Montbonnot-Saint-Martin. Face à l’injustice, la colère des salariés de Capgemini

Par Luc Renaud

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A Montbonnot, les grévistes présents sur le site ont été rejoints par des représentants de l’Unsa et de la CFE-CGC.

A l’appel de la CGT et dans le cadre d’un mouvement national, des salariés de Capgemini ont observé une journée de grève à Montbonnot, le 4 juin. En cause le refus de la direction de décider d’une augmentation générale des salaires tandis que les revenus des membres de la direction de l’entreprise et de ses actionnaires sont en forte hausse.

La bru­ta­li­té du capi­tal. C’est ain­si que l’on pour­rait résu­mer les déci­sions prises par les admi­nis­tra­teurs de Cap­ge­mi­ni, socié­té de ser­vices infor­ma­tique qui emploie près de 1000 sala­riés à Mont­bon­not – val­lée du Gré­si­vau­dan – , 38 000 en France et 240 000 dans le monde.

Elle s’est illus­trée lors de l’échec des négo­cia­tions annuelles obli­ga­toires (NAO) sur les salaires. Aucune orga­ni­sa­tion syn­di­cale n’a vali­dé les pro­po­si­tions de la direc­tion. Ce qui s’explique aisé­ment.

A la manœuvre, le pré­sident du comi­té des rému­né­ra­tions de Cap­ge­mi­ni, qui n’est autre que Patrick Pouyan­né, par ailleurs P‑DG de Tota­l­éner­gies. Le 16 mai, lors de la réunion de l’assemblée géné­rale des action­naires de Gap­ge­mi­ni, Patrick Pouyan­né a annon­cé une aug­men­ta­tion de 30 % de la rému­né­ra­tion du P‑DG de la socié­té, Aiman Ezzat, pour la por­ter à 1,3 mil­lion d’euros annuelle. 108 000 euros par mois.

30% d’aug­men­ta­tion sur 2023. Pas pour les sala­riés

Mais ce n’est pas tout. Un bonus annuel maxi­mum de 3,6 mil­lions d’euros, en fonc­tion des résul­tats finan­ciers de l’entreprise, pour­ra lui être ver­sé. Sans comp­ter les 300 000 euros d’actions gra­tuites qui lui ont été attri­buées – sous condi­tions quand même –, sachant qu’en 2023, Cap­ge­mi­ni a rache­té une par­tie de ses propres actions pour un mon­tant de 883 mil­lions d’euros avec un objec­tif : faire mon­ter méca­ni­que­ment le cours des actions de l’entreprise et ain­si accroître d’autant la for­tune des action­naires. Sachant que le divi­dende ver­sé par action a été mul­ti­plié par deux en cinq ans…
Et tout cela sans oublier des aug­men­ta­tions pour les membres de la direc­tion géné­rale : 3,4 mil­lions d’euros pour trente-huit per­sonnes.

Dif­fi­cile d’imaginer que l’assemblée géné­rale a pris ces déci­sions dans une entre­prise en dif­fi­cul­té.

Et les sala­riés ? Dans le cadre des NAO, la direc­tion leur a pro­po­sé une hausse de 45 cen­times du ticket res­tau­rant (dont 18 cen­times à la charge des sala­riés). Accom­pa­gnée « d’augmentations dites au mérite his­to­ri­que­ment faibles » selon la CGT – aucune aug­men­ta­tion indi­vi­duelle n’est supé­rieure à l’inflation – et de l’absence de prime d’intéressement pour les sala­riés de cer­taines branches d’activité.

Sylvain-Goujon/

Syl­vain Gou­jon, délé­gué syn­di­cal CGT.

Syl­vain Gou­jon, délé­gué CGT, a fait ses comptes. Pour rache­ter ses actions en 2023, l’entreprise a dépen­sé 883 mil­lions d’euros. Elle a ver­sé 587 mil­lions d’euros en divi­dendes aux action­naires. Soit un total d’1,47 mil­liard d’euros. « Nous deman­dons une aug­men­ta­tion géné­rale de 2800 euros bruts annuels pour tous, soit une hausse des salaires men­suels de 230 euros bruts, pré­cise Syl­vain Gou­jon, soit une aug­men­ta­tion de la masse sala­riale de 80 mil­lions d’euros. » 2800 euros, c’est-à-dire une aug­men­ta­tion de 5 % de la masse sala­riale, qui per­met­trait tout juste de retrou­ver le niveau de pou­voir d’achat de 2018. 80 mil­lions d’euros face à près d’un mil­liard et demi.

Quatre jours de télé­tra­vail par semaine

Ce niveau d’injustice entre la rému­né­ra­tion du capi­tal et celle du tra­vail a sus­ci­té l’appel à la grève lan­cé par la CGT le 4 juin der­nier. Un mou­ve­ment dont l’ampleur est dif­fi­cile à éta­blir. « La direc­tion ne com­mu­nique pas de chiffres et les sala­riés du site de Mont­bon­not sont en télé­tra­vail quatre jours par semaine, et d’autres tra­vaillent dans les sites des clients de Cap­ge­mi­ni pour main­te­nir et faire pro­gres­ser les sys­tèmes infor­ma­tiques », indique Syl­vain Gou­jon. Dans cette entre­prise qui emploie essen­tiel­le­ment des cadres, les assem­blées géné­rales orga­ni­sées par le syn­di­cat CGT se déroulent sur des pla­te­formes infor­ma­tiques afin de per­mettre la par­ti­ci­pa­tion du plus grand nombre.

« Ce qui est sûr, c’est que la colère n’a pas été à ce niveau depuis une bonne dizaine d’années. »

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