprise, placée en redressement judiciaire en septembre.
Un tel scénario « signifierait le licenciement de la quasi-totalité des salariés, la mise à l’arrêt d’outils industriels compétitifs financés pour partie sur subventions publiques, la fermeture quasi-totale du site, la fin de 120 années d’histoire, ainsi que la création d’une friche industrielle de 120 hectares, classée SEVESO seuil haut, à forts enjeux environnementaux », soulignent les signataires.
Des « menaces graves » sur des activités stratégiques
Une catastrophe pour Vencorex, qui constitue pourtant « depuis 1916 un des fleurons de l’industrie chimique du Sud grenoblois », rappellent-ils. Et un acteur phare de la filière, « spécialisé dans la production de sel, de chlore, de soude, et de leurs dérivés (monomères et isocyanates) utilisés par des secteurs aussi stratégiques que la défense, l’aérospatiale ou le nucléaire ».
La précision est d’importance. Depuis le début de la grève illimitée des salariés de Vencorex le 23 octobre, et même depuis le printemps 2024, l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC) ne cesse en effet d’alerter sur l’interdépendance des activités des plateformes chimiques de Pont-de-Claix et Jarrie, et donc sur le risque d’un « effet domino ».
Emboîtant le pas des syndicats, les élus estiment eux aussi que « le redressement judiciaire a servi de prétexte à d’autres industriels » locaux de la chimie pour décréter des coupes drastiques. Illustration : le groupe Arkema a ainsi « annoncé “étudier” un scénario de restructuration de son usine de Jarrie, impliquant la fermeture de la moitié de la plateforme chimique et menaçant directement 120 emplois supplémentaires ».
Les signataires évoquent également les conséquences pour Framatome et pour ArianeGroup, approvisionnées directement grâce aux « produits fabriqués par Vencorex à Pont-de-Claix et par Arkema à Jarrie ». Désormais, expliquent-ils, « la fermeture de la première et la restructuration de la seconde font ainsi peser des menaces graves sur l’autonomie d’activités aussi stratégiques que notre défense ou la fabrication du carburant de la fusée Ariane ».
La nationalisation, « une revendication pragmatique »
Dans ce contexte, les responsables politiques reprennent la proposition de nationalisation temporaire portée par les organisations syndicales et défendue tour à tour par Sophie Binet, Philippe Poutou, Fabien Roussel, Manuel Bompard ou Pierre Jouvet lors de leurs visites respectives sur le piquet de grève. « Nous soutenons ce projet et vous interpellons afin qu’il soit étudié sérieusement par les services de l’État », lancent-ils au nouveau Premier ministre.
Ceux-ci l’assurent, « loin d’être une position idéologique, la nationalisation demandée est une revendication pragmatique visant à la fois à lever les contraintes calendaires posées par la procédure de redressement judiciaire et à se donner tous les moyens de sauvegarder l’activité du site ». Une procédure qui, ajoutent-ils, « éviterait en outre d’exposer les entités présentes sur cette plateforme (NDLR : de Jarrie) à des ruptures d’approvisionnement en sel et en chlore risquant de rendre dépendantes de fournisseurs étrangers des activités relevant de la souveraineté nationale ».
Ces élus mettent en garde François Bayrou : « Refuser par principe d’étudier une telle perspective ou de favoriser l’émergence d’un plan de reprise de ces activités sous l’égide de l’État constituerait un abandon incompréhensible à la fois pour les acteurs locaux et les salariés. » Les signataires concluent alors solennellement : « Nous ne nous résignons pas à voir une part de notre patrimoine industriel abandonnée et nous refusons de voir mise en péril une filière industrielle majeure de notre nation. »