Le 7 mars dernier, à l’arrivée de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, à l’anneau de vitesse de Grenoble.

La traditionnelle assemblée de rentrée des syndicats CGT se tenait ce mardi 12 septembre, au Pont-de-Claix. L’occasion pour la centrale syndicale de faire le bilan de la mobilisation du printemps dernier contre la réforme des retraites, et d’échanger sur les perspectives à venir.

C’est un temps important de la rentrée sociale. L’union départementale CGT a pris l’habitude de réunir ses syndicats sur une demi-journée, pour croiser les analyses et prendre la température. Et organiser au mieux la mobilisation sociale. En ligne de mire cette année : la journée de mobilisation interprofessionnelle du 13 octobre à laquelle appelle l’intersyndicale.

Dissiper l’écran de fumée, désigner le vrai adversaire : le capitalisme et le patronat

Le bilan de la mobilisation du printemps dernier aura occupé une bonne part des débats, et notamment une question : comment se fait-il que la grève reconductible n’ait pas pu se massifier, au plus fort du mouvement ? La période des 7-8-9 mars est pointée comme la phase charnière, autour du mot d’ordre de « blocage du pays ». Là où les habitués des réunions syndicales savent que la question des mots d’ordres vient souvent à ce moment-là, ce matin-là toutes les interventions ont souligné que la stratégie déployée par la CGT dans l’intersyndicale n’était pas en cause, et que les appels étaient parfaitement clairs. C’est dans le réel que les délégués cherchent des explications – poids du défaitisme, grève par délégation, précarité… – et des solutions pour surmonter ces difficultés.

Le jeune secrétaire de la CGT éducation populaire (animation) et un militant de la CGT spectacle pointent un angle mort : le phénomène de « grande démission », qui voit des salariés quitter leurs entreprises pour s’évader des difficultés plutôt que de s’engager dans une lutte trop souvent perçue comme perdue d’avance.

Pour Nicolas Cohard, secrétaire de l’USTM (métallurgie) et ouvrier à Becton-Dickinson, une des difficultés réside dans le manque de lien fait entre les responsabilités du gouvernement et celles du patronat : « Beaucoup de salariés nous disaient qu’ils ne voyaient pas en quoi faire pression sur leur patron pèserait sur le gouvernement, et que c’était le gouvernement qui conduisait la réforme des retraites. Pourtant, on sait que cette réforme vise à servir les intérêts du patronat. On doit être plus clair là-dessus, désigner clairement l’adversaire, pour gagner en compréhension ».

Pour Patrick Bernard, militant du syndicat multi-pro du Grésivaudan, le manque de formation politique des nouvelles générations est un handicap. L’ancien responsable de l’USTM témoigne de son expérience : « dans les années 90, nos cadres étaient formés politiquement par un parti. Depuis, on a rompu avec ce modèle, mais on ne l’a pas remplacé, et les nouveaux délégués syndicaux n’ont pas accès à des formations politiques, ils sont désarmés ».

Un mot est sur de nombreuses lèvres : capitalisme. Le nom d’un système dont toutes et tous ont conscience qu’il est la cause de tous les maux que combat le syndicat au quotidien.

Les stratégies d’union en question

Autre sujet qui aura occupé une partie des échanges, la forme des relations unitaires à entretenir avec les organisations partenaires (ONG, associations, partis…). En ligne de mire, le collectif « Alliance écologique et sociale », anciennement « Plus jamais ça ».

Le congrès confédéral a décidé il y a quelques mois de désengager la CGT de ce collectif, notant la nécessité de reconcentrer les forces disponibles sur la structuration syndicale, mais aussi les divergences sur les dossiers énergétiques ou industriels.

En Isère, l’union départementale était très engagée dans ce collectif, qui s’est installé comme prolongement du collectif pour la gratuité des transports en commun.

Les syndicats du monde de la recherche (SNTRS et UGA) sont donc intervenus pour réclamer un maintien du syndicat dans ces cadres, là où d’autres camarades de la chimie ou de l’énergie ont rappelé le mandat de congrès. Elisa Balestrieri, membre du secrétariat de l’UD, a annoncé que le sujet serait instruit dans la nuance par la prochaine commission exécutive.

Dans le registre des relations unitaires, la participation du syndicat à la journée de mobilisation du 23 septembre « contre les violences policières » n’aura pas fait tant débat. Même si pour les militants qui se sont exprimés il s’agit surtout de se mobiliser contre la répression syndicale qui frappe durement certains secteurs, bien loin des mots d’ordres nationaux centrés autour de la dénonciation d’un « racisme systémique »…

Une organisation qui se redéploie, et fait face à l’enjeu de l’implication

Plus que tout, les témoignages de plusieurs unions locales qui voient un regain de syndicalisation et d’activité suite à la mobilisation des retraites. A Fontaine, c’est une arrivée « en grappe » de jeunes, généralement issus du monde de l’éducation. A Saint-Marcellin, ce sont les manifestations historiques du printemps qui ont redonné de la visibilité à la CGT. A Roussillon, l’implication des syndicats historiques de la chimie imprime sa rigueur : l’UL a déjà planifié sa manifestation pour le 13 octobre, avec un parcours se terminant sur le parking d’une entreprise qui sera en pleines négociations annuelles obligatoires (NAO).

Les témoignages des agents hospitaliers auront aussi pris l’assistance aux tripes. Au CHU de Grenoble, les urgences sont toujours fermées la nuit, comme à Voiron, et c’est maintenant l’équipe de chirurgie en pédiatrie qui vit un burn-out collectif. Un rassemblement est organisé ce jeudi 14 septembre à Voiron, à 17h30 devant le nouvel hôpital, pour réclamer des moyens supplémentaires pour la santé publique.

Enfin, la fuite en avant guerrière des États a suscité des inquiétudes, les syndicalistes réaffirmant le rôle de la CGT dans le mouvement pacifiste.

Bref, une rentrée sur tous les fronts.

Robert W. Ewellnes

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