Grenoble. Emmaüs appelle toujours à l’indignation et à l’action

Par Edouard Schoene

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Des poupées sur le pavé, pour rappeler le sort des enfants sans abri.

L’association Emmaüs rendait hommage à l’appel historique de l’abbé Pierre, « l’insurrection de la bonté », lancé le 1er février 1954 à la radio.

Cet hiver-là, les tem­pé­ra­tures des­cendent en des­sous de −10 °C ; on relè­ve­ra −16 °C à Stras­bourg, −18 °C à Nan­cy. Face à la situa­tion dra­ma­tique de dizaine de mil­liers de sans-logis, c’est un appel au réveil des consciences, mais sur­tout à l’action.

Same­di 3 février, rue Félix Pou­lat à Gre­noble, cet hom­mage 2024 a été ren­du par une expo­si­tion, des affiches et l’étalage de dizaines de pou­pées, pour aler­ter sur la réa­li­té des enfants qui vivent à la rue. André Fusillé, direc­teur adjoint d’Emmaüs Gre­noble, insiste : « il y a plus de 3000 per­sonnes sans abris à Gre­noble dont plus de 400 enfants. Le pré­fet nous dit qu’on exa­gère ».

André

André Fusillé, direc­teur adjoint d’Emmaüs Gre­noble.

L’une des affiches expo­sée inter­pelle les pas­sants : « Et toi, c’est quoi ton com­bat ? Trans­forme ton indi­gna­tion en pas­sage à l’action. Lance ton appel à l’indignation ».

En 2022, 611 sans-abris, sont décé­dés dans l’indifférence, la plu­part du temps dans l’anonymat. Ce chiffre serait en réa­li­té bien supé­rieur. La moyenne d’âge des vic­times est de 49 ans.

Expo-Emmaus/

Une expo­si­tion com­mé­more l’ap­pel de l’ab­bé Pierre.

Selon notre confrère l’Humanité, « 330 000 per­sonnes sont aujourd’hui sans domi­cile, contre 143 000 en 2012. Depuis 2000, sous l’effet de la hausse des prix, le loge­ment est deve­nu une source de ren­de­ment pour quelques-uns – 3,5 % de la popu­la­tion pos­sèdent 50 % des loge­ments mis en loca­tion – et le prin­ci­pal poste de dépenses des ménages. Au len­de­main de 1945, les ménages consa­craient 5 % de leurs reve­nus à se loger. On est pas­sé à 10 % dans les années soixante-dix et à plus de 30 % aujourd’hui. Et encore, pour les plus pauvres, on atteint jusqu’à 60 %, rap­pelle Jean-Bap­tiste Eyraud, porte-parole du Droit au loge­ment (DAL). »

Stand-Emmaus/

L’appel de l’abbé Pierre du 1er février 1954

Mes amis, au secours… Une femme vient de mou­rir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trot­toir du bou­le­vard Sébas­to­pol, ser­rant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’a­vait expul­sée…
Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recro­que­villés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant tant d’hor­reur, les cités d’ur­gence, ce n’est même plus assez urgent !
Écou­tez-moi : en trois heures, deux pre­miers centres de dépan­nage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Pan­théon, rue de la Mon­tagne Sainte Gene­viève ; l’autre à Cour­be­voie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir par­tout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quar­tier de Paris, des pan­cartes s’ac­crochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait cou­ver­tures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fra­ter­nel de dépan­nage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime »
La météo annonce un mois de gelées ter­ribles. Tant que dure l’hi­ver, que ces centres sub­sistent, devant leurs frères mou­rant de misère, une seule opi­nion doit exis­ter entre hommes : la volon­té de rendre impos­sible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de dou­leur nous ait ren­du cette chose mer­veilleuse : l’âme com­mune de la France. Mer­ci ! Cha­cun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille cou­ver­tures, trois cents grandes tentes amé­ri­caines, deux cents poêles cata­ly­tiques.
Dépo­sez-les vite à l’hô­tel Roches­ter, 92, rue de la Boé­tie. Ren­dez-vous des volon­taires et des camions pour le ramas­sage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la mon­tagne Sainte Gene­viève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne cou­che­ra ce soir sur l’as­phalte ou sur les quais de Paris.
Mer­ci !

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