Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF.

Comment travailler à ouvrir la perspective politique de transformation sociale dont le pays a besoin, dans le contexte de la montée de l’extrême droite ? C’est tout l’enjeu de la pérennité et de l’élargissement du Nouveau Front populaire. Jérémie Giono, secrétaire départemental du parti communiste, nous donne son sentiment sur un moment politique particulier.

Une extrême-droite première en voix dans le pays. Que faire aujourd’hui  ? « Poursuivre la campagne que nous avons appelée ‘‘intérêts populaires’’ et que nous avions engagée dès le début de l’année pour montrer ce que défend le Rassemblement national : les intérêts des puissants contre ceux des ouvriers, des employés, des paysans… », note Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF. « Et travailler à dégager une perspective politique. »

A l’heure où ces lignes sont écrites, le président de la République jouait encore le pourrissement, se refusant à désigner Lucie Castets, pourtant choisie par les groupes majoritaires à l’Assemblée nationale pour exercer la responsabilité de Première ministre. Difficile d’envisager ici les évolutions à court terme d’une situation marquée par la volonté macroniste de ne rien changer alors que tout l’exige.

Ce qui reste assuré, c’est que l’avenir passe par le Nouveau Front populaire, synonyme d’avenir pour la gauche et le pays. « C’est le rôle historique du parti communiste, note Jérémie Giono, construire une union qui permette de gagner ; la construire sur des bases suffisamment solides à gauche pour assurer la mise en œuvre d’un programme progressiste qui réponde aux revendications. » L’union pour gagner, gagner pour sortir les hôpitaux de la crise, augmenter le pouvoir d’achat, prendre l’argent où il est…

Deux termes de l’équation que tout le monde à gauche ne souhaite pas conjuguer. « C’est tout le débat qui a lieu depuis toujours dans le mouvement ouvrier et qui prend, dans le contexte actuel, une acuité nouvelle. » Jérémie Giono évoque ici la « tentation du centre » exprimée par Raphaël Glücksman lors de l’élection européenne : la logique du renoncement censée assurer la compatibilité de la gauche avec les courants néolibéraux. Du grand virage de François Mitterrand – qui a entraîné le départ des ministres communistes en 1983 –, à la loi travail de François Hollande. De désillusions en colères. Ça ne marche pas.

Les deux faces d’une gauche en échec

A l’inverse, la « tentation du tous derrière la barricade », exprimée par Jean-Luc Mélenchon. Le clivage sur des positions de principe, souvent fondées – comme la nécessité d’agir contre l’exploitation du travail –, tout en renvoyant la perspective d’une action concrète aux calendes grecques de l’émergence d’une majorité politique chimiquement pure, dans la société et à l’Assemblée nationale.

« Deux façon de refuser l’union, de saper les bases du Nouveau Front populaire », constate Jérémie Giono. Les deux faces de la même pièce de l’échec de la gauche.

D’où le débat qui traverse la France insoumise. La rupture désormais publique entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin relève d’un désaccord sur la raison d’être du NFP, accord électoral pour le premier, outil de transformation de la société pour le second. Rupture qui se décline à Grenoble et en Isère. Sophie Roméra, conseillère départementale, quitte la France insoumise pour rejoindre le parti de François Ruffin, atermoiements d’Alan Confesson, adjoint LFI au maire de Grenoble, soutenant François Ruffin avant de faire machine arrière, échanges houleux pour le choix de la candidature suppléante de Hugo Prévost dans la première circonscription…

Comment avancer? « Le Nouveau front populaire est une chance sur laquelle nous devons veiller comme sur la prunelle de nos yeux, souligne Jérémie Giono, c’est la condition pour un avenir possible. » Ce que les communistes ont fait en Isère, dès le lendemain de sa constitution. « Nous avons édité une affiche trois jours après l’annonce de sa création, nous avons réuni les organisations de gauche trois jours après la dissolution pour envisager l’organisation pratique de la campagne alors que les candidats n’étaient pas encore connus, organisé des porte à porte géants à Echirolles, à Fontaine…, organisé la campagne à Rive ou Saint-Marcellin… », rappelle Jérémie Giono. Un rôle de pilier du NFP.

Plus largement, il s’agit de construire les rapports du NFP avec le mouvement social, de convaincre et d’expliciter le programme à mettre en œuvre, de faire grandir le rapport de force sur les mesures à prendre y compris sur ce qui reste à élaborer – « En 1936, les congés pays ne figuraient pas dans le programme du Front populaire. »

Et c’est bien pour cela que le renforcement du PCF est l’une des clés de l’avenir : « Nous avons besoin d’un parti organisé, militant, renforcé, parce que c’est l’outil indispensable pour débattre convaincre, agir ». Depuis le 9 juin une trentaine d’adhésions ont été enregistrées au PCF.

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Démographie

Le Nord-Isère regroupe 114 communes au sein de quatre intercommunalités. La CAPI, communauté d’agglomération des Portes de l’Isère (de Bourgoin à Saint-Quentin-Fallavier) concentre près de 110 000 habitants. La communauté des Collines Isère Nord, 25 000 habitants ; celle des Vals du Dauphiné, 64 000 habitants ; et celle des Balcons du Dauphiné, 78 100 habitants.
C’est un territoire qui connaît depuis dix ans une réelle dynamique démographique, portée à la fois par l’attractivité lyonnaise et par la jeunesse de la population. Cette dynamique (+ 4,4 % de population entre 2013 et 2018) s’est accompagnée d’une augmentation du parc de logements plus importante encore (7,6 %).

Logement social

Le parc locatif social est plutôt développé (22 % des logements), notamment au sein de la CAPI, où la création de la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau était censée capter une partie de la croissance urbaine de Lyon. A Villefontaine, 48 % des logements relèvent du parc social, à l’Isle d’Abeau 38 % et à Saint-Quentin-Fallavier 25 %.

Mobilité

Près de 42 % des actifs se déplacent (en voiture essentiellement) pour rejoindre leur lieu de travail à Lyon et dans sa proche agglomération.

Emploi

Les emplois sont inégalement répartis sur le territoire Nord-Isère, se concentrant au sein de la CAPI (Bourgoin et Saint-Quentin-Fallavier notamment) où leur nombre (51 200) est supérieur aux actifs qui y résident (45 200).

%

Le taux global de pauvreté (11,7 %) masque d’importantes disparités : 5 % dans les Collines Isère Nord (proche de Lyon) et 14 % dans la CAPI.

Trois jours après l’annonce de la dissolution, les militants communistes étaient à pied d’œuvre.

Quand le RN supplante LR et Ensemble

En remportant trois circonscriptions sur quatre du Nord-Isère et de l’Isère rhodanienne, le RN et ses alliés renforcent leur implantation.

Dans le Nord-Isère, le RN et ses alliés ont confirmé la poussée nationale du RN, la porosité entre la droite et l’extrême-droite, tout autant que le rejet des politiques régressives de Macron.

Dans la 6e, déjà tenue par le RN et historiquement de droite, et la 10e, les candidats RN sont confortablement élus et progressent en voix entre les deux tours. Les candidates du NFP, présentes au second tour dans la 6e et la 10e, progressent aussi en voix, et significativement. Dans ces deux circonscriptions si la participation est stable d’un tour à l’autre, le nombre des exprimés baisse assez sensiblement, et les votes blancs et nuls explosent. Mathématiquement, l’électorat de droite a voté RN, ou s’est abstenu contre le NFP. Chez Ensemble, l’appel à battre le RN est assez largement suivi, mais une partie des voix contribue a priori à gonfler le vote blanc ou nul.

Le report des voix LR, pour le RN contre le NFP

Dans la 8e circonscription, la candidate RN-LR a été élue grâce au report des voix du candidat LR. En revanche, dans la 7e, le candidat LR a très largement bénéficié des 13 487 voix de la candidate NFP et de celles d’Ensemble pour assurer sa victoire sur le RN.

Alors que le Nord-Isère a connu de nombreuses luttes (retraites, salaires, services publics, éducation, Palestine…), il conviendrait d’analyser ce qui a manqué, comme contenu et stratégie politiques, aux militants de gauche, pour regagner les abstentionnistes et pour une traduction électorale quand le RN, avec démagogie et opportunisme, a détourné la colère sociale à son profit.

Le 3 juillet à Moirans, toute la gauche réunie avec la candidate entre les deux tours.

Le choix d’une mobilisation unitaire

En Isère, la gauche a gagné deux circonscriptions et les macronistes n’ont plus de député. Outre la défaite de l’ancien ministre Olivier Véran à Grenoble, Sandrine Nosbé a été élue dans la neuvième.

Quatre députés de gauche sur dix en 2022, six en 2024. La victoire au rendez-vous, notamment dans la basse vallée du Grésivaudan, de Voiron à Saint-Marcellin.

Un hasard ? A l’issue de son élection, la nouvelle députée NFP, membre de la France insoumise, l’affirmait : « le Nouveau Front populaire répond à une attente des électeurs, des militants, des collectifs qui se sont mobilisés pendant la campagne. Il faut l’entendre et arrêter de mettre en avant les jeux d’appareil ». Et d’enfoncer le clou : « L’issue de ces législatives redonne espoir, un nouvel élan pour les forces de gauche. On a tous intérêt à continuer ensemble ». Dans la perspective des prochaines élections municipales, par exemple.

Cette stratégie du Front populaire, Christophe Ghersinu, élu communiste d’opposition à Saint-Marcellin, en est l’un des promoteurs dans la circonscription. « Pour gagner, il faut se rassembler et gagner, c’est la condition pour changer. »

« On a tous intérêt à continuer ensemble »

L’élection de Sandrine Nosbé n’avait rien d’évident. Au premier tour (19 825 voix), elle a devancé la députée macroniste sortante de 518 voix. C’est à la toute dernière minute que la députée sortante a annoncé son retrait. Sandrine Nosbé a été élue avec 33 412 voix (52,62 %) face au RN. Tandis que le nombre de blancs et nuls (8 888 votes, 12,28 % des inscrits) atteignait un niveau inédit.

Ce qui l’a emporté, c’est l’union du camp progressiste. Qui n’allait pas de soi. Cette circonscription est en effet celle dont André Vallini, ancien président socialiste du conseil départemental, est l’un des élus. Lequel n’est pas, pour le moins, un partisan fervent du rapprochement avec la FI. Mais la candidate insoumise élue a joué le jeu de l’union, du visage de la gauche telle qu’elle est dans la circonscription, de l’union et non du clivage.

Les communistes y ont contribué. Pour assurer l’interface avec le réseau des élus locaux ou assurer des événements de campagne.

Que la gauche ait emporté la neuvième ne doit décidément rien au hasard.

Sandrine Nosbé, députée

Sandrine Nosbé est native de l’île de la Réunion, qu’elle a quittée pour suivre un cursus de langues en métropole. Après ses études, elle tombe « par hasard dans les ressources humaines », dit-elle. Elle réside à Voiron depuis 2021 et elle était gestionnaire de paie avant son élection en juillet dernier. Elle se félicite d’avoir « pu échanger avec les acteurs économiques locaux » entre les deux tours de la législative et ne perd pas une occasion d’affirmer son attachement à l’union à gauche. « Quand on a appris notre victoire, c’était très clair que c’était celle de l’union de la gauche. Il faut la maintenir, c’est une nécessité », a-t-elle ainsi déclaré au Dauphiné libéré après son élection. Un profil qui tranche avec celui d’autres élus insoumis.

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