Eybens. Débrayages et mobilisation des salariés de l’Apajh 38, à l’IME la Clé de sol

Par Manuel Pavard

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Les professionnels de l’IME ont débrayé le 24 septembre, soutenus par les familles des jeunes en situation de handicap.

Les salariés de l’Apajh 38 ont organisé des débrayages les 24 et 30 septembre, à l’IME la Clé de sol, à Eybens. En cause notamment, les méthodes de l’actuelle direction — en poste depuis deux ans et demi — entraînant une grande souffrance au travail ainsi que de nombreux départs et arrêts maladie. Ce qui nuit grandement à la prise en charge des jeunes handicapés accueillis.

« Où sont pas­sées les valeurs de l’Apajh ? » La ques­tion ouvrant leur com­mu­ni­qué illustre le pro­fond désar­roi des pro­fes­sion­nels de l’institut médi­co-édu­ca­tif (IME) la Clé de sol, à Eybens. En « grande souf­france », selon leurs propres termes, ces sala­riés de l’Association pour adultes et jeunes han­di­ca­pés (Apa­jh) ont pro­cé­dé à deux débrayages suc­ces­sifs, les mar­di 24 et lun­di 30 sep­tembre. Une situa­tion dégra­dée dans un IME, et même plus glo­ba­le­ment dans le sec­teur médi­co-social, le cas n’a mal­heu­reu­se­ment rien d’inhabituel. Mais la Clé de sol, qui accueille près de 80 jeunes défi­cients intel­lec­tuels légers âgés de 6 à 20 ans (enfants, ado­les­cents et jeunes adultes), connaît des dif­fi­cul­tés spé­ci­fiques. Les­quelles prennent en grande par­tie leur source dans le pas­sage de témoin à la direc­tion géné­rale, il y a deux ans et demi.
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Les sala­riés de la Clé de sol envi­sagent de débrayer toutes les semaines.

L’arrivée de la nou­velle direc­trice a en effet été mar­quée par « un chan­ge­ment d’orientation », selon un édu­ca­teur (qui tient à témoi­gner ano­ny­me­ment, comme l’ensemble des sala­riés mobi­li­sés). Tra­duc­tion : « C’est le libé­ra­lisme qui rentre à grand pas dans le médi­co-social, au détri­ment de l’humain. »

« Deux mondes qui s’entrechoquent »

Désor­mais, le quo­ti­dien et les dis­cours à la Clé de sol « res­semblent de plus en plus à l’hôpital : on parle beau­coup de ren­ta­bi­li­té, de chiffres », constate le sala­rié, évo­quant « deux mondes qui s’entrechoquent ». Avec in fine une conclu­sion iné­luc­table : « C’est tou­jours le ges­tion­naire qui gagne face à l’éducatif », déplore-t-il. Pour cou­ron­ner le tout, s’ajoute à ce contexte géné­ral « une direc­tion qui n’a pas les com­pé­tences pour ame­ner tout ça ». L’éducateur fus­tige ain­si un « chan­ge­ment à marche for­cée, avec des infor­ma­tions qui n’arrivent pas, des chan­ge­ments d’horaires, des chefs de ser­vice qui ne font pas leur tra­vail… Sou­vent, on ne sait plus à qui s’adresser », ajoute-t-il.
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Les pro­fes­sion­nels déplorent une perte de valeurs à l’A­pa­jh et glo­ba­le­ment dans le médi­co-social.

Consé­quences : un nombre crois­sant d’arrêts mala­die et même de départs. « On n’a jamais connu ça », sou­lignent les pro­fes­sion­nels de l’IME, insis­tant sur la dégra­da­tion de la qua­li­té de la prise en charge. « Notre mis­sion, c’est d’accompagner les jeunes vers le monde du tra­vail », pré­cise l’un d’entre eux. D’où les ate­liers pro­fes­sion­nels inau­gu­rés en 2019, dans plu­sieurs domaines : res­tau­ra­tion, hôtel­le­rie, mul­ti-ser­vices, espaces verts. Mal­heu­reu­se­ment, ceux-ci ont vu les sou­cis s’accumuler : un édu­ca­teur tech­nique qui démis­sionne, un autre qui part à la retraite et n’est pas rem­pla­cé… Et, cerise sur le gâteau, le départ du char­gé d’insertion, qui fai­sait « un énorme tra­vail », explique le sala­rié. « Pour l’instant, rien n’est pré­vu pour son rem­pla­ce­ment. On nous a pré­sen­té une per­sonne qui pren­drait sa place numé­ri­que­ment mais qui est… aide-soi­gnante ! », iro­nise-t-il, dépi­té. À chaque fois, ce sont ain­si des pro­fes­sion­nels non for­més et non spé­cia­listes qui se retrouvent en charge de l’atelier concer­né, contraints de sup­pléer au pied levé les édu­ca­teurs tech­niques démis­sion­naires. Ulcé­rés, les sala­riés ont fini par inter­pel­ler la méde­cine du tra­vail et lan­cer deux droits d’alerte. La direc­tion fai­sant, selon eux, la sourde oreille, un rap­port de forces s’est ins­tau­ré et le per­son­nel se dit prêt à « débrayer toutes les semaines ». Com­ment mettre fin à cette crise ? Si tous les pro­blèmes de l’IME ne sont pas liés à l’actuelle direc­trice, celle-ci « a cris­tal­li­sé beau­coup de ran­cœur », observe le sala­rié pré­ci­té. Ce der­nier ne voit pas d’alternative à court terme : « On est arri­vé au bout de quelque chose. Pour déblo­quer la situa­tion, il fau­drait qu’elle parte. »

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