Grenoble. La Poste ou la casse par l’exemple

Par Max Blanchard

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Depuis le 22 mars, les facteurs grenoblois sont en lutte contre la précarité.

La Poste souffre. Au détriment de ses usagers et de son personnel. Précarisation, détérioration des conditions de travail, sanctions contre les grévistes, manque de concertation. En un mot dégradation du service public. Mais attention, réaction !

On souffre, on subit. Et puis un jour on n’en peut plus, on s’insurge. En mars, le contrat d’une fac­trice inté­ri­maire du bureau de poste Cha­vant n’est pas renou­ve­lé après 18 mois de bons et loyaux ser­vices. C’est la goutte d’eau qui fait débor­der le vase. Une action s’engage. Elle per­met­tra le renou­vel­le­ment du contrat. C’est un déclic. A Cha­vant encore, sur cette lan­cée, de jeunes inté­ri­maires s’engagent dans une lutte pour le renou­vel­le­ment des contrats et la péren­ni­sa­tion de leur emploi. Car de plus en plus d’intérimaires sont recru­tés au détri­ment des CDI : les 3/4 des fac­teurs sont désor­mais sous ce sta­tut. Mais de plus en plus les inté­rims ne sont pas renou­ve­lés, avec une déper­di­tion d’expérience, de rela­tions humaines, de connais­sances du ter­rain, voire une cer­taine désor­ga­ni­sa­tion des ser­vices. Actions “On est confron­tés à une situa­tion peu banale”, explique Natha­lie Bar­teau (CGT), “car ce sont des inté­ri­maires qui engagent la lutte et non les agents en place ! Avec l’insuffisance de sou­tien ou d’expérience que cela sup­pose”. La plu­part ne sont d’ailleurs pas syn­di­qués. Une grève qui dure depuis le mois de mars, recon­duite jour après jour à l’issue d’assemblées géné­rales quo­ti­diennes. Avec le sou­tien per­ma­nent des syn­di­cats SUD-PTT et CGT de la Poste. Actions publiques, piquets de grèves, appels aux élus, visites des autres bureaux de poste afin de contri­buer à sen­si­bi­li­ser le per­son­nel, débrayages de sou­tien, mise en place d’une caisse de grève, de péti­tions d’un comi­té de sou­tien : mille et unes démarches sont orga­ni­sées. Mais la direc­tion per­siste dans son refus.
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Pour Oli­vier Pey­rou (Sud PTT), “il y a une volon­té très claire de ne pas répondre aux reven­di­ca­tions afin d’éliminer les inté­ri­maires gré­vistes ”. Il dénonce la casse du ser­vice public à la Poste, la course à la ren­ta­bi­li­té. Il détaille : ”on sépare les fonc­tions du tri et de la dis­tri­bu­tion : le fac­teur n’a plus la maî­trise d’organiser sa tour­née ; on embauche des inté­ri­maires cor­véables à mer­ci qui servent à rem­pla­cer des fac­teurs sur telle ou telle par­tie de tour­née et qu’on ne renou­velle pas ; on éli­mine les gêneurs, les gré­vistes…” Silence on casse Aujourd’hui le dia­logue est rom­pu, la Poste misant sur le pour­ris­se­ment d’un conflit qu’elle ne sou­haite pas voir débor­der du cadre local. Une forte pres­sion s’effectue à tel point que les gré­vistes refusent de se lais­ser pho­to­gra­phier désor­mais.
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Patrick*, inté­ri­maire gré­viste depuis la pre­mière heure, est par­ti­cu­liè­re­ment remon­té. “On constate un blo­cage de la direc­tion, avec un refus de rece­voir les inté­ri­maires gré­vistes, voire les syn­di­cats !” Et d’argumenter : “Nous ne sommes pas consi­dé­rés ! On ne veut pas de nous les jeunes. Pour­tant nous vou­lons être fac­teurs, nous sommes inté­res­sés par le métier !” Il est dit qu’on peut pas­ser des tests pour obte­nir un CDI ? “On le dit, oui, mais c’est à la tête du client et les gré­vistes sont ban­nis !” Amer, il constate : “il y a beau­coup de paroles en l’air. On voit beau­coup de pub pour dire que la Poste recrute, oui mais à bas prix, avec du per­son­nel jetable ! J’estime qu’on doit connaître son fac­teur, or il n’y a plus de rela­tion­nel, les gens sont des clients sur les­quels La Poste veut faire de l’argent au détri­ment du ser­vice public ! C’est se tirer une balle dans le pied !” Il rage : “Quand j’apporte son quo­ti­dien à un papy à 15 ou 16 heures de par l’organisation de la tour­née, j’ai honte, car il a le droit à avoir son infor­ma­tion dès le matin !”
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Oli­vier Pey­rou opine : “C’est un ser­vice public au rabais qui ne répond plus aux attentes, mais il n’est pas ques­tion de bais­ser les bras, nous allons pour­suivre les actions.” La grève per­turbe le ser­vice sans que cela ne pré­oc­cupe la direc­tion de La Poste. “Elle pré­fère avoir recours aux “fact’aid”, ces rem­pla­çants occa­sion­nels recru­tés sur toute la Région — avec le coût par­ti­cu­liè­re­ment éle­vé que cela repré­sente — plu­tôt que d’embaucher du per­son­nel “, explique Natha­lie Bar­teau. Cela alors que le gou­ver­ne­ment veut impo­ser une réforme des retraites visant à dégra­der encore plus la situa­tion des sala­riés. Mais pour­tant Paral­lè­le­ment d’autres mou­ve­ments ont agi­té des bureaux de poste gre­no­blois ces der­niers temps : l’Agence Colis Poste débraie une heure chaque matin pour exi­ger une autre orga­ni­sa­tion du tra­vail ; au bureau Lio­nel-Ter­ray un mou­ve­ment accom­pa­gné de débrayages quo­ti­diens pour une autre orga­ni­sa­tion a récem­ment per­mis de don­ner satis­fac­tion aux agents.
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Inci­dence trou­blante ? A Cha­vant on a appris que l’organisation qui avait été mise en place depuis 2021 pour dif­fé­ren­cier la pré­pa­ra­tion des sacoches de cour­rier et la dis­tri­bu­tion, for­te­ment décriée, devrait être revue à l’automne. “Tous d’accord pour dire que vivre ensemble c’est savoir s’écouter et se res­pec­ter”, dit une récente publi­ci­té de La Poste. A quand la mise en oeuvre ? Plus que jamais les gré­vistes de Cha­vant ont besoin de sou­tien et de soli­da­ri­té pour mener un com­bat qui contri­bue à la défense du sec­teur public de la poste. * le pré­nom a été chan­gé
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