Grésivaudan. Le train, c’est aussi une industrie

Par Max Blanchard

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Le groupe Alstom implante un atelier de rénovation ferroviaire sur l’ancien site sidérurgique d’Ascométal, au Cheylas, dans la vallée du Grésivaudan. Une renaissance pour la haute vallée six ans après la fermeture de l’établissement sidérurgique ? C’est en tout cas une bonne nouvelle, saluée par le maire communiste de la commune.

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Les travaux d'aménagement de l'atelier se poursuivent.

Tout juste un siècle après sa nais­sance en 1921, le site Asco­me­tal du Chey­las pour­rait bien pour­suivre sa renais­sance. Cette friche indus­trielle de la val­lée du Gré­si­vau­dan l’a accueilli jusqu’en 2015, année de fer­me­ture de l’usine sidé­rur­gique du même nom. Depuis 2017, la friche avait été rache­tée par la socié­té SLS, qui vou­lait trans­for­mer ses 30 hec­tares et 40 000 mètres car­rés de bâti­ments indus­triels en une pépi­nière d’entreprises. Aujourd’hui, le pari est déjà presque rem­pli puisque SLS Acti­parc sillon alpin, de son nou­veau nom, accueille déjà une qua­ran­taine d’entreprises, spé­cia­li­sées dans le domaine de l’énergie et de la métal­lur­gie.

« L’arrivée d’Alstom est une bonne nou­velle », se satis­fait Roger Cohard, maire de la com­mune.

C’est la mul­ti­na­tio­nale d’origine cana­dienne Bom­bar­dier qui avait repé­ré voi­ci quelque temps cet empla­ce­ment favo­rable : un sec­teur éco­no­mique vivace à mi-che­min entre Gre­noble et Cham­bé­ry, bien irri­gué par des infra­struc­tures rou­tières et fer­ro­viaires, avec des bâti­ment adap­tés et dis­po­nibles. Des atouts indé­niables pour implan­ter un ate­lier de réno­va­tion fer­ro­viaire.

Après le rachat du sec­teur trans­port Bom­bar­dier par Alstom en jan­vier 2021, l’idée, loin d’être aban­don­née, est reprise par ce der­nier. Le site a été défi­ni­ti­ve­ment sélec­tion­né voi­là quelques mois à peine, les tra­vaux ont débu­té en mars, et la pre­mière rame devait être accueillie à la fin du mois d’octobre.

À terme, plusieurs centaines d’emplois annoncés

L’atelier créé fera la main­te­nance régu­lière des trains (voire des métros), la répa­ra­tion des pannes, mais aus­si la trans­for­ma­tion des moteurs die­sel des rames AGC d’Alstom en moteurs élec­triques. Ce sera aus­si un lieu de moder­ni­sa­tion des trains, afin de leur appor­ter « toutes les nou­velles tech­no­lo­gies qui sont déve­lop­pées sur les équi­pe­ments neufs ». Si la mise en ser­vice glo­bale du seul site d’Alstom est chif­frée à 9 mil­lions d’euros (dont le coût d’exploitation sur six ans), 7,5 mil­lions d’euros sont dédiés à sa réno­va­tion.

Démar­ré en mars 2021, le pro­jet com­prend la créa­tion d’un hall fer­ro­viaire de 3 600 mètres car­rés, d’un maga­sin logis­tique de 900 mètres car­rés, de deux postes d’essais de 140 mètres de long, de fosses, de 150 mètres car­rés de pla­teaux de bureaux et d’un bâti­ment admi­nis­tra­tif de 150 mètres car­rés. Des ins­tal­la­tions spé­ci­fiques pour la moder­ni­sa­tion des trains seront éga­le­ment mises en place, tels que des ponts rou­lants et des colonnes de levage. Outre celle de réa­li­ser des tests des sys­tèmes élec­tro­niques, le site offri­ra éga­le­ment la pos­si­bi­li­té de tra­vailler tout à la fois dans et sur les trains, soit un gain de temps et de pro­duc­ti­vi­té.

L’aménagement des lieux est mené tam­bour bat­tant. Les rails sont ins­tal­lés, les locaux annexes équi­pés. Des pan­neaux solaires seront ins­tal­lés sur le toit du hall fer­ro­viaire, qui sera doté de deux lignes per­met­tant d’accueillir deux trains, ou un seul train de 140 mètres de long.

Le site est connec­té avec la voie fer­rée dans les deux sens. C’est un énorme atout car il accueille­ra des trains venant aus­si bien de Gre­noble que de Cham­bé­ry.

Des inves­tis­se­ments du conseil régio­nal et du conseil dépar­te­men­tal sont pro­gram­més pour les équi­pe­ments rou­tiers et fer­ro­viaires. La com­mu­nau­té de com­munes va effec­tuer le rac­cor­de­ment à l’assainissement col­lec­tif, soit 2,7 mil­lions d’euros pour ame­ner les réseaux en entrée de par­celle.

Avec cette nou­velle implan­ta­tion, Alstom vient ren­for­cer une pépi­nière de petites entre­prises déjà implan­tées qui béné­fi­cie­ront d’un nou­vel effet d’entraînement. Cer­taines sont déjà très actives comme la socié­té de pro­duc­tion de gre­naille Winoa (ex-Whee­la­bra­tor) Pour l’entreprise, « sans ame­ner de gros chan­ge­ments à notre acti­vi­té, nous espé­rons que l’entreprise pour­rait deve­nir un client de notre usine, selon son acti­vi­té. Le fer­ro­viaire est l’une des appli­ca­tions de nos pro­duits et il y aurait sûre­ment des syner­gies à trou­ver. »

Si une cen­taine d’emplois devraient être créés par Alstom, ce sont plus de 450 que le site dans son ensemble devrait accueillir à moyen terme.

Une nou­velle plu­tôt encou­ra­geante en ces temps de crise…

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Un groupe de taille planétaire

Alstom va dis­po­ser sur le site du Chey­las d’un ate­lier de 3 600 mètres car­rés, d’un maga­sin logis­tique de 900 mètres car­rés, de deux postes d’essais de cent qua­rante mètres de long, de cent cin­quante mètres car­rés de pla­teaux de bureaux et d’un bâti­ment admi­nis­tra­tif de cent cin­quante mètres car­rés. C’est un groupe indus­triel de taille pla­né­taire qui s’installe au Chey­las. Avec le rachat, fina­li­sé le 29 jan­vier der­nier, du cana­dien Bom­bar­dier trans­port, Alstom est deve­nu le numé­ro deux mon­dial et le numé­ro un euro­péen du sec­teur fer­ro­viaire, der­rière le chi­nois CRRC et devant l’allemand Sie­mens, avec lequel un pro­jet de fusion n’a pas abou­ti. Grâce à cette acqui­si­tion de Bom­bar­dier trans­port, le chiffre d’affaires d’Alstom a presque dou­blé.

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Roger Cohard, ancien délé­gué syn­di­cal chez Asco­me­tal, maire com­mu­niste du Chey­las.

« C’est une bonne nouvelle ! »

Licencié par le groupe Ascométal lors d’un énième plan social, Roger Cohard, aujourd’hui maire de la commune du Cheylas depuis 2008, réélu en 2014 et 2020, affiche sa satisfaction de voir le site se dynamiser.

« J’ai tou­jours cru à la voca­tion indus­trielle du site », rap­pelle Roger Cohard. « Nous l’avons d’ailleurs clai­re­ment défi­ni comme tel dans le plan d’occupation des sols », ajoute-t-il.
Chau­dron­nier, puis agent de main­te­nance, il a exer­cé des res­pon­sa­bi­li­tés syn­di­cales au sein de l’entreprise du temps de l’activité de celle-ci. C’est donc un cadre qu’il connait bien. La vue du chan­tier de trans­for­ma­tion de l’ancien ate­lier du lami­noir à plat mis en ser­vice en 1973 (où s’effectueront les réno­va­tions fer­ro­viaires) le laisse quelque peu rêveur, his­toire oblige. Mais non nos­tal­gique.

Des formations qu’il faut mettre en place

« L’ancien site d’Ascometal n’aura pas eu le temps de deve­nir une friche. Le recon­di­tion­ne­ment de ce site opé­ré avec des entre­prises du tis­su éco­no­mique et indus­triel local est une bonne nou­velle pour les familles qui ont été dure­ment impac­tée par la fer­me­ture de l’usine en 2015 », se réjouit le maire du Chey­las, qui se féli­cite par ailleurs que la nou­velle usine « n’empiétera ain­si pas sur des ter­rains dédiés à l’agriculture ». Une inté­gri­té vil­la­geoise pré­ser­vée.
Pour lui l’existence de la pépi­nière d’entreprises ain­si ren­for­cée ne peut qu’être un atout pour déve­lop­per des syner­gies locales entre les socié­tés pré­sentes ou à venir. Des pré­misses pour l’avenir de la com­mune.

Seule la ques­tion de l’emploi qui sera créé sur le site indus­triel sus­cite encore quelques inter­ro­ga­tions et regrets de sa part. « Le recru­te­ment des sala­riés aura lieu dans la région même si nous savons que l’encadrement ini­tial vien­dra de l’extérieur et que nous ne sommes pas très asso­ciés à la pros­pec­tion. »

Et de pré­ci­ser sa pen­sée : « En tant que maire et vice-pré­sident de la com­mu­nau­té de com­munes du Gré­si­vau­dan char­gé de l’emploi, j’aurais aimé qu’une col­la­bo­ra­tion puisse être déve­lop­pée avec Pôle emploi et la Mis­sion locale pour pro­po­ser des débou­chés aux deman­deurs d’emploi de la val­lée. Cela aurait été une occa­sion de mettre en œuvre une véri­table action entre acteurs publics et pri­vés afin de mettre en place des for­ma­tions qua­li­fiantes pour les deman­deurs d’emploi afin de leur per­mettre d’accéder aux métiers pro­po­sés par le centre de répa­ra­tion fer­ro­viaire ».

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Lors de la pré­sen­ta­tion offi­cielle du pro­jet, au Chey­las début octobre.

Une entreprise de verdissement ferroviaire

Ancien cadre de Bombardier, Pierre Michard est désormais vice-président « services » d’Alstom France. C’est à ce titre qu’il a présenté le projet du Grésivaudan.

« Moder­ni­ser un train, c’est lui appor­ter toutes les nou­velles tech­no­lo­gies qui sont déve­lop­pées sur les équi­pe­ments neufs : la vidéo­sur­veillance, l’information des pas­sa­gers, le wifi. C’est ce qu’on va faire ici », a clai­re­ment expli­qué Pierrre Michard, lors d’une visite de chan­tier au Chey­las. Et d’ajouter : « Nous allons aus­si assu­rer sur ce site le ver­dis­se­ment des trains Die­sel pour le mar­ché fran­çais ». Il pré­cise : « Dans le fer­ro­viaire, Alstom est lea­der des tech­no­lo­gies vertes et c’est ici que nous allons conver­tir nos pre­miers trains, c’est-à-dire les faire pas­ser d’une tech­no­lo­gie Die­sel, ancienne, à une tech­no­lo­gie bat­te­rie, moderne ».

Des trains qui changent de technologie

Le site est par­ti­cu­liè­re­ment pro­pice, car l’atelier qui abri­tait l’ancien lami­noir « mesure 180 mètres de lon­gueur, ce qui va per­mettre d’accueillir des TER sans avoir à désac­cou­pler les wagons ». Et l’installation réa­li­sée répon­dra aux besoins tech­niques de la réno­va­tion car « on pour­ra tra­vailler en même temps sous, dans et sur les trains ». Les bureaux annexes, eux aus­si en cours de réha­bi­li­ta­tion, « abri­te­ront les équipes pro­jets et ingé­nie­rie ».

Pierre Michard affirme qu’Alstom a signé un bail pour dix ans, pré­voyant un inves­tis­se­ment, sur six ans, de 9 mil­lions d’euros, dont 7,5 mil­lions uni­que­ment pour la réno­va­tion du site.

A terme il pré­voit que le centre accueille­ra une cen­taine de per­sonnes. Sans négli­ger les emplois induits. L’emploi ? Pierre Michard indique qu’il n’est pas simple de trou­ver le per­son­nel qua­li­fié qui tra­vaille­ra dans ce nou­vel ate­lier, compte tenu du déli­te­ment des filières indus­trielles. « Des for­ma­tions sont pré­vues, des par­te­na­riats sont mis en place avec l’université et des lycées tech­niques ».

Le Cheylas

Com­mune de la val­lée du Gré­si­vau­dan, à égale dis­tance de Gre­noble et de Cham­bé­ry. 2 700 habi­tants. Appar­tient à la com­mu­nau­té de com­munes du Gré­si­vau­dan.

Voie ferrée

Afin de per­mettre aux trains d’accéder au centre de ser­vices fer­ro­viaire depuis la voie Gre­noble-Cham­bé­ry, le pas­sage à niveau indus­triel de la D523 va être réno­vé, élec­tri­fié et remis en ser­vice.

Route

Le Dépar­te­ment réa­lise sur la D523, au sud de la friche indus­trielle, un car­re­four gira­toire pour en sécu­ri­ser l’accès et per­mettre l’arrivée de convois spé­ciaux, les trams et rames de métro étant ame­nés sur camions.

Région

Pour sa part, la Région sub­ven­tionne le pro­jet à hau­teur de 1,4 mil­lion d’euros au titre du plan régio­nal d’aide au report modal des mar­chan­dises. Une somme per­met­tant la réno­va­tion de l’embranchement fer­ro­viaire.

Un site

40 entre­prises sont ins­tal­lées sur le site SLS Acti­parc sillon alpin, qui fête ses 100 ans en 2021. 200 emplois sur site sont actuel­le­ment recen­sés, 450 envi­sa­gés sous trois ans.

Pépinière

En 2017 la socié­té immo­bi­lière SLS a rache­té le site d’Ascométal – 30 ha et 40 000 m² de bâti­ments – pour amé­na­ger une pépi­nière d’entreprises aujourd’hui rejointes par Alstom.

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