La guerre en Ukraine
Par Edouard Schoene
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Denis Anselmet, président de l’association Initiatives citoyenneté défense (ICD).
Créée par des citoyen.ne.s d’horizons et de sensibilités diverses, l’association Initiatives citoyenneté défense (ICD) a pour objet de replacer les questions de défense dans le champ démocratique et du contrôle citoyen. Jaurès l’écrivait il y a plus d’un siècle : « l’organisation de la défense nationale et l’organisation de la paix internationale sont solidaires ». L’association ICD publie une revue « l’arme et la Paix » et organise en partenariat avec d’autres associations (le Mouvement de la paix, Amnesty International, les MJC, etc.) ou des syndicats (FNTE CGT, etc.) des conférences et débats publics sur ces questions. Son président répond aux questions du Travailleur alpin.
Quelle est l’urgence de la situation en Ukraine ?
En ces moments dramatiques, l’urgence est celle d’une totale solidarité avec les populations d’Ukraine. Tout doit être fait pour venir en aide, soutenir et accueillir les populations victimes de la guerre. Rien ne peut justifier l’invasion d’un pays par un autre ; il s’agit là d’un fondement du droit international. Les forces armées Russes doivent se retirer du territoire ukrainien ; les populations d’Ukraine doivent pouvoir choisir leur avenir en toute indépendance.
L’OTAN porte-t-il une responsabilité dans ce conflit ?
En poussant le déploiement de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, en violation des engagements qui avaient été pris à la chute de l’URSS, les USA et l’OTAN ont contribué à mettre le feu en Europe (un peu comme en 2008 avec la Géorgie) en laissant aujourd’hui les Européens en supporter les conséquences. Il est urgent de sortir de ces logiques, et du dangereux alignement de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.
Quelles seraient d’autres voies possibles ?
Il sera indispensable de reconstruire les bases d’une sécurité collective en Europe, respectant les légitimes exigences de sécurité de chaque Nation. Et c’est en s’émancipant de l’OTAN — organe extraterritorial aux mains et au service des USA – que l’Europe pourra bâtir les conditions d’une paix durable. Plus globalement, il est temps de redonner sa force au droit international. Les violations répétées du droit international par les USA et leurs alliés, que ce soit en Irak, en Palestine, en Yougoslavie, en Syrie, en Libye, au Yémen, à Chypre, etc. en ont affaibli les principes-mêmes pour laisser le champ à la loi du plus fort. Ce que fait à son tour Poutine.
Votre association a‑t-elle pris position ?
Parce que notre association s’est honorée à dénoncer toutes ces violations, à la différence de bien des protestataires à géométrie variable, elle exige de la même façon le respect du droit international en Ukraine, en demandant que la France retrouve sa voix en Europe et dans le monde. Une voix libre et au service de la paix.
L’invasion russe en Ukraine n’est-elle qu’un nouveau coup de poignard dans le droit international ?
L’agression de l’Ukraine par la Russie constitue une très grave violation du droit international. Elle ouvre un chapitre particulièrement inquiétant des relations internationales et s’inscrit hélas dans une dérive entamée depuis plusieurs décennies. Alors que la disparition du Pacte de Varsovie aurait pu ouvrir à la mise en place d’une nouvelle sécurité collective en Europe et conduire à la dissolution logique de l’OTAN, les USA ont choisi de pousser leur nouvel avantage stratégique par une politique agressive d’interventions extérieures et d’expansion vers l’Est. George Kennan, qui fut pourtant l’architecte nord-américain de la politique d’endiguement de l’URSS, avait en son temps alerté sur les conséquences dangereuses d’une telle politique : « L’élargissement de l’OTAN serait la plus fatale erreur de la politique américaine depuis la fin de la guerre froide. On peut s’attendre à ce que cette décision attise les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes de l’opinion publique russe ; qu’elle relance une atmosphère de guerre froide dans les relations Est-Ouest et oriente la politique étrangère russe dans une direction qui ne correspondra vraiment pas à nos souhaits ».
La stratégie de l’OTAN a‑t-elle finalement été « payante » ?
Malgré cet avertissement et les engagements pris à la disparition de l’URSS, l’OTAN a poussé sans cesse son élargissement à l’Est : Hongrie, Pologne et République tchèque dans un premier temps. Puis l’OTAN est entré en guerre contre la Yougoslavie, en passant outre l’ONU et violant ainsi le droit international (100 000 victimes civiles). En 2003, l’invasion de l’Irak par les troupes US — sans aval de l’ONU – a constitué une nouvelle violation majeure du droit international (600 000 victimes civiles). Les États-Unis ont mis fin en décembre 2001 au traité Anti-Ballistic Missile (ABM, 1972) et engagé l’installation de leur « bouclier antimissile » en Europe de l’Est, en violation de l’acte fondateur Russie-OTAN (signé en 1997 et garantissant à Moscou que les occidentaux n’installeraient pas de nouvelles infrastructures militaires permanentes). En bombardant massivement la Serbie, les États-Unis ont imposé ensuite le détachement du Kosovo de la Serbie, en totale violation du droit international, et y ont installé une de leur plus grande base militaire construite en Europe depuis la seconde guerre mondiale. L’OTAN a ainsi beaucoup avancé ses pions, mais pas au service de la paix à l’évidence. La suprématie militaire des USA les a conduits dans le même temps à cautionner les nombreuses violations du droit international de leurs alliés (comme en Palestine, en Libye ou en Syrie, mais aussi à Chypre, au Yémen, etc.) faisant prévaloir à chaque fois la loi du plus fort contre l’ordre international. Le bilan est juste excellent pour les industries d’armement, les sociétés de mercenaires et les pétroliers US, mais pas pour la paix ni pour les populations concernées.
Les signaux d’une telle escalade étaient-ils perceptibles ?
Pour être honnête, beaucoup d’observateurs sérieux ne croyaient pas à un « passage à l’acte » de la Russie, qui avait fait preuve jusque-là d’une certaine retenue. Tandis que la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie avaient été à leur tour intégrées dans l’OTAN, Washington avait franchi en 2008 une nouvelle étape en demandant l’intégration à l’OTAN de la Géorgie et de l’Ukraine, deux pays directement frontaliers avec la Russie (les USA accepteraient-ils que de nouvelles fusées Russes soient installées à Cuba ?) La Russie avait répondu militairement en Géorgie, de façon relativement limitée, et reconnu dans la foulée l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Après le renversement en février 2014 du Président ukrainien Victor Ianoukovitch et l’accélération du rapprochement avec l’OTAN, la Russie avait – comme l’OTAN l’avait fait par la guerre avec le KOSOVO – procédé au détachement « référendaire » de la Crimée… puis à la reconnaissance des républiques de Donetsk et de Louhansk… avant cette terrible décision d’envahir l’Ukraine.
La mobilisation des citoyen.ne.s peut-elle vraiment avoir un impact ?
Cette mobilisation est plus que jamais nécessaire. Que ce soit en Russie comme dans les pays occidentaux, seule une mobilisation très forte pourra hâter l’arrêt des combats, mais aussi à plus long terme imposer que l’on sorte enfin de ces logiques. La France devra pour cela retrouver une voix libre, émancipée de la doxa de l’OTAN. Mais il sera aussi nécessaire que les citoyens s’emparent de questions essentielles – même si pas toujours « sympas » — qui conditionnent hélas la sécurité internationale et la paix. Une armée pour quoi faire : pour la défense du territoire et des populations, en symbiose armée-nation, ou comme outil d’interventions extérieures de domination ? La fabrication et la vente d’armes : un outil de souveraineté nationale, sous le contrôle des citoyen.ne.s et de la représentation nationale, ou un marché placé dans la sphère du profit et de la « concurrence libre et non faussée » ? Nous ne pouvons à cet égard qu’inciter à lire les programmes des candidat.e.s à la présidentielle sur ces questions. Ce sera l’objet du prochain numéro de notre revue « l’arme et la Paix ».
Association ICD : abonnement et contact associcd@gmail.com
Yann Mongaburu.
C’est là que tout bascule. Des réunions s’éternisent. Christophe Ferrari rencontre des élus LREM mais ne participe pas aux échanges entre les quatre groupes de gauche (UMA — écologistes‑,
Christophe Ferrari.
Au troisième tour, Christophe Ferrari est élu en bénéficiant des suffrages des élus de droite, des élus LREM et d’une partie des élus de gauche. 62 voix contre 54 à Yann
L’assemblée de Vizille
, donc, sur la composition d’un exécutif de vingt vice-présidents. Le souhait de voir confier à Yann Mongaburu un poste de premier vice-président se heurte toutefois à un refus de Christophe Ferrari.
Une agglomération de 49 communes et 450 000 habitants.
écutif en formation.
La gestion du foncier présidée par un maire de droite
L’affaire n’est pas finie. Au SMMAG, l’ancien SMTC que présidait Yann Mongaburu, c’est Sylvain Laval qui est élu à la présidence. Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux, ex-directeur de cabinet de Nicole Belloubet lorsqu’elle était ministre de la barrage » à la candidature écologiste de Florent Cholat, maire de Champagnier.
Le Forum, siège de Grenoble Alpes métropole.
Rebelote à l’établissement public foncier local (EPFL), un organisme qui joue un rôle de premier plan dans la gestion du foncier et, par là, du développement urbain. Rebelote à ceci près que c’est le maire de droite de Sassenage, Christian Coigné, qui l’emporte face au candidat de la métropole, le maire de Saint-Egrève, Laurent Amadieu. « Je ne crois pas que c’est ce que voulait Christophe, nous dira un élu socialiste, mais quand on commence à donner des gages à la droite, il arrive qu’on se fasse doubler. »
Double légitimité
Comment en est-on arrivé là ? « Nous sommes face à une double légitimité, commente Guillaume Lissy, d’un côté celle des élections municipales avec les succès écologistes ; de l’autre celle des maires et de leurs équipes qui ont été élus dans leurs communes ». Et Guillaume Lissy de noter que « sur les 49 maires de la métropole, 42 soutenaient Christophe Ferrari. » Plusieurs élus que nous avons rencontrés considèrent qu’une autre perpective aurait pu se dégager si la candidature de Yann Mongaburu n’avait pas été grenobloise.
Légitimités contradictoires, Yann Mongaburu partage ce constat. « Notre métropole est unique en France, dit-il, elle est faite d’un coeur qui compte parmi les plus denses du pays – après Paris et Lyon, mais devant Marseille ou Toulouse – et de communes de montagne ou rurales qui connaissent une tout autre réalité. » Pour Yann Mongaburu, « cette réalité doit être regardée en face et elle est essentielle pour la gouvernance de la métropole : il faut unir, tisser des liens de solidarité et non pas diviser ». Un Yann Mongaburu qui n’oublie pas de s’étonner au passage de l’étiquette de « petite commune rurale » attribuée à Saint-Martin-le-Vinoux, limitrophe du centre ville de Grenoble, pas vraiment agricole, et dont se prévaut son maire, Sylvain Laval, pour siéger sur les bancs du groupe Notre métropole commune.
L’un des coeurs urbain les plus denses du pays aux côtés de communes rurales de montagne.
Reste ce sentiment partagé par les élus des « petites communes » d’une certaine condescendance des poids lourds de l’agglomération à leur égard. « Ca n’a pas été correctement pris en compte et Christophe Ferrari a su jouer de ce sentiment en exacerbant la division centre/périphérie sans oublier d’appuyer l’idée, tout de même étrange en démocratie, que la gestion ne relève pas de choix politiques », commente un élu.
Le concept de majorité revisité
Mais revenons à l’actualité. Le président de Grenoble Alpes métropole peut-il aujourd’hui s’appuyer sur une majorité ?
Réponses contrastées. Parmi les élus que nous avons rencontrés, un point d’accord se dégage. Unanime, même : l’exécutif travaille. Des politiques sont mises en œuvre, même si c’est parfois au prix de débats rugueux. Nicolas Beron Perez, vice-président communiste au logement, a ainsi pu faire aboutir sa proposition d’encadrement des loyers.
Passé ce premier constat, les commentaires passent en « off ». Et ce qui se murmure est plus complexe. « Je crois qu’il ne faut pas employer le terme de majorité, nous confiera un élu écologiste métropolitain, quand on parle de majorité, on entend des élus qui travaillent ensemble pour définir et mettre en œuvre des projets communs, ce n’est pas le cas aujourd’hui à la métropole. » Et de nous expliquer que deux logiques s’affrontent, celle qui prend la mesure des problèmes écologiques et sociaux et qui est déterminée à les traiter et une autre — celle de la présidence -, qui minore les enjeux et l’ampleur des décisions à prendre. De fait, les élus des quatre groupes de gauche travaillent plutôt écologistes et communistes d’un côté et socialistes et NMC de l’autre. « Ce serait tromper nos électeurs et surtout ne pas leur donner les moyens d’intervenir dans le débat si nous faisions semblant que tout est normal. »
Les sept groupes des élus de Grenoble Alpes métropole
Une Métropole d’avance (UMA), écologistes.
Notre Métropole commune (NMC), « petites communes ».
Arc des communes en transitions écologiques et sociales (ACTES), socialistes et apparentés.
Communes, coopération et citoyenneté (CCC), communistes et apparentés.
Communes au coeur de la Métropole (CCM), droite.
Métropole territoires de progrès solidaires (MTPS), LaRem.
Groupe d’opposition — Société civile, divers droite et centre (GO-SCDDC), droite.