Rendez-vous les 16 et 17 juin

Par Luc Renaud

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La fête du Travailleur alpin prend un nouveau visage, pour son édition 2023. A l’ombre, pour une programmation plus riche en journée. Des débats politiques contradictoires, où l’on verra Medef et élus LR. Et toujours cette scène locale, ces artistes engagés. Un brassage qui fait la couleur de cet événement. Avec ses sourires et ses regards pailletés d’étoiles...

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Un rendez-vous politique, familial, intergénérationnel...

Quatre-vingt-qua­torze années d’existence et tou­jours alerte, la fête du Tra­vailleur alpin. Et elle va devoir mettre à contri­bu­tion sa vita­li­té cette année encore. Pour faire face aux réa­li­tés de son époque, tout d’abord. Les années covid sont dif­fi­ciles à ava­ler pour le monde du spec­tacle et de la culture. Fré­quen­ta­tion en baisse, dif­fi­cul­tés bud­gé­taires – « le coût des loca­tions et des pres­ta­tions a aug­men­té de plus de 10 % en moyenne », constate Ber­nard Fer­ra­ri, le direc­teur de la fête –, telles sont les réa­li­tés de l’ensemble des ren­dez-vous cultu­rels. A cet égard, 2023 a des allures d’année de véri­té. C’est d’autant plus vrai pour la fête du TA, une fête aux dimen­sions cultu­relles et poli­tiques depuis ses ori­gines… et qui, à ce titre, n’est pas sub­ven­tion­née. Ce qui, on ne le fera jamais assez savoir, fait figure d’Ovni dans le monde du spec­tacle vivant aujourd’hui.

Se renou­ve­ler aus­si pour faire face aux contraintes du chan­ge­ment de lieu. La ville de Fon­taine a offi­ciel­le­ment refu­sé le parc de la Poya à la fête du TA. Elle aura donc lieu à l’esplanade de Gre­noble les 16 et 17 juin pro­chains, en tirant par­tie de l’expérience d’un pre­mier essai en 2022, à l’issue de la séquence élec­to­rale du prin­temps de l’an der­nier. L’implantation de la fête sera ain­si modi­fiée : elle aura lieu sous les arbres au nord du bou­lo­drome et non sur le par­king entre ce bâti­ment et la porte de France, comme l’an der­nier : s’adapter, de nos jours, c’est s’adapter au réchauf­fe­ment cli­ma­tique.

Modi­fi­ca­tion de la confi­gu­ra­tion des lieux, mais plus encore. A l’issue de l’édition 2022, ça a gam­ber­gé. Les mili­tants com­mu­nistes et les béné­voles qui s’investissent chaque année dans la réus­site de l’événement se sont réunis pour une jour­née de tra­vail en décembre der­nier. Ce qu’il en est res­sor­ti ? La volon­té de mieux répondre à la diver­si­té des attentes des publics qui se croisent, de veiller jalou­se­ment à cette pépite du bras­sage et de l’échange qui fait de la fête du TA ce moment si par­ti­cu­lier.

Ce qui signi­fie par exemple une atten­tion plus sou­te­nue aux ani­ma­tions en jour­née. « Nous sou­hai­tons que l’on puisse pas­ser la jour­née du same­di à la fête entre amis, en famille avec des enfants », explique Ber­nard Fer­ra­ri. D’où un pro­gramme – fan­fares, batu­ca­da, lec­tures poé­tiques, say­nettes théâ­trales… – concoc­té par Corinne Fro­men­tin et Patrick Seyer que nous évo­quons par ailleurs dans ces pages. Ce qui a tout à voir avec l’évolution de la confi­gu­ra­tion de la fête : sous les arbres, c’est mieux pour pas­ser une belle jour­née.

Scène locale et programmation engagée

Tout comme la place des débats poli­tiques a évo­lué. Là aus­si, à par­tir des réflexions de l’automne : ils auront lieu dans l’agora de la fête, implan­tée à l’intérieur du bou­lo­drome. Mieux s’entendre, ins­tal­lé plus confor­ta­ble­ment et un espoir à l’heure où ces lignes sont écrites : que la tech­nique per­mette une plage horaire plus éten­due. Avec, au pro­gramme, des échanges poli­tiques contra­dic­toires qui tranchent avec les tours de parole sans sur­prises : un débat le ven­dre­di à l’ouverture sur l’industrie avec des tenants et des contes­ta­taires des stra­té­gies indus­trielles actuelles, un débat le same­di en début d’après-midi sur le sys­tème de san­té, débat ouvert par une inter­ven­tion théâ­tra­li­sée, pro­ba­ble­ment un mee­ting en fin d’après-midi et peut-être même, entre ces deux ren­contres, un débat sur la mon­tagne. Tout cela étant en cours de fina­li­sa­tion. L’agora de la fête accueille­ra éga­le­ment la librai­rie et les stands tour­nés vers la dis­cus­sion et l’information.

Et côté pro­gram­ma­tion musi­cale ? Deux scènes – dont la plus grande n’aura pas ses dimen­sions habi­tuelles eu égard à l’inflation des coûts de cet équi­pe­ment – sur les­quelles alter­ne­ront des artistes qui « par­tagent nos valeurs, indique Ber­nard Fer­ra­ri, et « une part impor­tante consa­crée à la scène locale ».

Ne fai­sons pas plus attendre. Le ven­dre­di, Sidi Wacho (une ambiance fes­tive « cum­bia-hip-hop-bal­kan »), Alee et Mou­rad Mus­set (deux artistes du groupe la Rue Kéta­nou) et Ke Onda (un mélange métis­sé de chan­sons fran­co-espa­gnoles qui évoque Manu Chao). Ain­si que Gala­club (chan­sons) et l’1consolable (un rap­peur réso­lu­ment poli­tique) sur la seconde scène. Le same­di, Gna­wa dif­fu­sion (rock reg­gae), Camille Este­ban (une chan­teuse qui mixe pop urbaine et rythmes lati­nos) et Sla­mou­raï (un rap­peur de Bour­goin-Jal­lieu) sur la pre­mière scène ; King Pin (reg­gae) et Quin­ta­na Dead Blues eXpe­rience (blues rock) sur la seconde scène.
Et tou­jours là, ce qui fait la cou­leur incom­pa­rable de la fête du Tra­vailleur alpin, l’engagement de tous ces mili­tants et béné­voles, la cha­leur des retrou­vailles de tous les amou­reux de la fête, de ce peuple des Alpes qui jamais ne se résigne.

Salah Hamou­ri, la ren­contre

« Un moment qui m’a mar­qué, c’est celui de la récep­tion de Salah Hamou­ri dans notre stand, en 2019. Sa visite avait été annon­cée au der­nier moment ; nous avons impro­vi­sé un débat, avec beau­coup de monde. Nous avons pu ensuite dis­cu­ter avec lui pen­dant un bon moment. Ça ne s’oublie pas ».

Journées particulières

La fête du TA, ce sont aus­si des liens qui se créent au cours de la semaine de mon­tage, pen­dant la fête et son démon­tage. « C’est impor­tant pour les mili­tants de construire cette fête ensemble, ça compte pour toute l’année .» Impor­tante aus­si la richesse des ren­contres. Avec les mili­tants du dépar­te­ment, avec un public qui vient pas­ser un bon moment, avec ceux qui viennent avec l’objectif de dis­cu­ter poli­tique.

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mili­li­tants

com­mu­nistes – envi­ron – font tour­ner le stand de Gre­noble-Est agglo-Saint-Egrève-Gré­si­vau­dan pen­dant les deux jours de fête. Ils sont une ving­taine à y tra­vailler à par­tir du mois d’avril.

Fête du TA, la faire connaître

À l’heure de la diver­si­fi­ca­tion des publics, la com­mu­ni­ca­tion de la fête revêt une impor­tance accrue. Son effi­ca­ci­té, c’est d’abord celle des mili­tants qui dif­fusent la vignette. Elle s’appuie aus­si sur des canaux tra­di­tion­nels, presse ou affi­chage. Sur les sites inter­net du jour­nal et de la fête. Et sur les réseaux sociaux, Face­book, Ins­ta­gram, Twit­ter, Snap­chat… Là encore, les amou­reux de la fête peuvent appor­ter leur pierre à l’édifice : en sui­vant la fête et le Tra­vailleur alpin sur les réseaux et en contri­buant à leur conte­nu en envoyant pho­tos inédites et com­men­taires à redaction@travailleur-alpin.fr

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Dans les stands, la bonne humeur est com­mu­ni­ca­tive.

Derrières les stands, des militants

Trois mois de préparation. Les stands de la fête, ça ne s’improvise pas !

Ils étaient trois. Trois psy­chiatres venus au stand pour boire un coup. « Nous avons pas­sé une heure à débattre de psy­chia­trie, de mar­xisme, de poli­tique, du monde… c’était pas­sion­nant .» Guillaume Fou­bert est l’un des ani­ma­teurs du stand que tiennent les com­mu­nistes gre­no­blois à la fête du Tra­vailleur alpin.

Là comme ailleurs, les débats sont riches. Et c’est peut-être ce qui fait l’âme de la fête : un fes­ti­val de musique qui compte dans le dépar­te­ment, et aus­si une fête popu­laire, une fête du débat…

Ce stand, comme les autres, néces­site l’implication de mili­tants, une qua­ran­taine pour le mon­ter, le tenir… et le démon­ter avec l’ensemble de la fête. Sans comp­ter bien sûr la dif­fu­sion de la vignette d’entrée assu­rée par tous.

Convivialité et politique

Les choses ont évo­lué depuis que la ville de Fon­taine refuse le parc de la Poya. Moins de super­fi­cie, il a fal­lu mutua­li­ser. « La sec­tion de Gre­noble s’est asso­ciée avec celles du Gré­si­vau­dan, d’Est agglo et de Saint-Egrève, explique Guillaume. Ce qui, para­doxa­le­ment, a per­mis l’engagement de davan­tage de mili­tants.

Guillaume le constate : « moins de pres­sion, c’est du coup la pos­si­bi­li­té de s’impliquer sans pro­blème  ; et d’être fina­le­ment plus nom­breux ».

Car il faut tenir. D’autant que ce stand est char­gé de la « res­tau­ra­tion assise ». Une cen­taine de repas par ser­vice. Entre­côtes, diots, cru­di­tés… et un bar à vin avec ses spé­cia­li­tés de saint-joseph et blanc de Savoie… on n’y vient pas seule­ment par hasard.

Ajou­tons une ambiance où la convi­via­li­té est le maître mot : l’an der­nier, on gagnait une bou­teille de saint-jos­peh en don­nant la lon­gueur du ruban qui en fai­sait plu­sieurs fois le tour.

Tem­pête de sou­rires !

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Patrick Seyer, comé­dien et mili­tant com­mu­niste.

La fête de la culture « grand angle »

Poésie, arts plastiques, chant… le public de la fête du TA sera invité à suivre des déambulations, à découvrir une exposition, à participer à des lectures théâtralisées… Une riche palette de propositions nouvelles, notamment au cours de la journée du samedi 17 juin.

« Nous sommes des mili­tants, au même titre que des élec­tri­ciens ou que d’autres cama­rades qui bâtissent la fête, nous inter­ve­nons à ce titre. » Ce titre est double, celui de mili­tant com­mu­niste et de comé­dien. Et ce sera l’une des inno­va­tions de cette édi­tion 2023 : une place accrue dévo­lue au spec­tacle vivant durant toute la durée de la fête.

Patrick Seyer, orga­nise trois ses­sions de lec­tures théâ­trales au cours de la fête.

Autour de l’exposition Rouillé col­lé, de Luc Quin­ton, qui sera pré­sen­tée dans l’agora – des pan­neaux de « col­lages qui racontent des his­toires » – Patrick Seyer lira des textes. Par­fois drôles, comme cet opus­cule d’avant-guerre des­ti­né aux jeunes filles d’une école catho­lique, par­fois dou­lou­reux… Au cours de la fête – ven­dre­di soir et same­di après-midi –, le public sera ain­si invi­té à une décou­verte déam­bu­la­toire au cœur du tra­vail de Luc Quin­ton.

Une expo mise en lumière par des lectures

Autre inter­ven­tion, same­di en tout début de soi­rée, en col­la­bo­ra­tion avec la mai­son de la poé­sie, l’un des stands de l’agora de la fête. Patrick Seyer, dans une mise en scène signée Ben­ja­min Moreau, fera décou­vrir des textes de résis­tance déni­chés par Pierre Vieu­guet. La Pales­tine et le Chi­li seront notam­ment évo­qués.
Inter­ven­tion éga­le­ment le same­di entre midi et deux. Avec un groupe ama­teur, cette fois, la com­pa­gnie Par­tages. Il s’agira d’une lec­ture musi­cale construite et mise en scène par Pie­rette Tour­nier, pro­fes­seur de fran­çais à Vizille. Ce spec­tacle, Telles qu’elles, évoque les vio­lences faites aux femmes et leurs com­bats éman­ci­pa­teurs.

Un ensemble de pro­po­si­tions artis­tiques, des arts plas­tiques au chant en pas­sant par la poé­sie, qui contri­bue­ront à élar­gir la pour­tant déjà riche palette de pro­po­si­tions de la fête du Tra­vailleur alpin.

Le refus de la ville de Fon­taine

« La muni­ci­pa­li­té a déci­dé de ren­for­cer la fête de la musique » à Fon­taine. C’est la « jus­ti­fi­ca­tion » offi­ciel­le­ment don­née par la muni­ci­pa­li­té de droite pour refu­ser le parc de la Poya. Pré­ci­sons qu’une ren­contre a eu lieu avec le maire de la ville en juillet 2022. Qu’une réponse devait être don­née en sep­tembre. Que de mul­tiples relances ont été adres­sées par dif­fé­rents canaux. Et que ce n’est que le 17 février 2023 qu’un refus a été noti­fié. On aurait vou­lu com­pli­quer la tâche des mili­tants qui tra­vaillent à l’organisation dès novembre que l’on ne s’y serait pas pris autre­ment. Minable, en somme.

Fête familiale

Plus tra­di­tion­nel et non moins essen­tiel. La fête du TA 2023 accueille­ra de nom­breuses ani­ma­tions propres à faire fleu­rir les sou­rires des petits… et des plus grands. Ini­tia­tions au mono­cyle, fan­fares pour accueillir les spec­ta­teurs à la des­cente du tram, batu­ca­da his­toire de ryth­mer le tout, maquillages tou­jours aus­si spec­ta­cu­laires – et si beaux –, arts de la rue – jon­glages, flam­beaux… – avec les Col­por­teurs de rêves… venez avec vos enfants !

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