Un rassemblement en hommage aux victimes de la répression, le 8 mai 1945, à Sétif, en Algérie.

« L’autre 8 mai 1945 ». Plus de 150 personnes assistaient à cette commémoration devant la plaque commémorative face à la mairie de Fontaine.

Le Collectif 17 octobre 1961 Isère (1) organisait comme chaque année depuis six ans un hommage aux victimes de la répression qui eut lieu le 8 mai 1945 et dans les semaines qui suivirent à Sétif, Guelma et Kherrata. Ces crimes ont été commis par un ordre colonial qui ne voulait pas accepter les aspirations à l’égalité des droits et à l’émancipation des Algériennes et Algériens. Selon les historiens ce massacre a fait entre 10 000 et 40 000 victimes ; il aurait été l’événement annonçant les actions de libération nationale de novembre 1954. Cette année, il y a eu des rassemblements dans d’autres villes (Besançon, Givors, Saint Denis, Nanterre, Vaulx en Velin), et les médias en ont (un peu) parlé, signe que l’action menée porte peu à peu ses fruits. L’appel a reçu le soutien de 50 organisations de l’Isère, 26 élu·es étaient présent·es.

Mariano Bona.

« Ce large soutien est une force importante pour faire sortir de l’oubli ce passé tragique de notre histoire. Nous demandons la reconnaissance par l’État français des crimes commis lors du 8 mai 1945 ; l’inscription dans les livres d’histoire des crimes coloniaux commis contre les peuples (Algérie, Madagascar, Indochine…) ; une écriture partagée entre la France et l’Algérie de leur histoire commune ouvrant sur de nouvelles coopérations citoyennes », déclarait Mariano Bona, président du collectif du 17 octobre 1961 avant de rappeler l’histoire.

Eric-Piolle

Jacqueline Madrenne.

Jacqueline Madrenne, adjointe au maire d’Echirolles, indiquait que le maire d’Echirolles, Renzo Sulli, avait, dans son allocution pour la commémoration du 8 mai 1945 prononcée le matin, rappelé les massacres le même jour en Algérie, dénoncé les dangers de l’extrême droite et condamné les menaces antisémites et anticommunistes proférées à l’encontre d’Edouard Schoene.

Eric-Piolle

Willy Pepeljnak.

Laura Pfister, adjointe au maire de Grenoble, rappelait la programmation d’événements autour de l’indépendance de l’Algérie dans les villes d’Echirolles, Saint-Martin-d’Hères, Saint-Egrève, la Tronche, Eybens et Gières. Marie Thérèse Lloret responsable du collectif des réfugiés algériens rappelait la situation actuelle, très difficiles, des réfugiés algériens. Willy Pepelnjak, secrétaire de la section du PCF de Fontaine, notait que le combat contre l’ordre colonial, le racisme et le fascisme est toujours d’actualité.

Eric-Piolle

Une gerbe déposée par Jo Briant.

Après dépôt de gerbe et une minute de silence, les chants Min Djibalina et La casa del Mouradia ont retenti puis un pot de l’amitié, organisé par Jo Briant a couturé cette cérémonie.

(1) Le « collectif du 17 octobre 1961 Isère » est composé de : Algérie au Coeur, Amal, ANPNPA (Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis ), ASALI (Association de Solidarité des Algériens de l’Isère), Coup de Soleil Rhône-Alpes, CSRA (Comité de Soutien aux Réfugiés algériens), La Libre Pensée Isère, le mouvement de la Paix Isère, Ras L’Front.

L’allocution prononcée par Mariano Bona

Rappelons les faits :

La chute du régime nazi a été un événement considérable dans le monde entier, soulevant l’espoir d’un monde plus juste, respectueux des droits et des peuples. Cent trente mille soldats algériens et des dizaines de milliers d’autres soldats et de civils de pays colonisés ont participé à la lutte contre le nazisme au sein de l’armée française, les fameux « indigènes de l’armée française ».

La célébration de la victoire des Alliés contre le nazisme le 8 mai 1945 est l’occasion pour les Algériennes et les Algériens de faire entendre les revendications d’égalité des droits et d’indépendance.

A Sétif, des milliers d’Algériens manifestent et brandissent des pancartes « Libérez Messali » (Messali Hadj, leader nationaliste emprisonné), « Nous voulons être vos égaux », « À bas le colonialisme », « Vive l’Algérie libre et indépendante », et un drapeau qui deviendra le drapeau algérien. La répression qui suivra durera des mois et sera féroce : 10 000 à 40 000 victimes selon les historiens, à Sétif, Guelma et Kherrata. C’est un véritable massacre et un crime d’État : il s’agissait pour le pouvoir français de l’époque de maintenir à tout prix l’Algérie sous domination coloniale.

« L’autre 8 mai 1945 » résonne toujours dans notre présent. Parler de ce qui s’est passé le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, c’est être solidaire de tous les peuples qui luttent pour leur liberté, pour la reconnaissance de leurs droits politiques et culturels, c’est dire haut et fort que ne pas entendre les peuples conduit à la tragédie.

Alors que les violences de l’extrême-droite se multiplient ces dernier mois contre des militants·es, et que des locaux associatifs, politiques et syndicaux sont vandalisés, nous constatons que la réponse de l’État est faible voire inexistante. Il est temps de réagir. comment accepter qu’à Perpignan une esplanade ait été baptisée du nom de Pierre Sergent, un dirigeant de l’OAS ? A Fontaine, dans cette ville où nous sommes rassemblés, notre camarade Édouard Schoene a subi des insultes anticommunistes et antisémites.

Nous savons à quel point l’extrême-droite comme ceux qui promeuvent les mêmes idées sont actifs pour réhabiliter le colonialisme, propager la haine de l’étranger, du musulman. Nous savons aussi que les haines peuvent s’ajouter et s’alimenter, que la glorification du colonialisme peut coexister avec la promotion du nazisme, et que la haine de l’étranger ou du musulman n’est en rien incompatible avec l’antisémitisme. Parler de ce qui s’est passé le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, c’est dire la réalité du colonialisme, faite de violence, d’inégalités et d’oppression, c’est combattre l’imaginaire raciste qui a soutenu et légitimé la domination coloniale, c’est lutter pour l’égalité réelle. La lutte pour l’égalité et contre le racisme est un combat au long cours, toujours actuel.

Cette année marque le 40e anniversaire de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme », partie de Marseille en octobre 1983 pour se conclure par une manifestation de plus de 100 000 personnes à Paris en décembre 1983.

Cet hommage ne serait pas complet s’il n’était pas l’occasion de dire notre solidarité avec le peuple algérien dans son combat pour l’émancipation et la dignité. Début 2019, sur l’ensemble du territoire algérien, le peuple s’est levé en masse et pacifiquement, pour une nouvelle société plus libre, plus démocratique et plus juste. Cet mouvement vers plus de justice et de démocratie s’est traduit par une réappropriation par le peuple algérien et sa jeunesse de son Histoire.

La toute première manifestation a eu lieu le 16 février 2019 à Kherrata. Les jeunes disaient reprendre le combat de leurs anciens, preuve de l’actualité du 8 mai 1945 et de cette Histoire du combat pour la libération du territoire et l’émancipation. Parmi les tags muraux devenus célèbres, ceux-ci «1962 territoire libéré, 2019 peuple libéré », « Mars 1962 l’indépendance en marche, mars 2019 la démocratie à l’horizon », « Un seul héros, le peuple » qui montrent la force des liens entre les Algériennes et les Algériens et leur Histoire.

Il est regrettable que les autorités algériennes aient fait le choix d’ignorer les aspirations du peuple algérien et aient choisi la répression contre ses opposants (partis et mouvements politiques interdits ou suspendus, de nombreux militants et citoyens arrêtés, presse d’opinion en grande difficulté…).

C’est à rebours de l’Histoire du peuple algérien et de sa lutte pour l’émancipation.
Nous appelons à être solidaires du peuple algérien dans son combat démocratique.
Nous demandons la libération de toutes les personnes emprisonnées pour avoir exercé pacifiquement leur droit aux libertés d’expression et de réunion.
Nous demandons que cesse la répression contre les organisations démocratiques.

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