Isabelle Peters, première adjointe au maire de Grenoble, PCF.

Mi-mandat pour l’équipe municipale grenobloise. Interrogations sur son fonctionnement et son avenir. Et projets en cours et à venir. Comment les différentes sensibilités de la gauche majoritaire envisagent-elles les deux ans qui viennent ? Comment construire l’après Éric Piolle qui a fait part de son intention de ne pas briguer un troisième mandat ? Décryptage.

Comme un sentiment de flottement. Brume médiatique ou réalité ? Margot Belair – EELV –, co-présidente du groupe Grenoble en commun, le groupe des élus de la majorité municipale grenobloise, le récuse : « Nous travaillons toujours avec le même enthousiasme et ça va se voir ». Sentiment plus mitigé du côté d’Isabelle Peters – PCF –, première adjointe d’Eric Piolle : « nous avons besoin d’un cap et d’une majorité conquérante, l’heure n’est pas au repli sur soi ». Ce que dit autrement Alan Confesson – France insoumise – : « ce que nous avons loupé, c’est de garder au cours du mandat l’émulation militante que nous avons connue lors de la période électorale ».

Le bruit de fond médiatique, c’est bien sûr l’affrontement à rebondissements multiples qui met en scène le maire de Grenoble et le président de la métropole – voir le Travailleur alpin de juillet 2023. Une série de téléréalité qui fait écran, entre autres conséquences, aux réalisations municipales grenobloises.

Réalisations, Margot Belair est intarissable sur le sujet : « Nous avons certes pris du retard en début de mandat avec les années covid, mais les réalisations vont s’enchaîner : réfection complète de la rue Jeanne-d’Arc, pistes cyclables avenue Jean-Perrot et cours Berriat, rénovation du parc Paul Mistral, restructuration de la place de Metz et de la place Sainte-Claire… », décline l’adjointe à l’urbanisme qui n’omet pas de souligner que « tout ne se résume pas à des travaux ». Et de citer les dispositifs de démocratie participative, l’éducation populaire, les centres de santé… Isabelle Peters évoque le travail réalisé à la cité de l’Abbaye autour de l’hébergement d’urgence avec l’opération « Volets verts ». Alan Confesson insiste sur la démocratie participative avec le dispositif de médiation locale – cinquante signatures suffisent pour engager le processus –, la diversité des animations ou le dialogue engagé autour de la gestion des terrasses de café. « Nous travaillons avec les habitants à une ville plus chaleureuse », souligne-t-il. Les élus de la majorité municipale ont publié cet été une brochure de mi-mandat intitulée 120 réalisations depuis 2020.

Reste le fonctionnement de la majorité, sa gouvernance et sa visibilité. Isabelle Peters note qu’en la matière, il y a de quoi faire. « Nous ne sommes pas tous d’accord sur tout, ce qui est logique s’agissant d’une liste qui rassemble des sensibilités diverses. Nos confrontations de points de vue, et c’est vrai à la ville comme à la métropole, doivent avoir lieu devant les citoyens ; le cirque monté en épingle à partir de la dernière sortie politicienne, c’est désolant ». Et – quand ils ont lieu sur le terrain politique – ces échanges sont d’autant plus importants qu’ils peuvent se traduire par l’évolution de choix initiaux. Isabelle Peters note ainsi que les élus communistes grenoblois ont bataillé pour qu’Actis demeure une société HLM publique ou que le régime indemnitaire des employés communaux puisse mieux correspondre, dans la mesure du cadre législatif imposé, aux aspirations du personnel. Entre autre exemples.

Les petites phrases masquent la réalité de l’action municipale

Et il y a encore matière à débat sur la gratuité des transports – était-ce une bonne idée d’élargir le syndicat des transports au Grésivaudan et au Voironnais sans accord préalable sur l’harmonisation fiscale de son financement ? – ou sur l’efficacité écologique de la ZFE pour améliorer la qualité de l’air. « Nous avons à discuter dans cette majorité, quitte à faire évoluer les propositions des uns et des autres pour avancer ensemble », souligne Isabelle Peters. « On est plus efficace quand on travaille ensemble », souscrit Margot Belair.

Pourtant, comme l’on sait, le diable se cache dans les détails. L’actualité municipale de ce printemps a été marquée par l’éviction de sept élus, à l’issue de leur prise de distance avec le contenu d’un budget municipal qu’ils ont néanmoins voté. Mise à l’écart qui a entraîné la création d’un nouveau groupe d’opposition. « Quand on n’est pas d’accord avec le budget, on ne fait pas partie de la majorité », commente Margot Belair. « Quand on veut rassembler pour construire des politiques de gauche, on ne donne pas publiquement une image de frilosité face au débat, alors que ce n’est vraiment pas la réalité », nuance Isabelle Peters tout en rappelant le nécessaire accord de tous sur un budget qui trace des choix politiques. « Le maire, et lui seul, insiste Alan Confesson, se charge de la composition de son exécutif ; cela nous a été précisé dès le début du mandat ». Pas forcément d’accord sur tout, on vous dit…

Alors, second souffle pour une seconde partie de mandat ? On ne pourra en tout cas pas reprocher aux élus de la gauche grenobloise de manquer de personnalité.

Bouclier social

« L’objectif est de compenser la hausse de la taxe foncière pour les propriétaires occupant les plus modestes », explique Isabelle Peters. Des dispositifs développés, sous l’égide du centre communal d’action sociale, dans le domaine du coût des énergies, des transports, du logement, de la culture…

Concertation

« Lorsque nous réunissons cent personnes sur un projet dans un quartier, et ça arrive souvent, ça passe sous les radars ; pourtant, ce sont avec les habitants que se concrétisent les projets », souligne Margot Belair.

Eric Piolle, 2014

« En 2014, personne ne connaissait Eric Piolle à Grenoble, il a pourtant été élu. La notoriété n’est pas un préalable, c’est la dynamique d’un projet et d’une équipe qui l’emporte », estime Alan Confesson

À droite de la gauche ?

La possibilité d’une liste associant une partie de la mouvance socialiste, constituée avec l’appui du président de la métropole, un peu comme lors des élections sénatoriales, susceptible de faire échouer la gauche en 2026 ? « Ce n’est pas mon sujet », écarte Margot Belair. « Ce projet à Grenoble est illusoire », estime Alan Confesson. « N’ouvrons pas la porte à cette possibilité », suggère Isabelle Peters.

École du vélo

Parmi les réalisations qu’évoque Alan Confesson, celle de l’école municipale de vélo. Elle sera installée à l’anneau de vitesse avec l’objectif d’apprendre à faire du vélo et de « remettre en selle » les pratiquants anxieux à l’idée de rouler en ville. Le budget prévu pour cette école s’élève à 1,275 million d’euros jusqu’en 2025 inclus. De quoi financer les travaux à l’anneau de vitesse, acheter des vélos et payer les trois salariés qui y seront affectés.

Alan Confesson, la France insoumise, adjoint chargé du commerce, de l’artisanat et de l’économie.

La métropole, ce caillou dans la chaussure

Travailler avec l’intercommunalité, c’est devenu un passage obligé pour une commune. Pas toujours un chemin bordé de roses…

Grenoble Alpes métropole. Un cauchemar, à entendre les élus de la majorité grenobloise. Pourtant, il faut bien travailler avec : aménager une rue, c’est se coordonner entre la métropole responsable de la voirie et la ville chargée des trottoirs – c’est mieux de s’en occuper en même temps. Pour Margot Belair, c’est clair, « la situation est bloquée et cela conduit parfois, mais pas toujours, à des projets qui n’avancent pas ». Elle y voit la conséquence d’une institution en manque de légitimité, compte tenu du mode de scrutin qui en désigne les élus. Question posée dans tout le pays : « Partout où j’en discute, à Tours, à Marseille ou ailleurs, les difficultés entre les villes centre et les métropoles sont de même nature », souligne Alan Confesson.

« C’est leur sujet »

Reste la spécificité de l’agglomération grenobloise : un président élu en 2020 contre l’avis d’une majorité de sa majorité. « Je n’ai envie de finir le mandat comme ça, même si je n’ai pas la clé pour faire avancer les choses », commente Margot Belair. Et elle ajoute : « Les échanges entre Eric Piolle et Christophe Ferrari, c’est leur sujet, pas le mien. »

Alan Confesson estime quant à lui que l’on « fait trop de psychologie » pour décrypter les conflits et rappelle que les communes sont le lieu de l’expression du suffrage des citoyens : c’est en choisissant leur équipe municipale, sur la base de programmes municipaux, qu’ils désignent leurs conseillers métropolitains.

Isabelle Peters formule une suggestion : « on pourrait peut-être commencer par mettre sur la table les débats de fond plutôt que les petites phrases et les gesticulations sans intérêt », dit-elle sobrement.

Margot Belair, EELV, co-présidente du groupe Grenoble en commun – qui regroupe la majorité municipale –, adjointe à l’urbanisme..

Quel projet et quelle équipe après Éric Piolle ?

Qui sera le prochain – la prochaine – chef de file de la majorité ? Pas à l’ordre du jour. Quoi que. Toujours est-il que chacun milite pour une co-construction du projet et des équipes du prochain mandat. Sans trop savoir comment l’on va s’y prendre.

Et maintenant ? Eric Piolle a annoncé depuis longtemps qu’il ne se représenterait pas pour un troisième mandat. « Nous avons beaucoup de choses en route qu’il faut achever toujours en lien avec les habitants », rappelle Isabelle Peters, première adjointe au maire. N’empêche : « Beaucoup d’élus sont en questionnement et c’est normal ; personne n’est professionnel de la politique », précise-t-elle.

Margot Belair, quant à elle, ne fait pas mystère de son envie de poursuivre, de prendre part à une élaboration collective qui pourrait déboucher sur une nouvelle mandature. Ce que pourrait être cette construction ? « J’assume le flou de ne pas décrire précisément la façon dont ça se passera ; nous ne sommes pas dans une succession, chaque parti politique, chaque mouvement et les citoyens peuvent s’exprimer pour définir la méthode et les contenus : on ne peut pas à la fois appeler au collectif et décider d’avance en petit comité ». De fait, la question n’est pas encore à l’agenda de la majorité grenobloise à 30 mois du prochain scrutin municipal.

2026, faire du neuf après douze ans de mandat

Et pourtant… Alan Confesson met les pieds dans le plat. Une femme ? « Le symbole est moins disruptif qu’il y a quelques années : une femme est maire de Paris, de Nantes… des femmes sont présidentes de région, une femme est Première ministre…». Il faut « aller chercher de nouvelles énergies », estime-il, « pas obligatoirement un écologiste ». Et même « je peux être maire, moi aussi, pourquoi pas ».

Plus généralement, Alan Confesson est convaincu d’une chose : « si nous jouons « la citadelle assiégée », la « succession », nous allons dans le mur, il faut une respiration profonde ; en 2020, nous avons élargi le spectre politique de la gauche , maintenant, c’est l’effervescence grenobloise que nous devons aller chercher ; tout cela doit émaner de la population, le prochain mandat doit être aussi une rupture, comme en 2014, pas seulement une continuité ».

Débattre de l’avenir avec la population, bien sûr, approuve Isabelle Peters. D’autant que « les collectivités locales sont fragilisées par les politiques gouvernementales ». D’où l’urgence : « définir avec les Grenoblois ce que nous voulons faire, réfléchir aux forces et aux retards de notre bilan ». Alors, d’abord, mener les projets à leur terme dans la concertation la plus efficace, et commencer à jeter les bases d’un travail sur le plus long terme : « Il est temps de s’y mettre si l’on veut que le débat soit effectivement mené avec les habitants et non en cercle fermé ».

Ce qu’elle juge d’autant plus impératif que les ambitions de conquête d’une ville qui fait entendre une voix singulière sont légions. « On connaît la droite locale, mais la droite macroniste ou une éventuelle mouvance social-démocrate n’ont pas forcément dit leur dernier mot. »

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