Législatives. Les ambitions de la gauche rassemblée
Par Luc Renaud
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Dans la septième circonscription, la gauche a une candidate, Dominique Dichard, PCF. Une circonscription difficile, étendue, où l’on retrouve les conséquences des choix de la droite macroniste dans l’industrie, l’agriculture, les transports, la santé, le climat... Porte à porte, réunions publiques, entreprises... la gauche en campagne.
De Charavines à Roussillon. En passant par Saint-Jean-de-Bournay, la Côte-Saint-André ou encore Beaurepaire… de quoi faire. Pas de quoi pourtant entamer l’énergie de Dominique Dichard, candidate communiste de la Nouvelle union populaire écologique et sociale dans cette immense septième circonscription de l’Isère et ses cent quatre communes.
« Sur ce territoire, nous sommes confrontés à tout ce qu’il faut changer dans cette société », relève la candidate. Candidate, elle l’est déterminée à gagner. D’abord avec le souci d’une gauche rassemblée : il n’est pas trop de tout le monde pour faire face à l’ampleur de la tâche. Pour cela, elle s’est adjointe un candidat remplaçant militant de la France insoumise, Laurent Brosselin, également syndicaliste. Plus qu’un remplaçant, d’ailleurs ; ils forment une équipe. Et dès la première réunion de son comité de campagne, on pouvait noter la présence de militants écologistes, communistes, insoumis et socialistes. Ce qui fait figure d’originalité, dans cette campagne législative iséroise.
Il en faudra, de cette énergie de l’union, pour l’emporter. Dans cette circonscription, Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour de l’élection présidentielle – 30,34 % des suffrages – comme au second – 51,02 %. Le candidat de droite, Yannick Neuder, avait échoué de peu en 2017 face à la candidate macroniste, élue avec 51,84 %.
La division de l’extrême droite – deux candidats sont en lice, l’un se réclamant de Le Pen, l’autre de Zemmour – une droite affaiblie par le résultat de Valérie Pécresse et une députée macroniste qui ne se représente pas pour faire place à une élue du Grand-Lemps… tout cela ouvre le champ des possibles pour la candidate de la Nouvelle union populaire écologiste et sociale.
Ce qui est sûr, c’est que la détermination est au rendez-vous. « Je suis une femme d’ouverture et de conviction », aime à rappeler Dominique Dichard. Deux traits de caractère que l’on retrouve dans la campagne qu’elle dirige : des militants de tous horizons y participent et ils proposent un programme qui constitue une vraie rupture. Car cette septième circonscription propose bien tous les défis de auxquels notre époque doit faire face.
L’adaptation de l’agriculture au changement climatique, par exemple. Elle passe notamment par la possibilité pour des jeunes de s’intailler et de développer des exploitations économes en eau qui s’appuient sur le développement de circuits courts.
Transports publics, la portion congrue
Les transports, une vraie difficultés dans ce territoire de l’Isère. Rien, pour se rendre de la vallée du Rhône à la préfecture de l’Isère. Un besoin qui va croissant avec l’étiolement des services publics. Des difficultés aussi avec l’engorgement de l’autoroute A7 et ses files ininterrompues de camions, la saturation de la voie ferrée Lyon Grenoble assortie des bouchons dans la cluse de Voreppe qui concerne le Grand-Lemps et l’Est de la circonscription… ou tout simplement des transports en commun, entre Roussillon et Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs par exemple, réduits à la portion congrue.
Autre dossier essentiel, celui de l’industrie. La victoire de la relocalisation à Roussillon de la fabrication du principe actif du paracétamol – treize ans après sa délocalisation en Chine – est venue témoigner des possibilités de l’industrie de notre temps. De même que le tissu de petites entreprises de la métallurgie dans la Bièvre est riche de potentiel… à condition que les grands groupes et l’État s’engagent dans une politique de revitalisation des filières industrielles et d’encouragement à des coopérations plutôt qu’à une concurrence mortifère.
Car, sur tous ces sujets – et l’on pourrait évoquer les déserts médicaux et la création de centres de santé pour y remédier – ce sont bien des choix politiques gouvernementaux qui sont en cause. Celui de l’argent pour les actionnaires plutôt que pour l’investissement, les salaires et l’emploi ; celui des grandes fortunes et d’une fraude fiscale prospère plutôt que du financement de l’hôpital et des services publics.
Partir du vécu et de ses souffrances pour avancer les propositions qui permettraient d’y remédier, c’est toute la démarche de la campagne de Dominique Dichard. Le 21 mai, avec Laurent Brosselin, elle a pu exposer ses propositions à Beaurepaire devant une salle comble. Comme à la sortie des usines à Roussillon. Ou sur les marchés de Roybon à Virieu…
Une voix qui porte l’espoir.
Pour s’y retrouver dans la deuxième
Pas moins de douze candidats se présentent dans la deuxième circonscription de l’Isère. A l’extrême droite, le Pen et Zemmour sont représentés. A droite, on trouve le député macroniste sortant et une candidature LR. Laissons de côté les partis pirate et animaliste.
Reste six candidatures se revendiquant de la gauche, à des degrés divers.
Lutte ouvrière est fidèle au poste avec Chantal Gomez. L’accord national de la Nupes a décidé de confier le soin de l’emporter à une candidature EELV, celle de Cyrielle Chatelain. La candidate a écarté la proposition de Pierre Labriet – PCF – de faire équipe avec elle en qualité de remplaçant. C’est Alban Rosa, qui siège dans l’opposition municipale à Échirolles, qu’elle a choisi pour conduire la campagne électorale à ses côtés.
Deux autres candidats se prévalent de l’écologie : Grégory Manoukian, qui réside à Vaulnaveys-le-Haut, et Mohamed Gafsi, un Martinérois aujourd’hui membre de l’Alliance écologiste indépendante après un parcours politique chaotique et pas toujours à gauche.
La famille socialiste est également représentée avec Carole Condat, qui porte les couleurs de la nouvelle Fédération de la gauche républicaine (FGR), un regroupement de plusieurs scissions du PS. Son candidat remplaçant est un ancien adjoint MRC au maire de Gières, Claude Sergent, actif dans des associations solidaires. La FGR présente aussi des candidats dans les cinquième et dixième circonscriptions.
Pour clore la liste, une candidature dissidente, celle de Jérôme Rubes, adjoint à Saint-Martin-d’Hères, qui se présente sous l’étiquette communiste. Candidature qualifiée « d’aventure personnelle » par David Queiros, maire de Saint-Martin-d’Hères, sur les ondes de France bleu Isère. « Le PCF de l’Isère condamne cette décision irresponsable, et rappelle son soutien à l’accord national de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, ainsi qu’à la candidate qui a été investie nationalement pour cette coalition sur cette circonscription, Cyrielle Châtelain », a indiqué la fédération communiste dans un communiqué.
Le sprint des législatives
A gauche, les militants sont engagés dans une course contre la montre qui s’achèvera le 19 juin. Avec l’espoir de la victoire.
Le choix avait été fait: attendre le résultat de l’élection présidentielle avant de se lancer dans la campagne des législatives. Sept semaines, c’est court. La fin du mois de mai et la première quinzaine de juin a donc été mise à profit par les militants de gauche dans une course contre la montre dont ils espèrent qu’elle les conduira à la victoire les 12 et 19 juin.
Dans le département, l’effort se produit généralement chacun dans son couloir. Les candidatures composées pour représenter la Nouvelle union populaire écologique et sociale sont unicolores, dans huit cas sur dix. Seules exceptions, à Roussillon-Bièvres-Charavines où la candidate titulaire communiste avait depuis longtemps indiqué qu’elle souhaitait un candidat remplaçant LFI, et la deuxième circonscription (Grenoble Sud) où la candidate EELV a été rejointe par un remplaçant LFI. Les raisons invoquées pour récuser les propositions d’ouverture tiennent à l’efficacité indispensable face à la contrainte d’une campagne éclair. Argument parfois plus baroque, comme ce candidat qui se déclare certain d’être élu et pourquoi pas ministre : il lui faut donc un remplaçant qui siégera dans le même groupe que lui, dit-il.
Au total, la Nouvelle union populaire écologique et sociale est représentée par cinq binômes LFI-LFI, un binôme PS-PS, un binôme PCF-LFI, un EELV-LFI et deux EELV-EELV.
Dans quelques jours, les élections législatives auront livré leur verdict. Aujourd’hui, neuf députés isérois sur dix sont membres de la majorité présidentielle. L’enjeu de ce scrutin de 2022 sera de faire baisser ce chiffre très sensiblement en comptant sur une vague post-présidentielle.
Enthousiasme à tous les étages
L’accord national conclu par les partis de gauche a suscité un réel enthousiasme parmi les militants. La France insoumise affiche l’objectif d’une majorité de député et d’un changement de gouvernement.
L’heure est au porte à porte. Avec l’ampleur du déploiement que crée l’enthousiasme : nombreux sont les militants de gauche « à y croire ». les affiches manquent, les tracts filent, les assemblées publiques se multiplient aux quatre coins du département… « Les gens sont à fond, nous explique une militante de la France insoumise qui écume le quartier de la Villeneuve à Grenoble, il suffit d’expliquer que nous sommes en tête des sondages et que cette fois, ça va le faire et ça passe tout seul. »
Approche qu’encouragent les candidats désignés par la France insoumise : « si nous sommes majoritaires, et c’est l’objectif, alors nous serons aux commandes », se réjouit Jérôme Dutroncy, candidat remplaçant d’Elisa Martin dans la troisième circonscription de l’Isère. Même tonalité lors du lancement de campagne de Cyrielle Chatelin, dans la deuxième circonscription, où l’énumération des mesures que prendrait un futur gouvernement de cohabitation s’est taillée une large place au fil des interventions.
Un enthousiasme militant qui semble trouver un écho parmi les électeurs qui ont choisi un bulletin de gauche lors de la dernière élection présidentielle et que les militants rencontrent sur les marchés ou dans les assemblées publiques.
Gouvernement provisoire
Pour les inquiets de nature, reste toutefois une incertitude, celle du niveau de l’abstention, traditionnellement élevé dans les législatives qui suivent une présidentielle. Et de la contribution relative de l’électorat de gauche à cette éventuelle démobilisation. Un scénario déjà vécu en 2017, accompagné d’un élan dans les urnes en faveur du président élu. « Justement, ce qui change, c’est que la gauche part unie dès le premier tour, nous explique un militant, nous accéderons au second tour dans beaucoup plus de circonscriptions qu’en 2017 où nous avions laissé Macron en tête à tête avec l’extrême-droite. »
Et puis, « au porte à porte, personne ne nous parle de s’abstenir à la Villeneuve », commente notre interlocutrice de la France insoumise. À rebours de ce que décrivent les enquêtes d’opinion, s’agissant notamment des quartiers populaires.
La campagne électorale s’achève et nous saurons bientôt ce qu’il en est. Reste encore quelques jours pour convaincre.
« Ce gouvernement n’est que provisoire ! Ils ne sont là que pour quelques semaines », déclarait Elisa Martin, lors de l’inauguration de son local de campagne quelques jours après la nomination de l’équipe d’Élisabeth Borne. C’est là l’un des thèmes majeurs de la campagne des candidats de la France insoumise. L’élection d’une majorité de gauche à l’Assemblée nationale permettra de renverser le gouvernement et la Première ministre désignée par Emmanuel Macron.