« Pour la nationalisation temporaire de Vencorex » : 48 élus écrivent à François Bayrou

Par Manuel Pavard

/

Image principale
Rassemblement sur le piquet de grève installé depuis le 23 octobre devant la plateforme chimique de Pont-de-Claix.
Quarante-huit parlementaires et chefs de parti (dont Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier ou Olivier Faure) ont signé un courrier, adressé ce mardi 17 décembre à François Bayrou, concernant la situation de Vencorex. Ils demandent au Premier ministre la nationalisation temporaire de l'entreprise, dont les salariés sont en grève depuis le 23 octobre, sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix.

Le cour­rier, inti­tu­lé « Pour la natio­na­li­sa­tion tem­po­raire de Ven­co­rex », a été adres­sé au Pre­mier ministre Fran­çois Bay­rou ce mar­di 17 décembre, à l’i­ni­tia­tive de Chris­tophe Fer­ra­ri, pré­sident de la Métro­pole et maire de Pont-de-Claix, et Raphaël Guer­re­ro, maire de Jar­rie. Il est signé par 48 per­son­na­li­tés poli­tiques. Des diri­geants de par­ti, à l’ins­tar de Fabien Rous­sel, Marine Ton­de­lier, Jean-Luc Mélen­chon ou Oli­vier Faure ; des par­le­men­taires, comme le séna­teur éco­lo­giste Guillaume Gon­tard, la dépu­tée LFI Mathilde Panot, le dépu­té com­mu­niste André Chas­saigne, la séna­trice PCF Cécile Cukier­man et son confrère Fabien Gay ou les dépu­tés de l’I­sère Cyrielle Cha­te­lain, Marie-Noëlle Bat­tis­tel, Jéré­mie Ior­da­noff, Éli­sa Mar­tin et, San­drine Nos­bé.

Le secré­taire natio­nal du PCF Fabien Rous­sel, signa­taire du cour­rier, et Chris­tophe Fer­ra­ri, son ini­tia­teur, sur le piquet de grève de Ven­co­rex, fin novembre.

L’en­jeu est de taille, à moins de trois mois de la fin de la période d’ob­ser­va­tion, fixée au 6 mars 2025 par le tri­bu­nal de com­merce. Si aucun nou­veau repre­neur ne s’est mani­fes­té à cette date, le pro­jet de reprise par­tielle du groupe chi­nois Wan­hua — qui a fait récem­ment évo­luer son offre, pas­sée de 25 à 50 sala­riés conser­vés — serait offi­cia­li­sé, enté­ri­nant la liqui­da­tion de l’en­tre­prise, pla­cée en redres­se­ment judi­ciaire en sep­tembre.

Un tel scé­na­rio « signi­fie­rait le licen­cie­ment de la qua­si-tota­li­té des sala­riés, la mise à l’arrêt d’outils indus­triels com­pé­ti­tifs finan­cés pour par­tie sur sub­ven­tions publiques, la fer­me­ture qua­si-totale du site, la fin de 120 années d’histoire, ain­si que la créa­tion d’une friche indus­trielle de 120 hec­tares, clas­sée SEVESO seuil haut, à forts enjeux envi­ron­ne­men­taux », sou­lignent les signa­taires.

Des « menaces graves » sur des activités stratégiques

Une catas­trophe pour Ven­co­rex, qui consti­tue pour­tant « depuis 1916 un des fleu­rons de l’industrie chi­mique du Sud gre­no­blois », rap­pellent-ils. Et un acteur phare de la filière, « spé­cia­li­sé dans la pro­duc­tion de sel, de chlore, de soude, et de leurs déri­vés (mono­mères et iso­cya­nates) uti­li­sés par des sec­teurs aus­si stra­té­giques que la défense, l’aérospatiale ou le nucléaire ».

Plu­sieurs mani­fes­ta­tions ont réuni sala­riés et élus à Pont-de-Claix, pour sau­ver la pla­te­forme chi­mique.

La pré­ci­sion est d’im­por­tance. Depuis le début de la grève illi­mi­tée des sala­riés de Ven­co­rex le 23 octobre, et même depuis le prin­temps 2024, l’in­ter­syn­di­cale (CGT, CFDT, CFE-CGC) ne cesse en effet d’a­ler­ter sur l’in­ter­dé­pen­dance des acti­vi­tés des pla­te­formes chi­miques de Pont-de-Claix et Jar­rie, et donc sur le risque d’un « effet domi­no ».

Emboî­tant le pas des syn­di­cats, les élus estiment eux aus­si que « le redres­se­ment judi­ciaire a ser­vi de pré­texte à d’autres indus­triels » locaux de la chi­mie pour décré­ter des coupes dras­tiques. Illus­tra­tion : le groupe Arke­ma a ain­si « annon­cé “étu­dier” un scé­na­rio de restruc­tu­ra­tion de son usine de Jar­rie, impli­quant la fer­me­ture de la moi­tié de la pla­te­forme chi­mique et mena­çant direc­te­ment 120 emplois sup­plé­men­taires ».

Les sala­riés d’Ar­ke­ma pro­testent contre la fer­me­ture pour moi­tié des acti­vi­tés annon­cée par le groupe.

Les signa­taires évoquent éga­le­ment les consé­quences pour Fra­ma­tome et pour Aria­ne­Group, appro­vi­sion­nées direc­te­ment grâce aux « pro­duits fabri­qués par Ven­co­rex à Pont-de-Claix et par Arke­ma à Jar­rie ». Désor­mais, expliquent-ils, « la fer­me­ture de la pre­mière et la restruc­tu­ra­tion de la seconde font ain­si peser des menaces graves sur l’au­to­no­mie d’ac­ti­vi­tés aus­si stra­té­giques que notre défense ou la fabri­ca­tion du car­bu­rant de la fusée Ariane ».

La nationalisation, « une revendication pragmatique »

Dans ce contexte, les res­pon­sables poli­tiques reprennent la pro­po­si­tion de natio­na­li­sa­tion tem­po­raire por­tée par les orga­ni­sa­tions syn­di­cales et défen­due tour à tour par Sophie Binet, Phi­lippe Pou­tou, Fabien Rous­sel, Manuel Bom­pard ou Pierre Jou­vet lors de leurs visites res­pec­tives sur le piquet de grève. « Nous sou­te­nons ce pro­jet et vous inter­pel­lons afin qu’il soit étu­dié sérieu­se­ment par les ser­vices de l’É­tat », lancent-ils au nou­veau Pre­mier ministre.

Ceux-ci l’as­surent, « loin d’être une posi­tion idéo­lo­gique, la natio­na­li­sa­tion deman­dée est une reven­di­ca­tion prag­ma­tique visant à la fois à lever les contraintes calen­daires posées par la pro­cé­dure de redres­se­ment judi­ciaire et à se don­ner tous les moyens de sau­ve­gar­der l’activité du site ». Une pro­cé­dure qui, ajoutent-ils, « évi­te­rait en outre d’exposer les enti­tés pré­sentes sur cette pla­te­forme (NDLR : de Jar­rie) à des rup­tures d’approvisionnement en sel et en chlore ris­quant de rendre dépen­dantes de four­nis­seurs étran­gers des acti­vi­tés rele­vant de la sou­ve­rai­ne­té natio­nale ».

La secré­taire géné­rale de la CGT Sophie Binet et Serge Allègre, diri­geant de la FNIC-CGT, ont déjà défen­du la natio­na­li­sa­tion.

Ces élus mettent en garde Fran­çois Bay­rou : « Refu­ser par prin­cipe d’étudier une telle pers­pec­tive ou de favo­ri­ser l’émergence d’un plan de reprise de ces acti­vi­tés sous l’égide de l’État consti­tue­rait un aban­don incom­pré­hen­sible à la fois pour les acteurs locaux et les sala­riés. » Les signa­taires concluent alors solen­nel­le­ment : « Nous ne nous rési­gnons pas à voir une part de notre patri­moine indus­triel aban­don­née et nous refu­sons de voir mise en péril une filière indus­trielle majeure de notre nation. »

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *